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ATIKUSS SÈME L’ESPOIR

La mission sociale de Josée Shushei Leblanc

PIERRE THÉROUX Collaboration spéciale p.theroux@videotron.ca En collaboration avec l’École d’Entrepreneurship de Beauce

Josée Shushei Leblanc s’est donné une grande mission: valoriser et mieux rémunérer le travail des artisanes des onze nations autochtones du Québec, assurer la pérennité d’un savoir-faire ancestral et faire rayonner leurs cultures. Ainsi est née Atikuss, formé des mots atik (caribou) et uss (jeune), une entreprise dédiée à la fabrication de mocassins, mukluks, chapeaux et mitaines en peaux et fourrures naturelles.

«Je souhaitais perpétrer le travail traditionnel des artisanes autochtones, qui menaçait de disparaître, mais surtout leur donner la possibilité d’avoir le salaire qu’elles méritent», souligne l’entrepreneure innue de la communauté Uashat mak ManiUtenam, située près de Sept-Îles, où se trouve l’Atelier-boutique Atikuss.

Cette belle histoire a commencé en 2014. Josée Shushei Leblanc, alors propriétaire d’une galerie d’art autochtone, décide de racheter tout l’inventaire d’une boutique d’artisanat voisine qui fermait ses portes. Elle souhaite du même coup demander à des artisanes de produire des mocassins traditionnels, mais constate que ces dernières étaient très loin d’être rémunérées à la juste valeur de leur talent. «Les artisanes étaient vraiment sous-payées. Elles gagnaient un salaire dérisoire de 3 $ à 4 $ de l’heure et méritaient un salaire nettement plus équitable en retour de leur travail et leur savoir-faire», précise Josée Shushei Leblanc. Autre constat: avec un si faible revenu, les plus jeunes ne voulaient évidemment pas prendre la relève de leurs mères et grands-mères.

Elle se met au travail en élaborant un plan d’affaires et une étude de marché. La recherche de financement s’est avérée beaucoup plus difficile. «Pour une femme autochtone qui se lance en affaires, c’est très difficile d’obtenir du financement ou des prêts d’institutions financières», déplore-t-elle. La Loi sur les Indiens établit en effet que les biens meubles et immeubles d’une personne autochtone habitant sur une réserve sont notamment insaisissables.

Après avoir frappé à plusieurs portes, elle réussit finalement à obtenir un soutien financier notamment de la Société d’aide au développement de la collectivité (SADC) et de Commerce international Côte-Nord. La notoriété et le succès de l’entreprise lui permettront plus tard de profiter aussi de l’appui du Mouvement Desjardins.

UN PASSAGE REMARQUÉ AUX DRAGONS

Son passage à l’émission Dans l’oeil du dragon en 2016 sera un moment charnière du développement de l’entreprise. Même si elle n’y a reçu aucune offre de financement pour soutenir l’entreprise et le lancement de sa collection de bottes de luxe personnalisées signée les Bottes de l’espoir, le projet phare de la marque Atikuss, Josée Shushei Leblanc aura profité de sa présence pour y obtenir beaucoup de notoriété et de visibilité. De même qu’une offre de mentorat de la part de l’homme d’affaires Serge Beauchemin qui lui prête encore main-forte aujourd’hui. «Je continue à le consulter quand j’ai de grandes décisions à prendre», mentionne-t-elle.

Résultat: les ventes bondissent, de même que le salaire des artisanes qui confectionnent à la main les vêtements et accessoires d’Atikuss et gagnent aujourd’hui un salaire horaire variant entre 15 $ et 22 $, selon l’expérience. Les Bottes de l’espoir procurent également un revenu à des femmes autochtones itinérantes hébergées au refuge montréalais Chez Doris, où elles peuvent suivre des formations et être rémunérées pour broder des perles qui sont cousues sur des bottes d’Atikuss. De plus, «on voit des jeunes dans les communautés autochtones qui sont intéressées à reprendre le flambeau et perpétuer les traditions d’art autochtone», se réjouit Josée Shushei Leblanc.

L’ouverture prochaine d’un économusée, au sein même de l’Atelier-boutique Atikuss qui fait présentement l’objet de travaux

«Pour une femme autochtone qui se lance en affaires, c’est très difficile d’obtenir du financement ou des prêts d’institutions financières»

— Josée Shushei Leblanc

d’agrandissement, contribuera également à mettre en valeur et perpétuer le travail de ces artisanes autochtones.

«L’économusée vient répondre aux défis que j’avais devant moi dans les années à venir, soit comment assurer la pérennité de l’entreprise et sa mission. Il devient donc le gardien du savoir et des techniques ancestrales», précise-t-elle.

L’établissement devrait ouvrir ses portes en septembre. En plus d’y voir travailler des artisanes, les visiteurs seront accueillis par des musiques autochtones et des présentations visuelles qui rendent notamment hommage aux caribous «qui ont aidé les peuples autochtones à traverser les siècles», explique Josée Shushei Leblanc.

Cela dit, l’utilisation de peaux et de fourrures naturelles, décriée par plusieurs, ne l’inquiète pas outre mesure. «Par respect pour la Terre-Mère, les peaux et les fourrures employées pour fabriquer nos bottes proviennent exclusivement de la chasse écoresponsable. On sait très bien que les populations de caribou sont en déclin, alors on n’en utilise pas», assure-t-elle.

AFFAIRES

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2022-06-25T07:00:00.0000000Z

2022-06-25T07:00:00.0000000Z

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