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S’ADAPTER, C’EST LA CLÉ

FÉLIX LAJOIE flajoie@lesoleil.com

La pandémie de COVID-19 a durement éprouvé le milieu des arts, même si certains ont fait preuve d’une remarquable résilience. Vos coops de l’information ont voulu sonder les créateurs sur la façon dont ils envisagent leur avenir dans une série d’articles publiés tout au long de l’été.

Samian n’est pas du genre à se laisser abattre. Ce n’est certainement pas une pandémie mondiale qui allait l’arrêter. Le rappeur, qui est aussi photographe et acteur, a ainsi profité de la pandémie pour confectionner un nouvel album et fonder sa propre maison de disque.

Son nouvel album, Nikamo, nous offre huit chansons toutes en anichinabé, une langue algonquine. Selon l’artiste, la construction de cet album est venue tout à fait naturellement, sans plan préétabli : «J’ai fait une chanson en algonquin, je l’ai écouté et là je me suis dit : “c’est ça que je veux explorer”», explique-t-il.

Nikamo nous emporte dans un monde de sonorités enveloppantes qui se rapprochent pour la plupart du worldbeat : une alliance entre la musique traditionnelle et des styles émergents ou populaires. Le hip-hop classique, le reggae et le folk sont aussi explorés à travers l’opus. Nikamo sera lancé le 6 août prochain, dans le cadre du Festival international Présence autochtone de Montréal (3 au 11 août).

QEst- ce que la pandémie va changer quelque chose à votre pratique artistique future?

ROui, beaucoup en fait. Pendant la pandémie j’ai bâti un label, construit un studio d’enregistrement et j’ai écrit mon 5e album. T’as deux choix quand t’es arrêté de force de cette façon-là, c’est soit que t’attends puis il ne se passe rien, ou tu te mets à l’action. Oui, on ne fait plus de spectacles et de tournages. Mais on peut continuer à écrire et à créer des choses. C’était aussi l’opportunité pour moi de passer du temps en famille, d’être à la maison tout en avançant mon projet d’album.

QEnvisagez-vous l’avenir avec optimisme ou pessimisme sur le plan professionnel?

RTrès optimiste. En fait, moi je suis vraiment béni parce que j’ai le privilège de faire plusieurs métiers. J’ai le privilège d’être acteur, d’être animateur et aussi de faire de la musique à la base. Pour moi, en ce moment, tout est possible parce que tout recommence. Les spectacles et les tournages reprennent, mais différemment : on s’est adapté et on va continuer à s’adapter.

On aurait pu avoir la même conversation il y a 15 ans, quand on était en pleine transition vers le numérique […] On essaie toujours de se réinventer. Dans l’industrie de la musique, il fallait le faire même avant la pandémie. Pour moi, ça n’a pas vraiment changé : on continue à trouver des solutions. Donc, oui, je suis très optimiste.

QConcrètement, quels gestes voudriez-vous que l’État pose pour votre milieu?

RBof, personnellement, je ne suis jamais trop favorisé dans ces trucs-là… je ne suis pas la bonne personne pour répondre à cette question-là. Mais bon, je sais que pour les artistes qui ne font que de la musique, avoir sauté deux saisons estivales de spectacles, ça peut vraiment être catastrophique. Tu avais un train de vie qui disparait du jour au lendemain.

Il y a eu la PCU rapidement et je sais que ça en a sauvé plusieurs. Mais en même temps, il y a ceux qui ont tenté de développer de nouvelles aptitudes pour se réinventer. Parce que pandémie oui, mais il peut t’arriver n’importe quoi : tes cordes vocales pètent, tu te casses une jambe… Il faut toujours avoir un plan B et ne pas dépendre de l’État.

QPeu importe la discipline artistique, selon vous, quelle sera la place de l’émergence dans l’agenda culturel des diffuseurs?

RC’est une bonne question. Quand on est indépendant, je vais être honnête, c’est beaucoup plus difficile de se faire une place. On favorise souvent les producteurs reconnus, tandis que les artistes indépendants ou émergents, donc pas connus, vont se faire refuser.

Il y a des programmes qui existent afin de promouvoir la langue et la culture autochtones. Par exemple, moi, qui travaille sur un disque entièrement en algonquin, c’est mon 5e et le but même de l’album, c’est promouvoir ma culture… et je me suis fait refuser.

Donc il faut essayer de comprendre et se demander : à qui c’est destiné ce genre de programme là? C’est une bonne question qu’il faudrait en fait adresser aux diffuseurs. Faut-il passer par des majors pour se faire entendre? Moi je ne suis vraiment pas d’accord.

QQuelles seraient, selon vous, les innovations mises de l’avant pendant la pandémie qui auront une pérennité dans l’après- COVID?

RLes diffusions en ligne, je trouve ça magnifique. On a créé un système de caméras et de diffusion sur les réseaux sociaux puis maintenant il y a des gens de partout qui peuvent nous écouter. Je fais un live sur ma page Facebook, eh bien il y

a des gens d’Europe ou des Unis qui m’écoutent!

Ça, j’ai l’impression que ça va rester. Parce que l’un n’empêche pas l’autre : c’est certain qu’on préfère les spectacles en vrai et les tournées, mais ça ne nous empêche pas de donner accès à nos performances à des gens qui sont éloignés.

On a fait un webinaire avec la police de Longueuil, Kim Thuy et Isabelle Racicot. On était une toute petite gang, et puis il y avait 10 900 jeunes qui nous écoutaient live! C’est hallucinant qu’on puisse rejoindre des jeunes à travers 19 écoles différentes en même temps. Quand tu réalises que la technologie est rendue là, alors on l’utilise de cette façon-là et c’est gagnant pour tout le monde.

LE MAG

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2021-07-31T07:00:00.0000000Z

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

https://lesoleil.pressreader.com/article/282673280364005

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