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UNE SAISON «EN ENFER»

Près de 50 degrés et l’été irakien ne fait que débuter

HUSSEIN FALEH

BASSORA — Elle veut «de l’air», mais tout ce qu’elle brasse avec son éventail, c’est de la chaleur. Sous son toit de tôle, Oum Mohammed, 74 ans, suffoque. Il fait 45 degrés à Bassora, dans le sud de l’Irak, et l’été ne fait que commencer.

«Par Dieu, nous sommes fatigués», chuchote Oum Mohammed.

Une inhabituelle canicule s’est abattue en juin sur l’Irak, où les fortes chaleurs sont pourtant la norme. À Bagdad, le mercure a éraflé les 50 degrés sous abri au début du mois, selon la chaîne d’État Iraqiya.

À Bassora, où l’air est chargé d’une lourde humidité venue du Golfe, même les Irakiens «vacillent», raconte Oum Mohammed, «réveillée en pleine nuit» par la chaleur.

Par manque d’entretien et de capacité, le réseau électrique est défaillant et n’assure que quelques heures de courant par jour. Payer le propriétaire d’un groupe électrogène privé n’est pas à la portée de toutes les bourses : environ 130 $ par mois pour une famille de quatre personnes.

Comme nombre d’Irakiens, Oum Mohammed n’a pas autant d’argent à débourser. Elle en veut au gouvernement de ne pas assurer la couverture en électricité. «Pourquoi fait-il ça? Il devrait aider les pauvres, pas les combattre. Même Dieu n’est pas d’accord», maugrée la vieille dame, enveloppée dans son abaya noire.

Un été en enfer, après un printemps ponctué d’une dizaine de tempêtes de sable et de poussière, elles-mêmes causées par le changement climatique et la désertification de l’Irak, selon les météorologistes.

«Avec les canicules et les tempêtes de sable qui vont se multiplier, nous nous attendons à traiter davantage de patients pour des pathologies liées au climat», explique Seif Al-Badr, porte-parole du ministère de la Santé à l’AFP.

Le climat change, les températures augmentent et l’Irak est aux premières loges, avertit son président Barham Saleh. Il a appelé à faire de la lutte contre les effets du changement climatique «une priorité nationale, car c’est une menace existentielle pour les générations futures».

Dans les campagnes, les récoltes s’annoncent catastrophiques. «La désertification affecte 39 % des terres irakiennes, la raréfaction de l’eau est un problème dans toutes nos régions», a lancé M. Saleh.

Nataq al-Khafaji, habitant de Nassiriya (sud), doit «vivre sans électricité». Ce jour-là il fait 44 degrés. «Moi, ça va encore, mais pour les enfants et les personnes âgées, c’est très dur», dit-il. «C’est l’enfer».

L’Irak a beau être l’un des pays les mieux dotés en hydrocarbures au monde, il est confronté à une pénurie énergétique. Il s’est donc tourné vers l’Iran qui lui fournit un tiers de sa consommation en gaz pour faire tourner ses centrales électriques.

Or, Bagdad a laissé pendant deux ans en souffrance une note de 1,6 milliard de dollars à Téhéran qui lui a coupé le gaz pendant quelques semaines au printemps. L’Irak a finalement réglé sa facture mi-juin.

Mais cela n’empêche pas les coupures de courant plusieurs fois par jour. Pendant les vacances d’été, les trois enfants de Nataq n’ont nulle part où aller, aucun parc aquatique, aucun espace vert. Ils restent chez eux à ne rien faire, plongés dans la pénombre à peine rafraîchissante de leur maison.

Pour apporter un tout petit peu d’air, Nataq a investi dans un dérisoire ventilateur à piles et il se demande «comment supporter les six mois où il va faire presque 50 degrés». «L’hiver dernier, il n’a presque pas plu à cause du changement climatique», dit-il.

Le niveau des fleuves ne cesse de baisser à cause des déficits en précipitations et des barrages construits par les voisins turcs et iraniens.

Et ça n’est qu’un début. La Banque mondiale a estimé qu’en l’absence de politiques adaptées, l’Irak pourrait connaître d’ici 2050 une chute de 20 % de ses ressources en eau douce disponible.

LE MONDE

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2022-06-25T07:00:00.0000000Z

2022-06-25T07:00:00.0000000Z

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