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Grande victoire à l’écart du podium

VU D’MÊME

MARIE-ÈVE MARTEL CHRONIQUE marie-eve.martel@lavoixdelest.ca

Tous les deux ans, en temps normal, la tenue des Jeux olympiques nous permet de faire le plein de fierté vis-à-vis ceux qui représentent notre pays devant le reste du monde. Cette année n’y fait pas exception, alors que la grande fête du sport s’est transportée à Tokyo sur une trame pandémique.

Quand l’un des nôtres s’illustre et se couvre d’or, d’argent ou de bronze, c’est l’extase : peu importe de quel océan notre compatriote est le plus proche, on se sent tous un peu plus Canadien et les kilomètres n’existent plus. La ferveur est encore plus forte si les honneurs reviennent à un ou une athlète bien de chez nous, au Québec.

Nos sportifs deviennent alors des héros, des modèles qui inspireront des jeunes pendant des années. Ils incarnent l’excellence dans leur discipline et sont admirés pour leur persévérance et leur détermination.

Car c’est surtout cela qu’il faut, en plus d’une bonne dose de talent, pour se rendre au niveau olympique. On s’en doute, avoir le privilège de porter les couleurs de son pays à la plus symbolique des compétitions sportives requiert sa part de sacrifices et de compromis.

Pour beaucoup d’athlètes, les Olympiques sont l’aboutissement de toute leur vie. Le point culminant de leur existence, cette lumière qui les a poussés à tout mettre en oeuvre pour traverser un tunnel et qui est finalement à leur portée.

Qu’est-ce qu’il reste, après? Ou même, pendant?

Cette semaine, l’abandon de Simone Biles en plein durant les finales de gymnastique pour se concentrer sur sa santé mentale a provoqué une onde de choc autour du monde. Mais à sa manière, cette annonce a aussi marqué l’Histoire.

Déjà, la petite Américaine de 24 ans — elle mesure environ 4’8’’ — a une feuille de route impressionnante. Elle est la gymnaste artistique la plus décorée en championnats du monde de tous les temps. Elle a même hérité d’un emoji à son image, qui symbolise une chèvre, en anglais « goat », acronyme pour l’expression Greatest of all time.

Cette semaine, Biles, comme l’avait fait la joueuse de tennis Naomi Osaka avant elle en mai, a ramené les athlètes à leur forme tout simplement humaine. Des demi-dieux ils ne sont pas, malgré les apparences.

Imaginez avoir tout un pays derrière vous alors que vous vous apprêtez à vivre l’une des expériences les plus stressantes de votre vie

La pression est réelle : elle peut devenir insoutenable.

Imaginez avoir tout un pays derrière vous alors que vous vous apprêtez à vivre l’une des expériences les plus stressantes de votre vie, dans laquelle vous avez tout investi en attendant ce moment-là bien précis.

Certes, ce soutien doit faire chaud au coeur, mais l’enjeu est de taille : ne pas revenir bredouille, ne pas décevoir ces millions d’inconnus qui comptent sur vous pour faire flotter le drapeau national au-dessus du podium.

La principale intéressée l’a elle-même écrit sur les réseaux sociaux, lundi : elle sentait le poids du monde sur ses épaules pendant que les yeux et les caméras de la planète entière étaient braqués sur elle.

On aurait craqué à moins, probablement.

L’exemple de Simone Biles est éloquent : on comprend qu’on a beau être au sommet de sa forme physique, au sommet de son art, si la tête et le coeur n’y sont pas, la magie n’opérera pas.

Bref, et les athlètes le savent depuis longtemps, la santé de notre esprit est aussi, sinon plus, cruciale que la santé de notre corps.

« La dureté du mental», nous dirait Bob, le personnage interprété par Marc Messier dans Les Boys, en tordant la langue.

S’ils s’en trouvent pour être déçus de la voir reculer alors qu’elle était si près du but, en laissant de plus tomber ses coéquipières à la dernière minute, de nombreuses voix se sont élevées pour saluer la jeune athlète, qui s’est affranchie du tabou entourant la santé mentale en n’usant pas de prétexte pour cacher les raisons réelles de son retrait de la compétition.

Admettre une faiblesse témoigne plutôt d’une grande force.

Le fait qu’une championne, multimédaillée aux Olympiques, se retire en pleine compétition pour prioriser sa santé mentale, mais surtout qu’elle en parle librement et ouvertement, c’est rarement vu.

Que cela soit loué en plus, c’est aussi le signe que les temps ont changé; combien d’autres athlètes ont-ils souffert en silence, faute de ressources et de soutien ou pour éviter d’être jugés?

Simone Biles était sans contredit l’une des athlètes les plus attendues aux Jeux olympiques de Tokyo, et aussi l’une des plus célèbres de son époque. Sa sortie publique contribuera à faire évoluer les mentalités et aura assurément des répercussions positives sur un grand nombre de jeunes sportifs, actuels et en devenir, pour qui la notion d’équilibre représentera désormais beaucoup plus que le simple fait de se tenir sur une poutre étroite.

Les athlètes n’ont plus à souffrir en silence. Le tabou qui entoure la maladie mentale commence enfin à s’effriter là où il est le plus persistant.

Et ça, c’est toute une victoire.

LE POINT

fr-ca

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

https://lesoleil.pressreader.com/article/281908776185317

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