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L’identité du Bloc québécois

HÉLÈNE BUZZETTI hbuzzetti@cn2i.ca

La saison politique a pris fin cette semaine à Ottawa, mais elle ne fait que commencer à Québec, où l’élection générale approche à grands pas. Assurément, le Bloc québécois d’Yves-François Blanchet donnera un coup de pouce au Parti québécois de Paul St-Pierre Plamondon. Mais malgré l’alliance qui tient toujours entre les deux formations soeurs, on ne peut s’empêcher de constater une certaine communauté d’esprit entre le Bloc et la CAQ de François Legault.

Le chef bloquiste l’a dit sans ambages lors de son passage au Conseil national du Parti québécois de mai dernier : il est, contrairement à son ancien collègue ministériel Bernard Drainville, encore péquiste. Rien ne sert d’élire 126 caquistes sur 125 le 3 octobre prochain, a raillé M. Blanchet. Il aidera donc le

PQ à mener ce qui s’annonce une dure bataille. Cela ne veut cependant pas dire que toutes ses troupes s’empresseront de faire de même dans leur coin de pays respectif.

Il y a 32 députés bloquistes à Ottawa, contre seulement sept péquistes à Québec, ou neuf si on compte les deux indépendants d’abord élus sous cette bannière (Harold Lebel et Sylvain Roy). On doit s’attendre à ce que le

Bloc prête main-forte dans cette dizaine de circonscriptions. Ce sera d’autant plus facile qu’à part Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine, toutes deux représentées au fédéral par la ministre libérale Diane Lebouthillier, toutes les circonscriptions péquistes sont détenues par le Bloc à Ottawa. Pensez à Jonquière, Joliette, la Côte-Nord et le reste de la péninsule gaspésienne. Toutefois, la participation du Bloc est moins certaine ailleurs au Québec. Comme le confiait un élu bloquiste, on ne voudra pas «multiplier les défaites pour Yves-François Blanchet». Là où le Parti québécois a peu de chances, le Bloc ne déploiera pas d’efforts particuliers pour essayer de renverser le cours des choses.

Il faut dire que le Bloc québécois est de plus en plus écartelé. Si ses militants sont souvent les mêmes que ceux du Parti québécois, il en va autrement de ses supporteurs. On évalue en coulisses que 60 % de l’électorat bloquiste vote désormais pour la CAQ. On présume donc que les électeurs ne verraient pas d’un bon oeil que leur député fédéral s’active à déloger leur favori provincial!

IDENTITÉ BLO-CA-QUISTE

Personne ne l’admettra publiquement, mais il y a aussi que le Bloc partage avec la CAQ bien des préoccupations. Au cours de la dernière session parlementaire, les troupes d’Yves-François Blanchet ont forcé la tenue de deux débats sur des enjeux identitaires. Or, l’identité québécoise, c’est LE thème sur lequel la CAQ entend faire porter l’élection cet automne.

D’abord, le Bloc a fait voter une motion pour que la prière quotidienne à la Chambre des communes soit abolie et remplacée par un simple moment de silence. C’est peu connu, mais chaque matin, les députés fédéraux entament leurs travaux en remerciant «Dieu tout-puissant» de ses nombreuses grâces, en lui demandant de protéger «notre Souveraine, la Reine Elizabeth» et en l’implorant de les guider dans leurs délibérations. Voilà une formule pas très oecuménique qui de surcroît ne respecte pas les non-croyants, a fait valoir le Bloc.

L’abolition de cette prière serait d’autant plus justifiée que la Cour suprême du Canada a tranché en 2015 qu’au nom de la neutralité de l’État, le conseil municipal de Saguenay devait cesser la prière avant ses réunions publiques. Le plus haut tribunal du pays n’avait pas étendu son jugement aux Communes seulement parce que tout ce qui se déroule là est couvert par le privilège parlementaire.

Malgré cette jurisprudence favorable, la motion bloquiste a été défaite : tous les conservateurs et tous les libéraux (sauf deux) ont voté contre, de même que quatre néo-démocrates. Les bloquistes n’ont pu compter que sur l’appui des verts et de 21 néodémocrates. Le libéral Kevin Lamoureux a reproché au Bloc «d’être absolument non pertinent» tandis que le conservateur Garnett Genuis a estimé que le Bloc tentait de «se débarrasser avec violence de la religion comme pendant la Révolution française». Le Bloc québécois a aussi forcé la tenue d’un vote pour que soient abolis les quotas à la diversité imposés par Ottawa dans l’attribution des chaires de recherche universitaires (4,9 % d’Autochtones, 7,5 % de personnes handicapées, 50,9 % de femmes et 22 % de personnes issues de la diversité). C’est pour atteindre ces quotas que l’Université Laval a prié en mars dernier les hommes blancs de ne pas postuler à une chaire en biologie, ce qui avait suscité la controverse à Québec. Là encore, la motion a été défaite, tous les libéraux, les néo-démocrates et les verts ayant voté contre. Seuls les conservateurs ont voté avec le Bloc. «Si vraiment la priorité du Bloc c’est de défendre les hommes blancs qui veulent obtenir une job à l’université, qu’il s’assume», avait lancé le néo-démocrate Alexandre Boulerice.

En coulisses bloquistes, on savoure ces défaites. Elles contribuent à démontrer que l’identité québécoise et l’identité canadienne ne sont pas compatibles. C’est d’autant plus vrai, penset-on, que huit députés de Justin Trudeau ont participé le mois dernier à la manifestation d’anglophones opposés à la loi 96 sur la protection du français, et que le gouvernement Trudeau a finalement admis qu’il participera à la contestation judiciaire de la Loi 21 sur la laïcité.

Bien sûr, les objectifs bloquistes et caquistes diffèrent. Le Bloc veut démontrer que l’accession à l’indépendance est la seule façon de soustraire le Québec au carcan identitaire canadien, tandis que la CAQ cherche par une démarche autonomiste à aménager un espace vital pour l’identité québécoise. Mais les deux formations font le même calcul, à savoir que parler identité est payant électoralement.

François Legault a peut-être invité les Québécois l’automne dernier à voter pour le Parti conservateur et Yves-François Blanchet travaillera peut-être à l’élection de quelques péquistes. Mais sur le fond, les deux hommes voient bien des choses de la même façon. Et ils ont au fond un seul et même ennemi politique : Justin Trudeau. Ce dernier rendra-t-il la monnaie de sa pièce à M. Legault pendant la campagne? De l’avis de tous les stratèges libéraux consultés, il n’en est pas question. «M. Legault n’attend que ça.»

On évalue en coulisses que 60 % de l’électorat bloquiste vote désormais pour la CAQ

Cette chronique fait relâche pour l’été. De retour le vendredi 2 septembre.

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