LeSoleilSurMonOrdi.ca

OÙ LA BEAUTÉ ET LA MORT S’INTERPELLENT

DANIEL CÔTÉ dcote@lequotidien.com

C’est ce qu’on appellera, un jour, une histoire de COVID.

Lors d’un concert qu’il donnait à Toronto, dans un jardin où une dizaine de personnes étaient réunies, le contre-ténor Daniel Taylor a rencontré le danseur étoile Guillaume Côté. Ils se connaissaient, mais peut-être inspiré par les circonstances, l’artiste originaire du Lac-Saint-Jean a repris contact peu de temps après. Directeur artistique du Festival des Arts de SaintSauveur, il a offert au chanteur de participer à un court métrage.

C’était l’un des quatre documents produits en vue de l’édition 2021. Chacun d’eux devait favoriser des maillages improbables, le trait commun tenant à l’apport du réalisateur Ben Shirinian. La partenaire de Daniel Taylor était Andrea Pena, une artiste multidisciplinaire originaire de la Colombie. Ils ont pris le temps d’échanger et peu à peu, une idée a germé, à travers laquelle on perçoit des vibrations bien personnelles.

«Ce que je préfère, c’est chanter de la musique sacrée. J’ai donc proposé d’interpréter un air de Vivaldi, mais différent des Quatre saisons, que tout le monde connaît. Il s’agit d’un extrait de la cantate Nisi Dominus. Il a pour titre Cum Dederit et le texte me touche au plan personnel. Il est question du repos qu’on accorde à ceux qu’on aime, alors que j’ai un petit garçon, ainsi que deux autres enfants qui apparaîtront d’ici à deux semaines » , révèle le contre-ténor.

Andrea Pena, de son côté, lui a parlé de ses jeunes années à Bogota, de sa vie difficile, ponctuée d’histoires d’horreur.

«Ça m’a fait penser à des scènes dont j’ai été témoin en Afrique et je me suis dit que nos deux réalités pourraient constituer les sousthèmes de notre film. On mesurerait le contraste entre la beauté et la tragédie, tout en se demandant comment leur faire une place dans notre vie. À mon sens, c’est une question que chacun devrait se poser », avance Daniel Taylor.

Poussant ce raisonnement un peu plus loin, il ouvre une piste du côté des Premières nations, dont le drame le touche profondément. Une interrogation s’impose à lui : « Comment peut- on payer notre dette vis-à-vis un autre peuple, tout en comprenant les préjudices qu’il a subis? Moi, en tant que personne adulte, je ne me verrais pas le faire en donnant 100 $, affirme le chanteur. La seule option, peut- être, emprunterait la voie du respect.»

Le lien avec Andrea Pena tient à la notion de vulnérabilité. Elle se trouve au coeur de sa démarche créatrice, comme le laissent deviner ses expériences vécues en Colombie. À la danse qu’elle a effectuée lors du tournage, dans une salle de spectacles de Saint-Sauveur, correspond le chant enregistré à Toronto, puis livré a cappella, en sa présence.

«Vivaldi a écrit ça en pensant aux défis propres à l’enfance. On se rappellera qu’à son époque, la mort était constamment présente. Il n’était pas rare de disparaître en bas âge.

«Cette composition évoque à la fois le miracle de la vie que représente chaque naissance et la lutte qu’incarne Andrea. Dans ce qu’elle a proposé au cours du tournage, il y avait l’écho de ce qu’elle a vécu. On le percevait également dans ses yeux, sur son visage. Quand vous réalisez ce qu’elle a traversé, vous vous sentez privilégié», assure Daniel Taylor.

Il ajoute que la musique porte cette réalité, au même titre que la pulsion de vie que symbolisent les enfants.

« Cette pièce, c’est un diamant. Chaque fois que j’y pense, ça me donne la chair de poule. Il y a plein de dissonances et à un moment donné, Vivaldi a placé une note qu’il faut tenir assez longtemps. Elle domine la tension ambiante», décrit l’interprète, qui assimile Cum Deredit à une prière.

Impressionné par le travail de Ben Shirinian, ses oeuvres passées comme la manière dont il a veillé sur le court métrage, il avait hâte de découvrir le produit fini lors de l’entrevue téléphonique accordée au Quotidien.

Pour y avoir accès gratuitement, il suffit de s’inscrire sur le site du festival, à l’onglet baptisé FASS virtuel. Depuis le 29 juillet, les quatre films de la série En tandem sont accessibles en ligne, dont celui réunissant Daniel Taylor et Andrea Pena.

ARTS

fr-ca

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

https://lesoleil.pressreader.com/article/282784949513701

Groupe Capitales Media