IMMIGRANTE ET SOUVERAINISTE

Widad Safih est une immigrante souverainiste. Résumée de cette façon, l’idée surprend, ce qui fait rigoler la principale intéressée. Discussion avec une jeune femme inspirante.

Widad est arrivée au Québec il y a sept ans. Elle en avait alors 12 et il était entendu qu’elle irait chez une tante à Montréal pour poursuivre ses études. Sa mère viendra la rejoindre deux ans plus tard.

«À la maison, nous vivions d’une façon plus européenne et ma mère jugeait que le Maroc était de moins en moins sécuritaire. Elle a proposé que je m’installe ici pour avoir une meilleure qualité de vie.»

Son école secondaire est donc au coeur d’Hochelaga-Maisonneuve, dans un quartier multiculturel. Les idées indépendantistes sont arrivées par un professeur d’histoire. «Il était un fervent souverainiste. Quand il nous parlait de Louis Riel ou de McDonald, on le voyait bien ce qu’il en pensait, raconte-t-elle avec un sourire. Sa façon d’enseigner était super intéressante.»

L’adolescente développe alors son intérêt pour la politique et l’histoire et participe au Tournoi des jeunes démocrates. «C’est M. Portugais qui s’occupait de nous alors nous pouvions jaser encore plus. Je ne voyais que du bon sens à la souveraineté.»

Son parcours au secondaire terminé, Widad s’est inscrite en sciences de la nature au Cégep de Saint-Félicien. Elle précise que sa mère y était rendue avec son nouveau conjoint.

«Avec mon beau-père, je me suis vraiment plus imprégnée de la culture québécoise. J’ai aussi rencontré une plus grande ouverture que je croyais à Saint-Félicien.» Une expérience positive qui n’a fait qu’attiser la flamme souverainiste de la Marocaine d’origine.

Et nous voilà à Chicoutimi. Widad termine sa première année en médecine générale à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Elle s’est fait des amis, découvre le mode de vie des Saguenéens et les discussions mènent souvent vers la politique et l’histoire.

«Je crois que toute nation doit être célébrée et que la langue définit un peuple. Le Québec est spécial au sein du Canada. C’est comme le petit oiseau noir qui ressort», illustre-t-elle.

La jeune femme dresse un parallèle entre la situation qui prévaut ici et celle de la Catalogne en Espagne ou du Sahara occidental au Maroc. «Les gens au Sahara ont leurs propres traditions et leur culture. Ils sont constamment victimes de discrimination.»

DES COURS D’HISTOIRE ET DE POLITIQUE POUR TOUS

Widad croit que les immigrants devraient avoir un cours d’histoire en arrivant en sol québécois pour bien comprendre les distinctions provinciales. «Par rapport à la politique, on ne connaît rien en arrivant.»

Par ailleurs, il est clair pour elle qu’un Québec souverain saurait mieux accompagner les immigrants. Avoir un plein contrôle permettrait du même coup à l’État québécois d’établir ses critères en la matière, ajoute celle qui pense à la reconnaissance des diplômes. «Ma mère est pharmacienne. Elle a étudié en Russie et travaillé au Maroc, mais au Canada, son diplôme ne vaut rien. Les attentes de plusieurs immigrants ne sont pas atteintes.»

Et ces cours ne seraient pas que pour les immigrants. «Les Québécois de souche plus âgés sont politisés, mais ils se basent uniquement sur le rendement des gouvernements en place, observe l’étudiante en médecine. Ils parlent d’économie et de santé, mais pas de projets communs. Et les plus jeunes, pour la majorité, s’intéressent surtout à la politique américaine.»

Elle croit que des cours de sciences politiques devraient être intégrés dans le cursus scolaire dès le secondaire, avec des simulations de débats ou des initiations au système électoral.

«En secondaire 3, nous avons fait une simulation des élections fédérales. Les filles, nous avons toutes voté pour Justin Trudeau parce qu’on le trouvait beau, mais au moins j’ai bien retenu comment fonctionne le système», glousse la jeune femme de 18 ans qui ira voter pour la première fois le 3 octobre. Elle assure que cette fois, son choix sera fondé sur les idées.