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SE RESSOURCER... EN OBSERVANT LES OURS NOIRS

SOLVEIG BEAUPUY sbeaupuy@lequotidien.com

Au coeur de la forêt boréale de Roberval, un petit groupe de huit personnes surplombe en silence un lac pittoresque. Muni de jumelles et d’appareils photo, chacun est à l’affût du moindre mouvement et du moindre bruit, dans l’espoir d’apercevoir un animal emblématique du Québec : l’ours noir.

Le propriétaire d’Aventure Lac Saint-Jean, Charles Dufour, a lancé cette activité d’observation il y a huit ans maintenant.

Ancien gérant de pourvoirie pendant sept ans, il a décidé d’arrêter de chasser les ours et d’utiliser ses compétences pour une activité plus pacifique et ressourçante. Après avoir observé les ours durant quelques années, il s’est dit : «Pourquoi ne pas en faire profiter les autres?»

«C’est une expérience complémentaire qui ne correspond pas à tout le monde. Il faut rester silencieux pendant deux heures, mentionne Charles Dufour. C’est quelque chose qui fait du bien, surtout avec le rythme de vie qu’on a aujourd’hui.»

Sa clientèle pour l’observation des ours se compose à 90 % d’Européens ou de touristes de l’extérieur de la province, mais très peu de Québécois choisissent cette activité, étant donné qu’ils sont habitués de croiser cet animal au détour d’un chemin. À titre d’exemple, mercredi, il y avait deux Français, une Belge et une Suisse dans le groupe qu’a accompagné Le Progrès. «Quand je demande aux Québécois quelles ont été leurs expériences d’observation, ils me disent tous qu’ils étaient en pick-up et qu’ils ont vu le cul d’un ours passer devant eux avant d’entrer dans le bois, illustre Charles Dufour. Les Québécois ne sont pas portés à venir voir les ours.»

Après 15 minutes de route cahoteuse à bord d’une navette, les participants s’enfoncent dans la forêt pour rejoindre l’observatoire. Dès l’arrêt du moteur, la consigne est claire : il ne faut pas piper mot et avoir une odeur neutre, pour ne pas effrayer les ours.

Le silence a duré pendant près de deux heures et n’était brisé que par les clics des appareils photo, les grillons et le vent. Patience est mère de toutes les vertus, dit-on. Une vingtaine de minutes à peine après l’arrivée sur les lieux, un premier ours fait son apparition, attiré par l’odeur du pain et du poisson que Charles Dufour avait disséminé un peu partout.

Les regards se sont immédiatement tournés vers l’animal, qui peut atteindre, en moyenne, jusqu’à 200 livres. Si aucun son ne sortait de la bouche des curieux, l’excitation était tout de même palpable. Tous se tordaient le cou pour admirer l’impressionnante bête.

Après s’être goinfré comme il faut, l’ours est reparti nonchalamment dans les entrailles de la forêt. Il aura fallu plusieurs longues minutes à scruter l’horizon avant d’en apercevoir un second. Cette fois-ci, alors qu’il se délectait du banquet, il a été rejoint par un porc-épic, venu lui aussi profiter du festin. Sur le chemin du départ, l’ours, gourmand, a fait demi-tour pour venir se ravitailler encore un peu.

«On a, en général, 75 % de taux de réussite d’observation d’ours ici. Cette année, on se situe plus aux alentours de 95 % de réussite, mais je préfère mettre la barre plus basse pour minimiser la déception si on n’en voit pas», révèle Charles Dufour.

On recense entre 60 000 et 70 000 ours noirs qui vivent dans les forêts québécoises, de préférence sous un couvert dense, avec un point d’eau à proximité. Le territoire des mâles peut s’étendre jusqu’à 100 km2, alors que celui des femelles est deux fois moins grand. Un ours peut sentir une odeur à 1,5 km, mais son régime alimentaire est principalement omnivore, composé à 75 % de végétaux, d’insectes et de moins de 5 % de viande.

«Il faut aussi regarder la présence de peuplier baumier. Les ours les utilisent comme laxatif pour évacuer le bouchon organique qu’ils développent durant leur hibernation», ajoute Charles Dufour.

L’arrivée d’un orage a malheureusement écourté l’observation, mais les participants étaient très contents de leur expérience. «On ne pensait pas en voir si rapidement», ont-ils commenté.

COMMENT RÉAGIR?

Tout le long de l’observation, Charles Dufour garde un fusil à portée de main, au cas où les choses tournent mal. Il est aussi muni d’un sifflet et d’un tube lanceur de cartouches anti-ours. Fort heureusement, il n’a eu à utiliser aucun de ces outils depuis des années.

L’entrepreneur est d’ailleurs plus du genre à foncer tête baissée sur un ours qu’à en avoir peur. «Il ne faut pas avoir peur des ours, sinon ils le sentent et vous chargent. Quand un ours commence à claquer des dents, c’est qu’il va attaquer», raconte-t-il.

Comme il est capable de lire le non-verbal de l’animal, il sait à quel moment il faut se retirer et quand ne pas insister.

Si vous voyez un ours à proximité, il ne faut pas paniquer, rebrousser chemin sans lui tourner le dos — sinon vous pourriez réveiller son instinct de prédateur —, se faire plus grand qu’on ne l’est ou laisser un vêtement à terre, avec votre odeur dessus, pour occuper l’animal.

DURE PANDÉMIE

La pandémie a placé l’observation des ours sous respirateur artificiel. Comme Charles Dufour dépend essentiellement de la clientèle européenne, l’annulation de tous les vols internationaux a causé beaucoup de tort.

«En 2019, j’avais environ 600 participants, mais en 2021, il y en avait seulement 250, explique-t-il. Cette année, ça va mieux! On prévoit recevoir 700 visiteurs avant la fin de la saison.»

Les autres activités proposées par Aventure Lac Saint-Jean ont heureusement permis à Charles Dufour de maintenir son entreprise à flot.

«J’accueille près de 500 clients chaque hiver pour la pêche sur glace, et c’est environ 95 % des Québécois qui participent», commente-t-il.

Si l’observation d’ours reprend du poil de la bête, Charles Dufour ne compte pas changer de formule et souhaite conserver ses groupes de huit personnes par observation et par jour.

«Ça permet d’apprendre à connaître les gens, d’avoir un contact plus personnel, et c’est aussi pour limiter les risques de faire du bruit et, par conséquent, de faire fuir les ours», conclut-il.

AUTRES OBSERVATIONS

L’organisme Okwari Le Fjord propose également l’observation d’ours dans leur milieu naturel, au Centre plein air Bec-Scie de La Baie. Cette activité attire aussi une clientèle internationale importante.

Depuis le début de la saison, les guides estiment qu’il y a eu 95 % de taux de réussite d’observation. Dépendamment de la chaleur, il peut y avoir entre une dizaine et une douzaine de spécimens sur le site, selon les informations transmises au Progrès.

Expérience Forêt Boréale, située à Roberval, propose un tout autre type d’observation. Il est possible de faire un safari photo en zodiac, en remontant la rivière Ouiatchouaniche, afin d’admirer la faune sauvage et d’aller à la rencontre des écureuils volants.

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2022-08-13T07:00:00.0000000Z

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