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LE CRYPTOMINAGE LÀ POUR DURER?

SIMON ROBERGE simon.roberge@latribune.qc.ca

Avec sa situation politique stable, son électricité à faible prix, ses surplus d’hydroélectricité, son climat froid et son réseau Internet fiable, le Québec est une des destinations de choix dans le monde pour miner de la cryptomonnaie. Elles sont d’ailleurs près d’une centaine d’entreprises en activité sur le territoire.

Mais est-ce que c’est une industrie éphémère qui vient simplement s’enrichir en utilisant notre électricité? Est-ce aussi dommageable pour l’environnement qu’on le dit? Et surtout, est-ce que les bénéfices surpassent les inconvénients?

SHERBROOKE — En 2013, un bitcoin se négociait pour environ 250 $. Quatre ans plus tard, il en coûtait plus de 16 000 $ pour acquérir cette monnaie virtuelle. Sa valeur a toutefois chuté dans les années suivantes, jusqu’à 4000 $ en 2019. Mais à peine deux ans plus tard, en février 2021, le bitcoin atteignait des sommets à 75 000 $. Il est redescendu depuis et s’est stabilisé à 41 000 $ dans les derniers jours. À la lumière de ces chiffres, le bitcoin est l’une des valeurs les plus volatiles sur le marché. L’impact est donc direct sur les nombreuses entreprises de cryptominage qui s’installent au Québec.

Le professeur de l’école de gestion de l’UdeS et spécialiste en cryptomonnaie Mario Lavallée ne mâche d’ailleurs pas ses mots à l’égard de cette industrie. « Ces gens consomment énormément d’énergie pour produire quelque chose de très spéculatif, soulignet- il. On ne sait pas encore si ce sera utile. Ils ne produisent pas des 2 par 4, ils produisent des 0 et des 1 dans le fond d’un ordinateur. Les cryptomonnaies définissent leur identité en ce moment et ça se pourrait bien que dans un an ou deux ça tombe. Je pense qu’il y a 10 000 cryptomonnaies. Il y en a peut- être certaines qui vont se tailler une place, mais je favoriserais celles qui sont moins énergivores. J’ai de la difficulté à comprendre qu’à long terme, on va accepter une monnaie ou un actif qui nous coûte autant à créer et à maintenir.»

Le professeur met donc en garde les municipalités qui perçoivent ces entreprises comme des vaches à lait.

«C’est possiblement éphémère, analyse le professeur. Les municipalités qui comptent là-dessus pour boucler leur budget, elles vont peut- être le boucler pour deux, trois ou quatre ans, mais à long terme, il ne faut pas qu’elles comptent là-dessus. Si ça dure à long terme, tant mieux.»

De nature très volatile en raison de sa nature spéculative, « le bitcoin est une charge qui pourrait devenir gigantesque une année et ensuite, si le prix tombe, tout le monde va fermer » , avertit pour sa part Philip Raphals, le directeur général du Centre Hélios qui regroupe des experts internationaux en énergie. De plus, « c’est une activité qui ne produit pas beaucoup d’emplois. Ce n’est pas vraiment une activité industrielle comme les autres, c’est donc important de l’encadrer de façon différente».

PLUS QUE DU MINAGE

Malgré les fortes fluctuations et la nature spéculative du bitcoin, les centres de minage pourraient utiliser leur puissance de calcul à d’autres fins et ainsi survivre à une possible chute du bitcoin.

« Ils ne font pas que miner de nouveaux bitcoins, explique Jeremy Clark, professeur agrégé à l’Institut d’ingénierie des systèmes d’information de l’Université Concordia et titulaire d’une chaire de recherche industrielle sur les technologies de chaînes de blocs. Ils vérifient des transactions et s’assurent qu’elles sont valides. Ils s’assurent que les gens dépensent de l’argent qu’ils ont et qu’ils ne dépensent pas en double. Ils maintiennent le blockchain en quelque sorte.»

C ’e s t justement cette technologie de chaîne de blocs qui pourrait être utilisée à d’autres fins.

« On pense beaucoup au bitcoin, mais la technologie blockchain où il y a une demande de validation de transaction va se déployer, pense pour sa part Louis Roy, directeur national en certification et leader blockchain chez Raymond Chabot Grant Thornton. Il y aura d’autres applications pour la validation de transaction. Aussi, souvent, on entend que cette

« Ces gens consomment énormément d’énergie pour produire quelque chose de très spéculatif. [...] Ils ne produisent pas des 2 par 4, ils produisent des 0 et des 1 dans le fond d’un ordinateur »

— Mario Lavallée, spécialiste en cryptomonnaie

puissance pourrait être utilisée pour des projets en intelligence artificielle. On en parle beaucoup et on ne voit pas grand- chose, mais c’est une possibilité.»

PROJETS PARALLÈLES

Les projets de récupération de chaleur pourraient être un autre aspect où ces entreprises pourraient avoir une utilité plus concrète pour les municipalités qui les accueillent. C’est d’ailleurs le cas de l’ancienne église de SaintAdrien, dans la MRC des Sources, qui est chauffée avec des serveurs dans le sous-sol qui minent de la cryptomonnaie. La chaleur générée est ensuite répartie dans le bâtiment.

« Il faudrait pousser ça, résume M. Roy. On vous donne un accès, mais pensez à avoir un projet parallèle où la chaleur sera utilisée pour chauffer certains bâtiments ou des serres. Tant qu’à imposer un encadrement, c’est ça que je ferais. Ça incite les gens à être innovants et peut-être même qu’on pourrait développer une expertise au Québec par rapport à ça.»

LE POINT

fr-ca

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

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