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LE BAC REFROIDISSEUR

CHRONIQUE

philippe.wouters@gcmedias.ca

C’ est en profitant de ma visite au Village québécois d’antan de Drummondville, devant la très petite distillerie du village, que je me suis rappelé que la bière d’aujourd’hui est très différente de la bière d’il y a 100 ans. Après avoir traversé le tunnel du temps et profité de la journée ensoleillée du 28 juillet 1919, je rêve d’une brasserie qui ferait revivre les techniques à l’ancienne et pourquoi pas dans le village. Un cruchon de bière du siècle dernier, en voilà une bonne idée.

Aujourd’hui, si vous consommez une bière exempte de bactéries, de levures sauvages et de mauvais goût, c’est grâce aux nombreux travaux de brasseurs et scientifiques comme Louis Pasteur et ses recherches sur la levure. L’arrivée des cuves cylindro-coniques, hermétiques et capables de résister à la pression a permis de créer des bières fraîches et de les fermenter en s’assurant que seule la souche de levure ajoutée soit utilisée.

D’ailleurs, la plupart des styles que vous consommez sont issus d’un savoir-faire brassicole qui s’est raffiné après la Seconde Guerre mondiale, sans oublier que plusieurs styles très populaires sont tout simplement contemporains.

Il y a un siècle, si vous désiriez ouvrir votre brasserie, il vous fallait bien peu d’équipement. Une cuve de brassage et d’ébullition, des cuves de fermentation — parfois remplacées par des tonneaux — et un bac refroidisseur. Lorsque le moût était chaud, avant de l’envoyer en fermentation et d’y ajouter la levure, il fallait le refroidir. On envoyait donc le moût dans le bac pendant toute la nuit.

Si vous êtes un amateur de bière averti, vous savez que ce bac est encore utilisé par de nombreuses brasseries de Lambic en Belgique et qu’au Québec, quelques brasseries présentent des bières ayant séjourné dans un bac : Pit Caribou de Gaspésie présente le sien à côté de la terrasse, avec vue sur la mer. Vous savez également que ce bac permet au moût d’entrer en contact avec la levure sauvage qui séjourne dans l’environnement immédiat. Voilà pourquoi il est strictement interdit de toucher ou de déplacer quoi que ce soit dans les brasseries de Lambic.

Mais au siècle dernier, des bacs refroidisseurs, il y en avait bien plus qu’on le pense et pas uniquement dans les brasseries de Lambic.

Pourquoi refroidir le moût? Parce que la levure est un organisme vivant et que si vous la plongez dans un liquide très chaud, elle meurt.

Comment refroidir le moût? Au 20e siècle, point de frigo. Le moût refroidissait avec le temps. Quelques inventeurs, comme Beaudelot, ont vendu des machines à refroidir, composées de tubes horizontaux contenant l’eau la plus froide possible et laissant le liquide couler au-dessus des tubes, mais la technique la plus populaire consistait à laisser la bière refroidir dans des bacs à l’air libre, parfois sur le toit de la brasserie, comme chez Het Anker, en plein centre de la ville de Mechelen.

Du moût de bière au contact de l’air? Vous l’aurez compris, la bière était contaminée par des bactéries et des levures ambiantes, avant que le brasseur y ajoute sa souche de levure préférée. On ne peut parler de fermentation mixte, car il n’y avait qu’une seule fermentation. Le goût de la bière était cependant fort différent que si la bière avait été refroidie et fermentée dans un environnement stérile et loin de l’air. La bière a donc changé.

Vous avez envie de découvrir le goût de ces bières? Quelques brasseries en proposent, même si les techniques d’aujourd’hui sont légèrement différentes.

SAISON RUSTIQUE – DUNHAM

Sous la gamme «Saison rustique» se cachent de nombreuses cuvées qui ont toutes une particularité sur la levure utilisée ou la fermentation proposée. On retrouve donc des saisons sèches, amères et bien acidulées, présentant des notes complexes qui changent au gré des cuvées proposées. Un peu à la manière des fermes-brasseries du siècle dernier qui appliquaient des méthodes empiriques de brassage, au gré du temps et de l’environnement. Cette bière n’a pas profité d’un refroidissement à l’air libre, mais présente des caractéristiques gustatives proches des bières du siècle dernier.

PERSÉIDES – PIT CARIBOU

Disponible en quantité limitée, la gamme Perséides présente des bières refroidies à l’air libre, ayant profité de quelques mois en barrique pour affiner les goûts et les saveurs considérés trop jeunes et puissants à la fin de la fermentation. On y retrouve le goût du temps; ça ne se décrit pas, ça se déguste.

ROUGE – À LA FÛT

Depuis plusieurs années, À la Fût s’est spécialisée dans les bières d’assemblage, une technique très largement employée au siècle dernier, plus souvent pour couper le goût acidulé de la bière que le contraire. Aujourd’hui, c’est ce goût prononcé d’acidité que l’amateur recherche. Elles sont disponibles en plusieurs cuvées, chaque fois en collaboration avec une brasserie ou un producteur du terroir, ce qui en fait un projet très contemporain, car à l’époque, les brasseries ne partageaient pas aussi facilement leurs meilleures cuvées entre elles.

LE MAG

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2021-07-31T07:00:00.0000000Z

2021-07-31T07:00:00.0000000Z

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