LeSoleilSurMonOrdi.ca

«ON APPREND TOUJOURS PLUS DANS UNE DÉFAITE»

Pour Sylvain Guimond, Laurence Vincent Lapointe a déjà fait un bon bout de chemin dans sa quête vers le podium olympique

LOUIS-SIMON GAUTHIER ls.gauthier@lenouvelliste.qc.ca

Le plus dur reste à accomplir, mais les tempêtes qu’elle a traversées depuis près de deux ans pourraient servir la cause de Laurence Vincent Lapointe, sur la ligne de départ du bassin olympique de canoë-kayak, dès mardi à Tokyo.

Docteur en psychologie du sport, Sylvain Guimond aime rappeler aux jeunes athlètes qu’il n’y a pas meilleure leçon que l’échec.

«On apprend toujours plus dans une défaite, mais échouer, c’est aussi la plus grande peur des sportifs de haut niveau » , souligne le conférencier, qui a travaillé durant sa carrière avec un certain nombre d’athlètes connus, mais pas avec Laurence.

Il n’y a pas si longtemps encore, la canoéiste aux 13 titres mondiaux était en fait l’une des championnes les moins connues de la scène sportive au Canada. Elle- même l’admettait, en se promettant de faire changer les choses quand elle aurait l’occasion de prouver sa valeur devant les caméras du monde entier. Ça devait changer en 2020, alors que le canoë féminin deviendrait enfin une épreuve olympique, après des années à essayer de le faire reconnaître par celles qui le pratiquent.

Destinée à la plus haute marche du podium, la Trifluvienne est devenue célèbre plus vite que prévu... et pas de la façon dont elle le souhaitait. Sa suspension par la Fédération internationale de canoë à l’été 2019, à la suite d’un contrôle antidopage, l’a transformée en tricheuse aux yeux de plusieurs.

Et même après avoir été blanchie par l’ICF en janvier 2020, des doutes subsistaient chez certains, notamment dans les médias.

« On a probablement écrit plus sur elle à cause de cette histoire que pour toutes ses victoires combinées sur le circuit de la Coupe du monde en 10 ans. Tu vois que c’est déséquilibré. L’athlète en vient parfois à croire ce qu’il lit, alors que c’est biaisé, que ça ne reflète pas exactement la réalité.»

Il importe donc de revenir à la base, pour ne pas que les rumeurs autour des athlètes affectent leurs performances.

« Si j’étais avec Laurence, je lui dirais que ses deux contre-performances sont derrière elle » , affirme- t- il, en citant les deux défaites consécutives subies par la canoéiste aux Essais nationaux, en mars dans la région de Vancouver.

Cet obstacle, un énième, a compliqué sa préparation et menacé sa place à Tokyo, de sorte qu’elle n’a su qu’au début du mois de juillet qu’elle méritait enfin son billet pour les Jeux.

«C’est le temps de passer à autre chose, de se dire que finalement, ce n’était pas si mal. L’échec, ce que tu crains depuis si longtemps, tu l’as vécu, c’est derrière toi. On se concentre maintenant à redevenir une athlète dominante sur toutes les autres, ce qu’elle a toujours été! Si Laurence s’amuse, et ça semble être le cas en compétition, elle va prouver à la planète entière pourquoi elle est une championne du monde de canoë-kayak.»

LE STRESS N’EST PAS «NÉGATIF»

Les réflecteurs se tourneront vers elle quand les épreuves de canoë féminin commenceront, mardi au bassin olympique.

Laurence Vincent Lapointe caresse de grandes ambitions et elle attend ce moment depuis qu’elle a réalisé, à l’adolescence, son potentiel de devenir une athlète de calibre international.

Avec ces ambitions viennent la pression : les records mondiaux qui défileront sur vos écrans avant les courses, autant sur la distance individuelle du C1200 m qu’en canoë biplace (C2) sur 500 m, lui appartiennent [ainsi qu’à sa partenaire de C2 Katie Vincent dans cette discipline].

Personne ne s’approche de sa récolte de victoires, que ce soit aux Mondiaux ou en Coupe du monde. Il ne lui manque que l’or olympique pour boucler la boucle...

« Le stress, ce n’est pas quelque chose de négatif. Les athlètes s’en servent comme énergie pour s’activer. Je ne pense pas que Laurence ressentira la peur ou qu’elle sera anxieuse une fois dans le bassin. C’est l’excitation qui va l’habiter, surtout après toutes les embûches rencontrées en cours de route » , est d’avis la neuropsychologue Johanne Lévesque.

« Le stress, c’est le carburant des athlètes, ils s’en servent comme tremplin», ajoute le Dr Guimond, qui dresse des parallèles avec la pandémie.

«Les gens ont hâte de se retrouver. Pour nous, ce ne sera plus banal, les rassemblements familiaux. Quand on a la chance de reprendre ce qu’on a perdu, on l’apprécie encore plus. C’est dans cet état d’esprit que Laurence doit aborder ses Jeux.»

La Dre Lévesque parle de «recadrage cognitif », c’est-à-dire cette faculté qu’ont les meilleurs athlètes à «gérer leurs pensées, afin de ne pas sombrer dans l’anxiété».

«En entretenant ses énergies positives, que ce soit par une routine, un mouvement ou une liste de chansons qu’il écoute avant sa compétition, l’athlète entretient des émotions positives et ça a un effet sur sa neurochimie. Des messagers chimiques comme la sérotonine et la dopamine seront plus présents dans le cerveau. C’est comme un cercle vertueux, ç’a des impacts positifs sur l’entraînement et la performance.»

Les gradins seront déserts au bassin de Tokyo, mais des millions de personnes la regarderont à la télévision. Dont ses parents, à Trois-Rivières.

«C’est certain qu’elle ressentira un certain vide en raison de leur absence et ça, tous les athlètes le vivent à Tokyo actuellement.»

À la fin, si tout se déroule comme elle l’espère, Laurence Vincent Lapointe deviendra un exemple de courage, de persévérance et de détermination.

«Si elle passe à travers tout ça et rentre à la maison avec de bons résultats, elle sera un très beau modèle pour les jeunes», conclut Sylvain Guimond.

MAG SPORTS

fr-ca

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

https://lesoleil.pressreader.com/article/282303913176549

Groupe Capitales Media