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CD MÉLOMANE : NON, LE DISQUE COMPACT N’EST PAS MORT!

MARIE-SOLEIL BRAULT msbrault@lesoleil.com

Détrompez-vous, le disque compact n’est pas mort. CD Mélomane fête ses 25 ans d’épopée musicale et compte bien continuer à faire honneur au disque numérique, malgré la popularité grandissante des 33 tours. Retour sur l’évolution particulière de l’album physique, à une époque où une chanson s’écoute au bout des doigts.

Benoît Huot a ouvert CD Mélomane, sur la rue Saint- Jean, le 1er août 1996. Témoin de la chute et de l’apogée du disque et du vinyle, le disquaire continue, un quart de siècle plus tard, à vendre du neuf et de l’usagé à tous ceux qui apprécient un album pour son contenu et son contenant.

Même s’il a nommé sa boutique lorsque le CD était encore roi et maître, le propriétaire tient à garder son nom, malgré son côté démodé. Les disques se vendent encore et « c’est un jeu de mots pour “C’est des mélomanes” » , rigole-t-il.

Preuve vivante que les CD ne sont pas encore affaire du passé, M. Huot affirme vendre presque autant de disques que de vinyles. «C’est pas mal 50/50.» Les cassettes suivent tranquillement à l’arrière.

M. Huot est convaincu que le CD est encore apprécié par plusieurs, que ce soit de jeunes initiés ou des collectionneurs aguerris. « Il y a toujours eu des mélomanes qui n’ont jamais arrêté de consommer des vinyles, parce que ça sonne bien.» Il assure que le disque compact ne fait pas exception.

UN PHÉNOMÈNE GÉNÉRATIONNEL

Tout commence au temps des fêtes de 1983. Benoît Huot travaille chez

Sam The Record Man quand le CD fait son arrivée. «Du jour au lendemain, le vinyle n’était plus bon». Les personnes jetaient leurs vinyles et se débarrassaient de leurs tables tournantes, se souvient-il.

Une réaction qu’il a aussi observée au tournant des années 2000, jusqu’en 2015, quand les graveurs et le téléchargement ont pris d’assaut l’industrie musicale pour finalement laisser place aux applications de diffusion musicale continue, comme Spotify.

M. Huot fait souvent référence à ce phénomène comme une tendance. « Le vinyle prend de l’ampleur depuis six ou sept ans, mais c’est aussi associé à des modes. Par contre, il y aura toujours des adeptes de vinyles, comme il y aura toujours des adeptes de CD. Ce n’est pas vrai que ça va disparaître totalement.»

«Je considère qu’un mélomane va écouter autant en cassette, qu’en CD, qu’en vinyle, pourvu qu’il ait un bon appareil. Tous ceux qui disent que le CD ne se vend plus, tant mieux, moi je vais le prendre et je vais le vendre.»

LA PÉRENNITÉ DU CD

Pour les adeptes de musique, une chose est à prendre en considération : ce qui a été enregistré sur vinyle ne sera pas nécessairement transféré sur CD. Et vice-versa.

« Le vinyle a une chaleur et une dimension que les autres configurations n’ont pas » admet Benoît Huot, mais le disque compact a aussi ses qualités qui ne peuvent être mises de côté.

« Il y a des générations qui écoutent des types de musique qui s’approprient beaucoup plus aux CD», explique M. Huot. «Si tu achètes du classique, du progressif ou du folk sur un vinyle ayant de l’usure, et si tu n’as pas une bonne table tournante, les petits moments plus smooth dans une chanson pourraient avoir du crépitement et ça peut être agaçant.»

« C’est important d’avoir une bonne table tournante pour

apprécier un vinyle, car si tu as une petite table tournante, mais un bon lecteur CD, et que tu joues le même album, le CD va l’emporter sur le vinyle.»

Néanmoins, les temps sont durs pour le disque compact. Les nouveaux modèles de voitures ne comprennent plus de lecteurs CD. Une situation difficile pour les collectionneurs. «J’ai tellement de clients qui m’ont dit qu’il n’y avait plus de lecteur CD dans leur nouvelle auto, rapporte M. Huot. Il y a des gens qui ne peuvent plus écouter leur collection de disques. Il faut qu’ils mettent ça sur une clé USB. C’est déplorable.»

Une piste de solution aurait été pour lui l’ajout d’une prise RCR. «Ça aurait été une alternative. Ce que je trouve plate, c’est que les voitures c’est l’objet qui offre le plus de fonctions, sauf celle-là.»

LES ARTISTES DERRIÈRE L’ALBUM

La rareté, les éditions limitées et le désir d’agrandir sa collection font en sorte que «le CD revient aussi un peu d’une certaine façon», soutient le disquaire. Même si l’écoute d’un vinyle est un rituel, «le CD l’est aussi. C’est avoir l’objet, le consulter et quand tu vas fouiller dans ta collection, ce n’est pas comme quand tu vas sur Spotify et que t’écoutes seulement une chanson d’un artiste.»

L’album est un concept et l’artiste ne choisit pas le déroulement des pistes par hasard, renchérit Benoît Huot, qui a aussi fait partie de plusieurs groupes de musique.

Il cite l’exemple des Beatles avec Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. « Si tu écoutes cet album sur aléatoire en CD, tu le déconstruis totalement.»

Dans les CD et les vinyles usagés, « il y aura toujours des personnes qui seront adeptes de trouver des belles pièces, comme les premières éditions ou les éditions spéciales. Même chose pour les pochettes. Le montage, la façon d’écrire les explications, les photos, c’est ça que les collectionneurs veulent. Si un mélomane aime un artiste, il va essayer d’aller chercher ce qui est rare.»

UNE PÉNURIE D’EMPLOYÉS, MAIS PAS DE CLIENTS

Même si les CD se vendent désormais moins que les vinyles, ce constat n’empêche pas la clientèle de franchir la porte de CD Mélomane. Cependant, depuis trois mois, seuls le propriétaire et un employé à temps plein gèrent le plancher, sept jours par semaine.

Le manque d’employés se fait sentir. Cette année, M. Huot n’a reçu que neuf curriculum vitae. Sur sept entrevues, plusieurs n’ont pas rappelé et certaines personnes n’avaient simplement pas les connaissances nécessaires.

«Quand tu demandes aux gens s’ils connaissent la musique, c’est toujours oui, mais dans une petite boutique comme la nôtre, il faut être touche- à- tout » et souvent, les bottines ne suivent pas les babines.

Il raconte que lors d’une entrevue, une personne a demandé à regarder son cellulaire pour nommer des artistes et des albums. «En pleine pénurie de main-d’oeuvre, j’ai cette lacune où je dois avoir quelqu’un qui achète encore des disques et qui s’intéresse à la musique. Une personne qui va être sur Spotify, quant à moi, ce n’est pas un collectionneur.»

Pour ceux qui désirent garnir leur collection, CD Mélomane offrira plusieurs rabais à l’occasion de son 25e anniversaire cette fin de semaine.

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