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LA BALADE DES GENS HEUREUX

LE TECHNOLOGUE

STEEVE FORTIN CHRONIQUE redaction@lequotidien.com

Au cours des dernières semaines, nous avons eu droit à des exploits technologiques de milliardaires qui ont pris part à leurs premiers vols spatiaux, et ce, à bord de leurs propres engins. Cette démonstration du pouvoir industriel privé laisse toutefois planer un doute sur la pertinence du tourisme spatial. Surtout à une époque où la conscience environnementale est omniprésente et va bien au-delà de l’omnipotence de cette minorité économique pour qui aller dans l’espace prouve qu’ils sont vraiment au-dessus de tout le monde.

LE VRAI

TOURISME SPATIAL

Le tourisme spatial ne date pourtant pas d’hier. En 2001, l’homme d’affaires Dennis Tito profite du manque de financement de l’agence spatiale russe pour se payer un siège à bord de la capsule Soyouz, pour ainsi rejoindre la station spatiale internationale (ISS) et y séjourner moins d’une semaine, pour la coquette somme de 20 millions de dollars.

Au total, il y aura huit séjours touristiques à bord de l’ISS, effectués par sept personnes, dont Charles Simonyi, qui se permet même deux voyages. Le Québécois Guy Laliberté est le dernier touriste à séjourner à bord de l’ISS, en déboursant plus de 40 M $US, en 2009.

De 2011 à 2020, le véhicule russe Soyouz est le seul moyen d’envoyer des équipages à la station spatiale internationale, en raison de la mise au rancart des navettes spatiales américaines, limitant ainsi le nombre de sièges disponibles.

Même si l’initiative russe d’envoyer des touristes à bord de l’ISS s’éloigne de la mission scientifique de la station, il n’en demeure pas moins que les touristes en question ont tout de même subi un entraînement rigoureux, du même type que les astronautes professionnels.

LE RETOUR DES VISITEURS

L’année 2020 marque le retour des astronautes en partance des États- Unis, grâce à l’entreprise SpaceX du milliardaire Elon Musk. Transportant jusqu’à maintenant des équipages pour le compte de la NASA, SpaceX veut toutefois développer le lucratif marché des vols touristiques en orbite terrestre, mais aussi autour de la Lune, d’ici la fin de la décennie.

À court terme, l’entreprise Axiom Space enverra vers l’ISS un premier équipage entièrement privé, composé d’un astronaute et de trois hommes affaires, dont le Montréalais Mark Pathy, le président de Stingray, qui prendra place en janvier 2022 à bord d’une capsule Crew Dragon de SpaceX. Le prix de ce voyage d’une dizaine de jours dans l’espace est évalué à 55 M $US.

LE VOL SUBORBITAL : PAS DANS L’ESPACE, MAIS PRESQUE!

Afin d’offrir une expérience de tourisme spatial abordable, des entreprises comme Blue Origin et Virgin Galactic ont opté pour des vols suborbitaux qui consistent à atteindre la ligne de Karman, frontière entre la Terre et l’espace. Cette frontière se situe à 100 km d’altitude, sauf pour les Américains, pour qui elle se situe à 50 miles, ou 80,5 kilomètres, à la suite d’une volonté de pouvoir, lors de la Guerre froide, homologuer certains vols du X -15.

Le vol suborbital nécessite évidemment beaucoup moins de carburant, donc des fusées plus petites, mais il soustrait également les engins spatiaux à la périlleuse entrée dans l’atmosphère, où les contraintes thermiques font en sorte qu’il devient quasi impossible de réutiliser rapidement des véhicules. Les navettes spatiales en sont un bel exemple.

Par contre, le vol suborbital n’offre que quelques minutes d’apesanteur... pour une coquette somme qui se situera entre 200 000 et 300 000 $ américains!

BLUE ORIGIN : UNE FUSÉE CLASSIQUE

L’approche de Blue Origin, l’entreprise de Jeff Bezos, d’Amazon, consiste à utiliser une fusée coiffée d’une capsule contenant les passagers. La fusée de Blue Origin est baptisée New Shepard en l’honneur d’Alan Shepard, le premier Américain à être allé dans l’espace, lequel avait d’ailleurs fait un vol suborbital d’une quinzaine de minutes, en 1961.

La fusée New Shepard est beaucoup moins puissante que ce que nous sommes habitués de voir depuis quelques années et ressemble légèrement à la Redstone des années 1960, lors de sa montée.

Par contre, les comparaisons avec le projet Mercury s’arrêtent ici, car la capsule de Blue Origin est nettement plus spacieuse que les boîtes de sardines utilisées aux balbutiements de l’ère spatiale. En effet, la capsule est conçue pour offrir un confort optimal à ses six passagers, afin que les 11 minutes que dure le vol soient inoubliables.

Vous n’avez pas la berlue; un vol de 11 minutes, départ et atterrissage inclus, laisse bien peu de temps pour l’expérience en apesanteur!

Avec un prix qui devrait se situer aux alentours de 250 000 $ américains, ça fait cher la minute!

VIRGIN GALACTIC : SOUS LE VENTRE D’UN AVION

Contrairement à Blue Origin, qui utilise une fusée plus conventionnelle, Virgin Galactic utilise quant à elle un avion porteur spécialement conçu pour accueillir un petit aéronef muni d’un moteur-fusée. La méthode de l’avion porteur ne date pas d’hier, car à partir de la fin des années 1940, plusieurs avions expérimentaux ont lieu, dont le Bell X-1, le premier à franchir le mur du son, avec Chuck Yeager à son bord, et le fameux X-15, qui a fait quelques vols suborbitaux dans les années 1960.

L’approche de Virgin Galactic ressemble plus à un voyage en avion de chasse qu’à un voyage spatial traditionnel. L’avion porteur doit atteindre l’altitude de 15 km avant de relâcher le vaisseau, qui effectue alors un court vol plané, le temps de distancer l’avion porteur, pour ensuite allumer son moteur-fusée 63 secondes, question d’atteindre l’altitude de 80 km, soumettant alors son équipage à une force d’accélération de 3,5 G. Les occupants du vaisseau peuvent ensuite profiter de l’apesanteur pendant environ quatre à cinq minutes, avant d’entreprendre la descente en vol plané. L’ensemble du vol, d’une durée de 90 minutes, nécessite un entraînement de trois jours pour les astrotouristes.

Malgré tout le malaise entourant les vols spatiaux touristiques, si j’avais la chance de prendre place à bord pour y faire un tour, laissezmoi vous dire que mes convictions prendraient le bord! Il y a une certaine forme d’indignation collective dans cette démesure des riches, mais je suis persuadé que si l’on vous offrait les moyens de le faire, plusieurs d’entre vous feraient la même chose, non?

AFFAIRES

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2021-07-31T07:00:00.0000000Z

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

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