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ENTRE LE SILENCE ET LE CRI

LÉA HARVEY lharvey@lesoleil.com Le Soleil

Les Jeux olympiques de Tokyo seront suivis par des millions de personnes à travers le monde. Et si, tout en regardant le plus grand événement sportif de 2021 et en encourageant nos athlètes de haut niveau, on se laissait porter par les artistes du pays hôte? vous propose un bref survol de la culture nipponne en trois volets. Au menu cette semaine : un petit plongeon au coeur du cinéma japonais.

Tout comme pour la plupart des sociétés, le Japon a vu une longue évolution de son septième art, de l’époque du muet aux technologies d’aujourd’hui. Une certaine dichotomie semble toutefois l’habiter, qu’on parle de son rythme, de ses genres ou de ses propos.

Pour l’écrivain et ancien enseignant de cinéma Claude R. Blouin, cette dualité naît ainsi dès la production des films qui sont généralement classés dans la catégorie «commerciaux» ou «cinéma d’auteur».

Bien que les deux parties traitent de sujets propres aux Japonais, les grands studios préfèrent opter pour des créations plus classiques répondant aux critères de l’industrie alors que les cinéastes indépendants «aux personnalités très fortes» offrent au public « un point de vue plus contrasté» de ces mêmes enjeux.

À ce propos, l’auteur du livre Le cinéma japonais et la condition humaine donne en exemple l’accident nucléaire de Fukushima : «Il y a eu certains films hyper critiques de la façon dont le gouvernement est intervenu dans cette situationlà. D’autres ont plutôt insisté sur comment cette expérience auprès des survivants avait modifié leur échelle de valeurs.»

Selon le septuagénaire, les cinéphiles québécois ont pu observer ce phénomène, mais par différentes vagues et tendances. Alors que les productions de Kenji Mizoguchi, Akira Kurosawa ou encore Yasujirô Ozu sont marquées par la guerre, on voit déjà poindre dans celles qui suivent un début de remise en question de la culture de l’époque.

Les oeuvres de Masaki Kobayashi notamment se demandent plutôt si l’on doit conserver en partie une tradition ou la critiquer. La nouvelle vague japonaise — à ne pas confondre avec le mouvement cinématographique français du même nom —, portée entre autres par Nagisa Oshima, illustre quant à elle un réel renouveau qui questionne tout.

On retrouvera ainsi, dans les oeuvres, des passages qui critiquent, par exemple, l’idée de contrôler ses émotions pour ne pas nuire à la cohésion du groupe. Plusieurs cinéastes mettent alors en images l’efficacité de ces comportements en société, mais également l’oppression qu’ils causent chez l’individu.

«En général, on remarque l’assise esthétique ou encore le rythme posé et contemplatif. Mais ce qui est intéressant, c’est aussi la fulgurance qu’il peut y avoir dans ces films. […] Ça illustre un peu la société japonaise qui est en apparence toujours calme, mais qui, quand tu creuses, a quelque chose d’encapsulé qui ne demande qu’à sortir », explique de son côté André Caron, ancien enseignant en cinéma au Cégep Garneau.

LA «PERMÉABILITÉ DE LA CULTURE»

La façon de produire des films au Japon a donc évolué avec une sensibilité propre à la culture de ce peuple. Or, cela ne veut pas dire pour autant qu’aucun autre courant n’a teinté les oeuvres : si les Japonais sont très au fait de leurs arts traditionnels, ils connaissent aussi très bien l’art occidental, lance M. Blouin.

Un échange qui a marqué leur production cinématographique, mais qui a surtout ouvert la porte à bon nombre de cinéastes américains — qui ont eu envie de faire des remakes.

Ici, impossible de passer pardessus les films d’horreur dont le classique Le Cercle ( The Ring) de Gore Verbinski, inspiré de Ring, réalisé par Hideo Nakata.

En ce qui concerne les grandes oeuvres du cinéma américain, la série des Kill Bill de Quentin Tarantino a, elle aussi, été inspirée par la cinématographie japonaise.

« Je faisais souvent cet exercice avec mes étudiants au cégep : on comparait les remakes avec les originaux. Ça te permet de voir l’échange entre les cultures : comment ils sont passés de l’une à l’autre, ce qu’ils ont enlevé ou gardé. C’est révélateur », fait valoir André Caron.

LE MAG

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2021-07-31T07:00:00.0000000Z

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

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