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De la bataille d’Angleterre à Gatineau

PATRICK DUQUETTE pduquette@ledroit.com

Si vous croyez apercevoir un Hawker Hurricane de la Seconde Guerre mondiale voler dans le ciel de Gatineau, ces jours-ci, vous n’avez pas la berlue. C’en est bien un!

Le petit avion de guerre, trapu et robuste, est le dernier-né de la collection d’avions d’époque du riche homme d’affaires Michael Potter. Il a fallu 5 ans de patiente restauration et 3,8 millions de dollars pour remettre dans les airs le célèbre chasseur de la bataille d’Angleterre.

Des experts des Ailes d’époque, mais aussi une quinzaine de bénévoles, dont plusieurs de Gatineau, ont travaillé à la restauration et à la certification de l’appareil. Un travail de moine qui trouve enfin son aboutissement.

Depuis la fin avril, le Hurricane est soumis à des vols d’essai avec Dave Hadfield, le frère de l’astronaute Chris Hadfield, aux commandes de l’appareil. À part quelques pépins sans gravité, le Hurricane vole comme un neuf, assure Claude Brunette, un bénévole responsable des visites guidées au hangar des Ailes d’époque.

L’objectif est qu’il soit fin prêt pour le célèbre meeting aérien d’Oshkosh, au Wisconsin, à la fin juillet. Et à plus forte raison pour le spectacle aérien d’Aéro Gatineau, du 16 au 18 septembre.

Le Hurricane est entreposé dans le hangar des Ailes d’époque, à l’aéroport de Gatineau, en compagnie des autres coucous militaires de M. Potter, comme le Spitfire ou le Mustang. L’appareil a de la gueule avec son camouflage de combat et ses huit mitrailleuses (non fonctionnelles!) qui émergent des ailes. Sous les pipes d’échappement du gros moteur Packard, on a peint un pied en train de botter le derrière d’Adolf Hitler — l’emblème du fameux Squadron 242 de la RAF qui comptait une majorité de Canadiens.

Comme ils le font avec tous leurs appareils, les Ailes d’époque ont associé le Hurricane avec un pilote canadien méconnu : Willie McKnight. «Il a remporté 17 victoires aériennes au cours des batailles de France et d’Angleterre avant de disparaître en 1941, après un raid au-dessus de la France occupée», explique Claude Brunette.

L’emblème personnel de McKnight — un squelette armé d’une faux — a été peint sous la verrière du cockpit. Une inscription sinistre qu’on ne voit plus guère sur les avions de combat modernes, note M. Brunette, sourire en coin.

L’appareil a été acquis en 2005 d’un restaurateur d’avions de la Sasketchewan. Il était en état de vol, mais une inspection poussée a révélé de la corrosion dans les ailes et la partie centrale de l’appareil.

Il a fallu démonter l’appareil de A à Z pour vérifier chacune des pièces, un par une. Chaque vis, chaque longeron, chaque boulon a été examiné soigneusement, à la recherche de défectuosités ou de rouille.

Le plus gros défi des restaurateurs, c’est de trouver des pièces de rechange, m’a expliqué Steve MacKenzie, un autre bénévole des Ailes d’époque. Le Hurricane est un assemblage de milliers de pièces, extrêmement spécialisées, du simple boulon aux gros tubes en acier.

Ces pièces étaient fabriquées en quantité industrielle pendant la Seconde Guerre mondiale... mais plus aujourd’hui. Même l’acier n’est plus fondu de la même manière. Pour trouver les pièces, Steve MacKenzie appelle ses contacts dans le monde des Warbirds en Allemagne, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Angleterre...

Le plus gros défi aura été de refaire la partie centrale de l’avion qui s’articule autour d’un gabarit à 12 côtés aujourd’hui introuvable. Il a fallu acheter de l’acier brut et faire fabriquer la pièce sur mesure en Afrique du Sud, raconte M. MacKenzie.

Restaurer un avion d’époque se compare à assembler un meuble IKEA… à partir de l’image sur la boîte. Les manuels d’instruction originaux sont très sommaires, voire introuvables. Le mécanicien dispose parfois d’une simple illustration pour comprendre comment les pièces s’assemblaient… Le système D dans toute sa splendeur!, s’exclame André Laviolette, un ex-mécanicien militaire qui a travaillé à la restauration du Hurricane.

Simplement pour obtenir le permis de vol de Transports Canada, il a fallu faire certifier chaque pièce du Hurricane. Encore là, de la simple vis aux grosses structures de métal. «Le manuel de certification fait plus de mille pages!», poursuit André Laviolette en exhibant le document en question.

Restaurer le Hurricane aura coûté autour de 3,8 millions pour une valeur d’environ 2,8 millions sur le marché. La restauration n’est pas toujours rentable…

Dire que le fermier des prairies qui a acheté le Hurricane de M. Potter, tout de suite après la guerre, l’avait payé entre 50 et 75 $. C’était moins l’avion qui l’intéressait que de récupérer l’essence et le glycol dans les réservoirs, a découvert Claude Brunette. Le glorieux avion de guerre a ensuite été enterré dans un champ où il servait de jouet aux enfants. Les plus vieux se servaient de l’hélice comme cible pour le tir à la carabine...

Quelle épopée!

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