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Lâchez-moi avec le troisième lien

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Le troisième lien a occupé beaucoup de place pendant cette campagne. Tant à Québec que sur la scène nationale. Trop au goût de M. Legault. Et trop au goût de beaucoup de citoyens qui déplorent, avec raison je pense, la disproportion avec des enjeux pourtant plus importants : santé, éducation, changements climatiques, etc.

À Québec, le troisième lien a occulté les questions sur l’avenir du pont de Québec, dont la CAQ semble peu se soucier.

Il a occulté les problèmes de pénuries de main-d’oeuvre, de qualité de l’air, d’itinérance, etc. Beaucoup de propositions intéressantes sont restées sous les radars.

Les médias sont en partie responsables. Ce sont eux qui, chaque jour, ont ramené le troisième lien de la CAQ dans les périodes de questions.

Pourquoi cette obsession qu’on ne voit pas pour d’autres grands projets?

Mon hypothèse est que ce projet a cessé d’être un enjeu local de mobilité et d’aménagement ou un souci budgétaire de 6.5 milliards $.

Il est devenu le symbole d’une certaine façon de faire de la politique que je résumerais ainsi : arrogance, je-m’en-foutisme et opacité.

Le «lâchez-moi moi avec les GES» du candidat dans Lévis Bernard Drainville en est la parfaite incarnation.

François Legault y a personnellement contribué aussi. Il a longtemps prétexté la désuétude des études pour refuser de les dévoiler. Puis, a soutenu qu’il n’y avait aucune étude. Y a-t-il ou n’y a-t-il pas d’études? On ne sait plus.

Ce qu’on sait par contre, c’est que même si les études étaient défavorables, M. Legault veut construire son tunnel autoroutier. Décision «politique», jette-t-il, pour couper court aux questions.

Si M. Legault avait tout simplement montré les documents qu’il détient et annoncé qu’il attendrait les nouvelles études avant de prendre une décision finale, les médias seraient vite passés à autre chose.

On a découvert dans cette élection un fossé de générations, plus important peut-être que ce qu’on soupçonnait.

Le sondage Segma-Le SoleilFM93 du 5 septembre était particulièrement éloquent.

Chez les 18-34 ans de la région, seulement 14 % disaient appuyer la CAQ, contre 35 % pour QS et 33 % pour le Parti conservateur. Il ne restait que des miettes pour les autres.

«Les vieux partis politiques s’essoufflent à la longue. Chaque génération qui arrive en âge de voter a des préoccupations nouvelles qui reflètent les grands enjeux de leur époque auxquels elles sont sensibles», rappelle Simon Langlois, professeur émérite au département de sociologie de l’Université Laval.

Les jeunes de la Révolution tranquille avaient voté Jean Lesage pour développer l’économie et moderniser l’État. Ceux des années 70 ont voté PQ pour contrer la menace sur la langue française et affirmer le statut du Québec.

Je comprends que la génération «X» a ensuite voté ADQ parce qu’elle peinait à trouver sa place dans un monde de boomers.

À la différence des votes générationnels précédents, ce qui frappe aujourd’hui, c’est le clivage parmi les jeunes, observe Dominique Morin, professeur de sociologie à l’Université Laval.

Les jeunes opposés au «Continuons» de la CAQ se retrouvent aux deux extrêmes de l’offre politique. À gauche chez Québec solidaire et à droite au Parti conservateur.

Comment expliquer que les 1834 ans du sondage se retrouvent ainsi aux antipodes?

Ils ont des «trajectoires de vie» différentes, déterminées par l’âge et par l’endroit où ils habitent, expose M. Morin.

Les jeunes des quartiers centraux sont plus sensibles aux enjeux d’environnement; plus intolérants à la pollution; se déplacent moins en voiture et sont davantage inquiets d’un tunnel qui sortirait dans leur voisinage.

Ceux qui sont aux études ne voient pas comment ils

François Legault à Lévis avec le maire Gilles Lehouillier, le 17 septembre dernier. Le dossier du troisième lien a occupé beaucoup de place pendant la campagne électorale, trop au goût de certains.

pourraient acheter une maison. Ils peuvent aimer l’idée de faire payer les riches comme le propose QS, car ça ne les concerne pas.

Les jeunes de la rive sud ou des couronnes nord ont un mode de vie différent. Ceux qui s’apprêtent à acheter une maison ou à fonder une famille seront plus sensibles aux arguments de taxes et de fiscalité, au besoin de garderies.

Des jeunes qui lorgnent les conservateurs ont peut-être davantage souffert de la pandémie et en veulent au gouvernement. Ils voteront pour le parti qui promet de ne plus leur imposer de contraintes sanitaires.

Une génération aux préoccupations éclatées. Comme leur époque.

Du premier au dernier jour, Éric Duhaime aura défini l’agenda électoral. Pour le meilleur et pour le pire.

À Québec, son parti est le seul à s’opposer au tramway. Son chef, le seul à s’être colletaillé avec le maire Marchand.

C’est le seul parti à prôner une réduction de la taille de l’État dans une ville de «fonctionnaires».

Le seul à plaider pour une gratuité complète du transport en commun. Le seul à vouloir un troisième lien à travers le patrimoine de l’île d’Orléans.

Pour toutes ces raisons et pour d’autres, je suis de ceux qui pensent qu’il serait utile que ces points de vue puissent être entendus à l’Assemblée nationale. Même les plus détestables et contestables, comme cette idée de mur à la frontière.

Que ces idées puissent être confrontées aux contraintes et sensibilités du monde réel.

À défaut, elles vont continuer à prospérer dans le désordre et sans garde-fou dans les réseaux sociaux, des émissions de radio ou manifestations de camionneurs.

Le parti d’Éric Duhaime va-t-il réussir une percée à Québec?

C’est possible. Probable même dans la Beauce. Beaucoup moins pour le chef Duhaime dans Chauveau.

Cela dépendra du vote des jeunes, de l’efficacité des machines électorales. Environnement Canada ne devrait pas être un facteur. On annonce beau lundi.

Si les sondages ont vu juste, notre première au soir du vote, on voudra la poser à Olivier Dumais, candidat conservateur dans Beauce-Nord : allez-vous démissionner pour permettre à Éric Duhaime de se porter candidat lors d’une partielle?

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