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LES HAUTS ET LES BAS

Alors que les élections se tiendront lundi, notre équipe revient sur les bons et les moins bons coups des cinq chefs

JEAN-MARC SALVET CHRONIQUE jmsalvet@lesoleil.com

J’écrivais en juin ne pas voir en quoi il serait utile que la CAQ rafle encore plus de circonscriptions le 3 octobre qu’elle n’en possédait déjà. Au terme de cette campagne électorale, je vois encore moins ce qu’apporterait un gouvernement caquiste ultramajoritaire plutôt que majoritaire.

Sans le vouloir, François Legault l’a lui-même reconnu cette semaine.

Explications : au mois de mai, il soutenait qu’il aurait besoin d’un prochain «mandat électoral fort» pour convaincre le gouvernement canadien de transférer au Québec les nouveaux pouvoirs qu’il réclame en immigration.

Il avait donc tout naturellement exclu la tenue d’un référendum portant spécifiquement sur cette question (pour éventuellement forcer la main du gouvernement Trudeau).

Or, voilà qu’il vient d’ouvrir la porte à la tenue d’un «référendum sectoriel». Ce faisant, n’admet-il pas que s’il obtenait le «mandat plus fort» qu’il réclame, il n’accroîtrait pas automatiquement son rapport de force? Oui, c’est précisément ce qu’il fait.

Au-delà de cet aspect des choses, le Québec aurait plus à gagner d’une présence accrue des partis d’opposition à l’Assemblée nationale que de l’inverse. Le choc des idées et les divergences d’opinions entre partis démocratiques sont susceptibles de permettre de voir plus large.

À la CAQ, on déteste ce genre d’analyse. Et pour cause! Si trop de sympathisants caquistes devaient voter pour leur «deuxième choix» lundi, elle pourrait soudainement perdre beaucoup au fil d’arrivée.

Chose certaine, son avance dans les sondages permet à des citoyens de se dire qu’ils voteront pour un autre parti dont ils partagent les marqueurs et les valeurs, même si, au fond, ils préfèrent voir François Legault être reconduit dans ses fonctions.

C’est pour contrecarrer cette possibilité que M. Legault a dit cette semaine qu’il travaillera de concert avec les partis d’opposition sous la prochaine législature (s’il est réélu, ce qui ne fait quand même pas vraiment de doute).

On peut être sceptique devant cet engagement de collaboration. C’est vrai. N’empêche que le deuxième gouvernement Legault n’aura pas le choix de mieux tendre la main aux oppositions s’il ne veut pas se faire dire à tout bout de champ qu’une majorité de Québécois n’a pas voté pour lui.

En toute logique, une forme de collaboration entre les partis devrait donc s’imposer.

Tout comme devrait s’imposer l’idée d’instaurer un scrutin comportant des éléments de proportionnalité, si d’importantes distorsions apparaissent entre les pourcentages recueillis par les partis et leur place à l’Assemblée nationale.

Passons au bilan de la campagne comme tel.

LA CAQ

M. Legault a lui-même provoqué les principales controverses de la campagne. Ne mentionnons que le tunnel entre Québec et Lévis, un coûteux projet qu’il a traîné comme un boulet, et la question de l’immigration.

Sur l’immigration, le chef de la CAQ a été dépassé par son ministre Jean Boulet, qui a proféré des faussetés et énoncé d’immondes préjugés. Il s’en est excusé après leur diffusion. C’était bien la moindre des choses. Ses mensonges lui coûteront son poste à l’Immigration. C’est bien le minimum du minimum.

Sans ces graves faux pas sur l’immigration, le gouvernement Legault aurait pu apparaître «raisonnable» avec sa cible de 50 000 immigrants permanents par année, puisque, d’une part, le Parti québécois voudrait réduire ce niveau à 35 000 et que, d’autre part,

les libéraux voudraient le hisser à 70 000; et les solidaires, jusqu’à 80 000.

Pour ses sympathisants, l’équipe caquiste inspire la confiance et la crédibilité; une promesse, au fond, de gouvernance «raisonnable». Pas en tout, on vient de le relever, mais de façon générale.

Pour tirer profit de cet élément de confiance, François Legault n’a pas manqué de faire remarquer que le risque d’une récession s’est accru récemment.

Un fait demeure en cette fin de campagne : il existe d’indéniables compétences parmi l’ensemble des candidats caquistes pour former un conseil des ministres.

LE PLQ

La campagne de Dominique Anglade a pâti de graves problèmes d’organisation.

La cheffe libérale ne pouvait faire de miracles.

Elle est à la tête d’un parti malaimé chez les Québécois francophones, d’un parti à la marque entachée.

«Cette madame», selon les mots de François Legault, a cependant elle-même mené une bonne campagne. Elle l’a fait porter sur les pénuries de main-d’oeuvre, qui est une vraie question.

À ceux qui se demandaient depuis des mois quel était l’ADN du PLQ en 2022, elle y a répondu sans faux-fuyant. Cet ADN s’appuie sur une certaine idée du «vivreensemble» (un terrain partagé avec Québec solidaire).

Mme Anglade a ainsi mis en exergue son opposition aux projets de loi 96 et 21, sur la langue française et la laïcité.

Ce n’est pas populaire chez les francophones. Elle n’a d’ailleurs pas raison en tout là-dessus.

Mais elle «s’assume», comme on dit au Parti québécois depuis quelque temps.

Tout comme elle a assumé les «fondamentaux» de son parti à l’égard du reste du Canada. Elle veut un gouvernement québécois qui soit un «partenaire» et non pas un «adversaire» d’Ottawa.

QS

Québec solidaire est un parti de belles valeurs. Voilà pourquoi ceux qui tiennent avant tout à une meilleure répartition de la richesse et qui réclament un changement de cap dans la lutte contre les GES seront plus susceptibles de voter pour lui que pour une autre formation. Et ce, même si les contours exacts des propositions solidaires en ces domaines sont souvent à peaufiner.

Réduire les GES de 55 % d’ici 2030? QS veut y croire. Mais c’est illusoire. Pensons seulement à la disponibilité des matériaux et de la main-d’oeuvre, ainsi qu’aux délais administratifs et réglementaires inhérents aux grands projets d’infrastructures en transport collectif.

Gabriel Nadeau-Dubois dirait que je suis défaitiste et sans ambition.

Il a d’ailleurs qualifié François Legault de «M. Impossible». «François Legault, c’est devenu M. Impossible! C’est impossible de faire du transport en commun partout au Québec. C’est impossible de construire des logements sociaux pour tout le monde. C’est impossible d’avoir des places en CPE pour tout le monde.»

QS est un parti de valeurs généreuses et il est bien compréhensible — et rassurant, dans une certaine mesure — qu’il plaise à de nombreux jeunes citoyens.

Pour les solidaires, la politique est avant tout une affaire de vision.

LE PQ

De là où il partait, Paul St-Pierre Plamondon avait le luxe de revenir au jeu de base du Parti québécois : l’indépendance.

Dans l’histoire du PQ, il y a eu l’«étapisme» de René Lévesque et de Claude Morin, le débat sur l’élection référendaire, le «si vous votez pour nous, vous aurez un référendum sur la souveraineté» de Jacques Parizeau, les «conditions gagnantes» de Lucien Bouchard, le référendum «le plus tôt possible» de Bernard Landry et d’André Boisclair. Il y a aussi eu des débats sur la pertinence de poser des «gestes de rupture», des propositions de «référendums sectoriels», la «gouvernance souverainiste» de Pauline Marois, ainsi que son référendum au «moment approprié». Avec Jean-François Lisée, il y a eu le report de tout référendum à un éventuel deuxième mandat. Ouf!

Avec M. St-Pierre Plamondon, la campagne a été sans faux-semblant sur la question de l’indépendance. C’est bien évidemment ce qu’il devait faire.

Personnellement, je regrette tout de même qu’on n’en sache toujours pas plus sur les contours du projet de souveraineté proposé. Un Québec indépendant frapperait-il sa propre monnaie? Serait-il doté d’une armée commune avec le reste du Canada? Le PQ pense-t-il qu’idéalement des institutions politiques communes avec un Canada amputé du Québec devraient exister? Si oui, lesquelles? Il paraît que des réponses viendront d’ici quelque temps. Tant mieux!

Sur le front social, M. St-Pierre Plamondon a présenté un PQ plus social-démocrate qu’il l’a souvent été ces dernières années.

Lui-même s’est distingué par son attitude, son style.

Se distinguer par son style, c’est aussi ce qu’a cherché à faire la libérale Dominique Anglade. Elle a voulu opposer son style de leadership «rassembleur» à celui de François Legault, qu’elle a qualifié de «diviseur».

LE PCQ

Pour une formation relancée en 2021, décrocher environ 15 % d’intentions de vote est déjà un exploit en soi. Que le Parti conservateur du Québec concrétise ces intentions dans les urnes équivaudrait pour lui à une renaissance.

Sur le fond des choses, le PCQ est dans une logique à l’opposé de celle de tous les autres.

Ceux qui espèrent une grande rupture avec le «modèle québécois» choisiront ce parti, peu importe les aspects brouillons de son programme. Son projet de pont entre Québec et Lévis, qui passerait par l’Île d’Orléans, témoigne de cet aspect.

Son programme, le chef conservateur l’a résumé d’un trait en lançant que «si le socialisme fonctionnait en santé, on le saurait». Toute sa vision est là.

Au-delà de tout ça, Éric Duhaime souhaite du temps pour charpenter son parti et se présenter aux élections de 2026 avec une équipe renforcée.

Une anecdote sur son équipe : lorsque QS s’est résigné à annoncer que sa candidate dans CamilleLaurin se désistait (après avoir été filmée la main dans une boîte aux lettres en train d’en sortir un tract du Parti québécois), M. Duhaime a d’abord hésité à commenter. «Je gère mes propres candidats, puis j’en ai plein mon assiette!»...

C’était dit en riant, mais ça disait quand même beaucoup.

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