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VÉTÉRINAIRES : PÉNURIE ET ÉPUISEMENT

JEAN-FRANÇCOIS DUGAS jfdugas@ledroit.com

Il n’existe pas seulement une pénurie de la main-d’oeuvre dans les hôpitaux de la province. Les vétérinaires peinent également à répondre à la demande, particulièrement depuis le début de la pandémie. Les parallèles sont même frappants.

C’est bien connu. La crise sanitaire a provoqué une ruée vers les refuges, les chenils et les autres sites possibles pour l’adoption d’un animal de compagnie. En peu de temps, il était devenu impossible de se trouver un compagnon à quatre pattes pour briser l’isolement. L’explosion de la population canine et féline a ainsi provoqué des retards considérables chez les vétérinaires, voire dans les urgences animalières.

«Soudainement, il y a eu 20 % à 30 % de plus d’animaux domestiques nécessitant des interventions d’un vétérinaire», commente le Dr Danny Joffe, vice-président des activités médicales de VCA Canada, un collectif de quelque 120 cabinets vétérinaires au pays.

Un sondage Léger commandé par l’Association des médecins vétérinaires du Québec (AMVQ) en pratique des petits animaux, publié le 25 février 2020, chiffrait le nombre total de chiens et de chats à trois millions en province à l’époque. Cela se traduit donc en une hausse de 600 000 à 900 000 nouvelles bêtes dans la Belle Province pendant la pandémie, si l’on applique les chiffres du Dr Joffe à l’échelle provinciale.

« De plus, nous avons également dû instaurer des protocoles de sécurité en raison de la COVID-19, ce qui nous a ralentis considérablement, poursuit- il. Notre efficacité a été réduite de 25 % à 50 %, selon la clinique. Ce fut un double coup dur pour nos équipes vétérinaires d’un bout à l’autre du pays.»

Forcément, beaucoup de nouveaux propriétaires ont eu peine à trouver un «médecin de famille» en Outaouais pour leur bête. Les clients existants des vétérinaires ont aussi subi des contrecoups de la pandémie.

«TEMPÊTE PARFAITE»

« Un délai raisonnable normal est environ de deux ou trois semaines. Là, les prochains rendez-vous ne sont pas avant la fin de l’été ou à l’automne», confirme la technicienne en santé animale certifiée de Gatineau, Marie-Claude Giroux.

Dans l’impossibilité d’obtenir des services dans des cliniques privées, plusieurs propriétaires d’animaux domestiques ont dû se tourner vers les hôpitaux d’urgence 24/7. Les délais d’attente y sont passés d’une à deux heures, en moyenne, à six ou huit heures par moments, atteignant même parfois les 24 heures.

«Tous les vétérinaires et les techniciennes font des heures de fou, mais nous n’arrivons pas à bout. C’est vraiment une situation exceptionnelle», note Mme Giroux.

Le manque de main-d’oeuvre au cours des dernières années ainsi que les contraintes sanitaires et l’explosion de la demande de soins animaliers contribuent à cette situation précaire, constate le Dr Michel Pepin de l’AMVQ.

«Les trois combinés, c’est la tempête parfaite qui a créé la problématique depuis plusieurs mois, indique-t-il. On ne sait pas si on va s’en sortir prochainement, car il y a un épuisement chez les professionnels.»

«C’est la réalité du côté des soins vétérinaires, un peu comme chez les humains», compare à son tour M. Joffe.

Exaspérés, certains vétérinaires à l’urgence ont quitté le métier. « Il nous en faudrait environ 20 % de plus», soutient le Dr Joffe. Malgré tout, les animaux reçoivent des soins vétérinaires «exceptionnels», dit-il.

PÉNURIE ET IDÉES NOIRES

Le domaine des soins vétérinaires traîne de la patte depuis des années. Un manque à gagner important de vétérinaires et de techniciens en santé animale sévit non seulement au Québec, mais au pays.

« Il est reconnu par plus de 90 % des médecins vétérinaires qu’il y a une pénurie dans notre profession et dans la plupart des secteurs de pratique ainsi que dans la plupart des régions», écrit le président de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec, le Dr Gaston Rioux, dans le dernier numéro de leur revue professionnelle, Le Veterinarius.

Le manque de main- d’oeuvre donne aussi des idées noires aux vétérinaires canadiens.

«En 2020, parmi les 1403 médecins vétérinaires canadiens interrogés, 26,2 % avaient pensé au suicide au cours de la dernière année. Ce pourcentage est nettement plus élevé que celui qui est documenté dans la population générale, qui est d’environ 10 %. On peut facilement en déduire que les traditionnelles semaines de 60 heures en clinique avec six jours de garde ne tiennent plus la route», signale de son côté la présidente de l’Association canadienne des médecins vétérinaires, la Dre Enid Stiles.

D’ailleurs, c’est un peu le nerf de la guerre, estime le Dr Joffe. À ses débuts dans le métier il y a 36 ans, ses collègues et lui savaient et acceptaient de travailler des semaines de 60 heures.

«Les nouveaux vétérinaires préfèrent travailler 32 à 36 heures par semaine. La conciliation travail-vie personnelle leur est importante. Cette réalité n’a pas été prise en considération au cours des dernières années. Bref, ce n’est peutêtre pas le nombre de personnes qui est en cause, mais les changements à la profession.»

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2021-07-31T07:00:00.0000000Z

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