LeSoleilSurMonOrdi.ca

L’ÉVÈNEMENT QUI A FAIT ÉCOLE

Il y a 50 ans, le 1er août 1971, le guitariste et ancien Beatle George Harrison et le musicien sitariste Ravi Shankar organisaient le spectaclebénéfice The Concert for Bangladesh au Madison Square Garden de New York. Cet évènement a ouvert la voie à de nombreux autres concerts-bénéfice, dont le célèbre LiveAid de 1985. Rappel.

Ringo Starr a dit oui et a sauté dans le premier avion. Eric Clapton était là. De même que le très discret Bob Dylan. On prévoyait un concert; il y en a eu deux. Ravi Shankar espérait amasser 25 000 $; ils ont récolté des millions. George Harrison a parlé d’un évènement spécial. Il a permis l’avènement d’un nouvel outil philanthropique.

Le 1er août 1971, The Concert for Bangladesh et ses artisans écrivaient l’histoire.

Dans la foulée, d’innombrables concerts-bénéfice ont été organisés partout dans le monde pour soutenir de multiples causes. Mais il y a plus! George Harrison et ses amis ont su montrer que la musique et le rassemblement de stars autour d’une cause peuvent constituer une redoutable force de frappe médiatique et politique.

« Ce concert a montré que le monde de la culture peut s’immiscer sur la scène politique», explique Jean-Marc Fontan, professeur au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal.

« Les artistes réunis ont montré que les chansons ne sont pas que des petites rengaines et qu’on peut les utiliser pour prendre soin d’autrui et venir en aide à son prochain. Les médias n’ont pas pu faire autrement que de parler du concert, mais aussi de la situation géopolitique y étant associée.»

D’ABORD, UNE CHANSON

L’évènement s’est créé en quelques semaines. Au début de l’été, le musicien indien d’origine bengalie Ravi Shankar exprime à son ami et ancien élève de sitar George Harrison son inquiétude par rapport à la situation troublante au Bangladesh qui, quelques mois plus tôt, s’appelait encore le Pakistan oriental en raison de sa filiation avec le pays voisin de l’Inde.

La déclaration d’indépendance du Bangladesh est suivie par une guerre civile, la migration de milliers de réfugiés dans le nord de l’Inde et des inondations catastrophiques à la suite du passage d’un cyclone.

Lorsque Ravi Shankar évoque la situation à George Harrison, ce dernier compose la chanson Bangla Desh. À la suggestion du musicien et chanteur Leon Russell, Harrison écrit un premier couplet évoquant la situation : « My friend came to me/With sadness in his eyes/Told me that he wanted help/ Before his country dies.»

Le simple de la chanson sort le 28 juillet 1971. Pendant ce temps, George Harrison recrute. « Ravi me passait des coupures de journaux et de magazines consacrées à la guerre et à la pauvreté dans ce pays et je me suis dit que je devais l’aider, raconte- t- il dans son autobiographie intitulée I-MeMine. J’ai passé trois mois au téléphone à organiser l’évènement et à essayer de convaincre mes amis d’y participer.»

L’affaire est complexe. Eric Clapton est d’accord, mais il est mal en point. Bob Dylan, qui n’a pas joué devant public depuis longtemps, accepte du bout des lèvres, mais son cas est douteux. Billy Preston, Leon Russell, Klaus Voormann, Jesse Ed Davis et le groupe rock Badfinger sont de l’aventure.

« Pour la première fois de l’histoire, des chanteurs qui soignent normalement leur ego le laissent de côté et se mettent au service d’une cause humanitaire», soutient Jean-Marc Fontan.

Sans surprise, Phil Spector est dans les coulisses comme coproducteur. Les Beatles? Leur récente séparation a laissé beaucoup d’amertume. Mais selon la légende, Harrison les a tous invités.

Ringo Starr, qui est sur le tournage du film Blindman en Espagne, accepte et se rend illico à New York. Paul McCartney dit non. John Lennon dit oui à la condition que Yoko Ono l’accompagne, mais George Harrison refuse, soi-disant parce qu’il ne veut pas entendre des performances d’avant-garde. Le couple passe son tour.

SUR SCÈNE

Comme il y a de l’incertitude sur la présence des musiciens attendus, l’affiche des deux concerts, présentés à 14h30 et 20h, indique seulement «George Harrison and Friends».

Juste avant que le spectacle commence, George Harrison s’avance sur la scène et lance : «J’aimerais simplement vous dire avant que nous commencions le concert que je vous remercie tous d’être venus à cet évènement-bénéfice très spécial. Ce sera un bon concert. Nous avons un bon groupe de musiciens; enfin, je l’espère.»

Ravi Shankar et une section de musique indienne jouent durant plusieurs minutes devant un public dubitatif (plusieurs applaudissent alors que les musiciens ne font qu’accorder leurs instruments). Puis, Harrison prend le relais et entame la chanson Wah-Wah.

Dans la foulée, les différents artistes, tantôt seuls, tantôt regroupés, jouent de nombreuses chansons, dont Awaiting on You All, Beware of Darkness, A Hard Rain’s A- Gonna Fall, Mr. Tambourine Man, Something et My Sweet Lord.

UN ALBUM TRIPLE ET UN FILM

Dans les mois suivants, un album triple et un film sur le concert auront une résonance peut- être encore plus grande que l’évènement et permettront de récolter des millions de dollars.

Lucien Francoeur se souvient de la pochette de l’album montrant un enfant mourant de faim assis à côté d’un récipient pratiquement vide. «Certains ne voulaient pas sortir la pochette trop déprimante alors que c’est un concert pour les enfants qui meurent de faim, s’indigne- t- il. Que voulaient-ils à la place? Un chanteur en culotte de cuir?»

Les chiffres des recettes finales varient d’un livre et d’un site Internet à l’autre. Dans son autobiographie, Harrison évoque une somme oscillant entre 8 et 10 millions de dollars. Ce qui est certain, cependant, c’est que le fisc n’a pas daigné estimer que cet évènement méritait une exemption de taxes.

Après de longs mois de lutte, Harrison a remis un chèque avec plusieurs zéros à l’agence américaine du revenu. Heureusement, l’héritage du Concert for Bangladesh a été beaucoup plus grand que ça…

ARTS

fr-ca

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

https://lesoleil.pressreader.com/article/282767769644517

Groupe Capitales Media