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DE ROBERVAL À LA SÉRIE MONDIALE

L’entraîneur adjoint d’Équipe Québec Pierre Arsenault a passé 34 ans dans les ligues majeures sans y jouer un seul match

CARL TARDIF ctardif@lesoleil.com

Question piège : quel homme de baseball natif de Roberval a déjà remporté la Série mondiale? Oubliez Napoléon Lajoie, Éric Gagné ou Rodger Brulotte, la réponse que l’on cherche est Pierre Arsenault, l’actuel entraîneur adjoint et instructeur des lanceurs d’Équipe Québec, qui se produit pour la première fois à domicile, en fin de semaine.

Pourtant, il n’a jamais disputé un seul match dans le baseball majeur et pensait même que sa carrière était terminée après qu’il eut été libéré au terme de son unique saison dans les filiales des White Sox de Chicago.

Mais voilà, au lieu de se retrouver dans un cul- de-sac, la route devant lui allait s’ouvrir et l’amener là où peu de Québécois ont eu la chance de se rendre. Parcours d’un employé fidèle et loyal.

«La conquête de la Série mondiale de 2003 avec les Marlins [de la Floride] est le plus grand fait saillant de ma carrière. Quand je me regarde dans le miroir, je suis fier de mon parcours. Je n’ai pas fait de niaiserie, j’ai fait ce qu’on me demandait avec respect et loyauté», dit-il dans une entrevue accordée pendant qu’il profitait d’une semaine de congé avant le retour au pays de l’équipe de la Ligue Frontier, vendredi.

Arsenault ne pensait pas vivre un tel été lorsqu’il a accepté de se joindre aux Capitales de Québec, ce printemps. À l’origine, il pensait pouvoir joindre l’utile à l’agréable en passant l’été dans le coin tout en donnant un coup de pouce au gérant Patrick Scalabrini.

La COVID-19 a cependant changé la donne, forçant l’équipe à fusionner avec les Aigles de Trois-Rivières pour se taper un calendrier disputé entièrement sur la route, jusqu’à ce week- end, où la formation québécoise retrouve les amateurs à Québec ainsi que ceux de TroisRivières, à compter de mardi.

Arsenault venait de passer 19 saisons avec les Marlins, dont les 10 dernières en qualité de dépisteur professionnel, lorsqu’il a perdu son emploi dans le tourbillon de la pandémie. Après 15 ans avec les Expos, il s’était joint à eux en 2002 à titre d’instructeur dans l’enclos des releveurs à l’invitation de l’ancien propriétaire Jeffrey Loria.

«J’ai été critiqué pour ma décision de quitter les Expos, mais l’avenir de l’équipe n’était pas rose dans le temps, on parlait alors d’une possible fusion entre les Expos et les Twins du Minnesota. Jeffrey Loria, qui venait de devenir le proprio des Marlins, m’avait offert le même poste que j’occupais à Montréal. Il y avait de l’incertitude autour des Expos, et je comprends qu’ils avaient bien des priorités avant moi, mais je devais penser à ma famille et mon avenir, c’était mon emploi qui était en jeu. Quand t’entends dire que j’étais avec les Expos parce que j’étais Québécois, c’était flatteur de voir les Marlins venir me chercher pour mes compétences et certainement pas parce que je parlais français», explique l’homme de baseball de 57 ans.

Son aventure a commencé en 1987, lorsqu’on l’avait invité à lancer un exercice au bâton avec les Expos. Il venait alors d’être libéré de son seul contrat professionnel comme joueur dans les filiales des White Sox et remporté un championnat dans l’IBL, en Ontario.

BUCK RODGERS

«Je dois tout à Ron Piché et Jim Fanning, ils ont marqué ma vie et c’est grâce à eux si j’ai pu passer 34 ans dans les ligues majeures», admet ce détenteur d’un baccalauréat en sociologie à l’Université Concordia.

Le premier joueur qui a reçu ses offrandes fut l’arrêt- court Hubie Brooks, qui se remettait alors d’une blessure à un poignet. Il lancera à nouveau le lendemain et à tous les jours par la suite.

Comme il était receveur, on lui demanda aussi de prêter main-forte à Mike Fitzgerald et Dave Engle, histoire d’épargner leurs genoux lors de l’échauffement des releveurs. Il deviendra l’instructeur dans l’enclos en 1991 sous la férule Tom Runnels, Felipe Alou et Jeff Torborg.

« Le premier gérant que j’ai eu comme receveur dans l’enclos, c’était Buck Rodgers. Je ne pouvais pas demander mieux, il m’a bien “éduqué” dans le rôle d’employé d’arrière-scène et m’a donné de bonnes leçons de vie», dit celui qui a aussi fait de la radio avant que le président Claude Brochu lui propose de diriger l’enclos des releveurs après le congédiement de Rodgers.

«J’ai appris le métier en observant et en écoutant. Je devais m’assurer que les releveurs soient prêts, que l’on suive le plan de match, que chacun connaisse bien son rôle. Je lançais aussi l’exercice au bâton. Je l’ai fait à Vladimir [Guerrero], Larry Walker et autres gros noms, autant des Expos que des Marlins. Sans prétention, j’ai été un bon lanceur de pratiques au bâton, je rendais les joueurs à l’aise. Mais je lance moins bien, maintenant, à cause d’une blessure à l’épaule», dit cet ancien receveur des Cardinaux de LaSalle, dans le baseball junior.

Après avoir fait la même routine pendant tout près de 10 ans avec les Marlins, un malaise à une hanche l’a éloigné du terrain et fait découvrir une autre facette du milieu en devenant l’un de leurs dépisteurs professionnels. Il épiait tous les joueurs des organisations de Toronto, Cleveland et Pittsburgh, histoire d’avoir un rapport sur chacun en prévision d’une transaction ou la mise sous contrat d’un joueur autonome.

YANKEE STADIUM

Il savoure encore la conquête de 2003 contre les Yankees de New York, menée par les lanceurs Josh Beckett et Dontrelle Willis, la recrue de l’époque Miguel Cabrera et d’autres.

«On avait gagné au vieux Yankee Stadium, qui allait fermer. Je me souviens que [le propriétaire des Yankees] George Steinbrenner nous avait permis de célébrer dans le parc des monuments. C’était vraiment spécial de fêter parmi les statues de Babe Ruth, Mickey Mantle et les autres…», dit celui qui possède sa bague de champion (la même que les joueurs).

Marié à une ancienne employée des Expos et père de Nicolas (22 ans) et Lucas (14), Pierre Arsenault a gagné sa vie honorablement dans le baseball majeur.

«Je n’ai pas quitté les Expos pour l’argent, car le salaire était comparable. Je devais faire attention, je n’allais pas dans les mêmes restos que les joueurs. Le plus difficile, c’est l’insécurité. En 34 ans, je n’ai eu que deux contrats de deux ans, le reste du temps, ils n’étaient que d’un an. Je n’ai jamais non plus été étiqueté à une “gang”, où le gérant qui signe un gros contrat quelque part amène ses amis et en prend soin. J’ai toujours travaillé pour le logo devant le chandail et non pas pour le nom derrière celuici», affirme celui qui n’avait qu’un an lorsque ses parents sont revenus du Lac-Saint-Jean, où il n’a pas de parenté, pour s’établir à Montréal à la fermeture d’un commerce.

Qu’importe, il sera toujours un gars de Roberval ayant remporté la Série mondiale!

« Quand je me regarde dans le miroir, je suis fier de mon parcours. Je n’ai pas fait de niaiserie, j’ai fait ce qu’on me demandait avec respect et loyauté » — Pierre Arsenault

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2021-07-31T07:00:00.0000000Z

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