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«ON N’EST PAS SORTIS DU BOIS»

L’industrie de la restauration connaîtra encore une période difficile, croit Pierre Moreau, de Groupe Restos Plaisirs

JEAN-NICOLAS PATOINE jnpatoine@lesoleil.com

Entre ses visées montréalaises, son implication communautaire et la «tempête parfaite» qui frappe l’industrie de la restauration, les sujets ne manquent pas lorsqu’on discute avec Pierre Moreau, président du Groupe Restos Plaisirs.

Même s’il a jadis juré ne jamais vouloir suivre les traces de ses parents en restauration — son père possédait la Tyrolienne, sa mère le restaurant Chez Camille dans SaintSacrement —, M. Moreau dirige un regroupement de 11 restaurants et d’un service de prêt-à-manger dans la région de Québec : cinq Cochon Dingue, le Lapin Sauté, le Café du Monde, le Jaja, le Ciel, le Paris Grill, le Hop! La Toque et le Madame Chose.

Dans le décor spectaculaire de ce dernier, aux Galeries de la Capitale, Le Soleil a rencontré l’homme d’affaires de 60 ans.

Q

Pénurie de main-d’oeuvre, coûts et délais dans la construction, inflation, tout ça après une pandémie… Estce qu’on est au milieu d’une tempête parfaite qui s’abat sur les restaurateurs?

R

Sans vouloir apeurer personne, je pense que les prochaines années vont nous démontrer que la pandémie, ce n’était pas si pire que ça. Elle a été extrêmement difficile, car on naviguait dans l’inconnu, c’était extrêmement stressant. Là, on s’en va dans un autre genre d’ère. La main-d’oeuvre, l’inflation, ce sont tous des facteurs qui auront un impact important sur les consommateurs. Le fait qu’il y ait eu une contraction dans la restauration — beaucoup de restaurants ont fermé — va nous aider un petit peu, mais on n’est pas sortis du bois.

Q

Que faites-vous pour tenter de retenir vos employés? R

On ne peut pas se battre contre le débalancement démographique qu’on nous annonce depuis 25-30 ans et pour lequel on n’a rien fait [collectivement]. Aucun parti politique ne s’en est occupé depuis les 25 dernières années.

On développe des outils pour être un employeur qui incite les employés à vouloir travailler pour Groupe Restos Plaisirs. On fait du recrutement à l’étranger, on est hyper flexibles sur les horaires. On accepte des affaires qu’on n’acceptait pas avant...

Q

Dans le groupe, il vous manque combien d’employés en ce moment?

R

Une centaine. Avant la pandémie, j’avais 900 employés. J’ai fermé deux Jaja pendant la pandémie, et mon secteur banquet a beaucoup diminué. Je suis à peu près à 650-700 employés. Mais je suis fermé ici aujourd’hui [NDLR : au Madame Chose, mardi midi] et au Cochon dingue de l’autre côté de la rue. À un moment donné, je ne peux pas faire travailler mon monde 75 heures par semaine, je vais les brûler.

Avec le chambardement actuel, il y a des paradigmes qui vont changer. Avant, avoir un restaurant fermé, ça ne faisait pas partie de mes valeurs. Cinq de mes restaurants actuels étaient ouverts 365 jours par année. Aujourd’hui, je sais que

je ne serai plus capable de faire ça, alors j’essaie de trouver des heures d’ouverture qui satisferont le plus grand nombre possible de clients, selon l’environnement. L’objectif est quand même d’éventuellement élargir nos heures.

Q

On se trouve dans votre petit dernier, Madame Chose. Comment vont les affaires, dans le contexte où son environnement, les Galeries Gourmandes, connaît des ratés?

R

J’ai opéré trois mois, et ensuite j’ai fermé [à cause de la pandémie]. Alors je suis encore dans mon mode de démarrage. J’ai un concept qui est neuf, je suis encore à le faire connaître. C’est certain que je ne suis pas rendu au niveau de rentabilité que j’avais prévu. Une portion est due à la pandémie, une portion est due au fait que l’achalandage prévu aux Galeries Gourmandes n’est pas là. Mais je suis quand même dans un environnement, les Galeries de la Capitale, où il y a beaucoup de trafic.

On investit beaucoup d’argent, mais on investit aussi beaucoup en réflexion, sur le concept. Pourquoi on l’a fait de cette façon : créer des sections avec différentes ambiances pour plaire à différentes clientèles. Je regarde le bar, et on se croirait sur Grande Allée. Je me dis que ça pourrait devenir un spot de fin de soirée pour les gens de Lebourgneuf, de Lac-Beauport, etc.

Chez Restos Plaisirs, on est pas mal tenaces : avant de lancer la serviette, on travaille fort.

Q

En juin, vous avez annoncé avoir rejoint le Groupe Grandio, un regroupement de restaurateurs dont fait aussi partie La Cage. Avez-vous déjà constaté des bénéfices à cette nouvelle union?

R

On commence à s’entraider, de toutes sortes de façons. Gérer un restaurant, c’est devenu hyper complexe. Ça va nous permettre d’aller chercher des synergies. Par exemple, tous les systèmes informatiques. La Cage a sa propre application, j’ai la mienne. À un moment donné, on ne paiera pas deux développeurs, on va s’organiser pour avoir une seule plate-forme qui peut être personnalisée. Ça va nous permettre de faire des économies d’échelle.

[Autre] exemple : avant la pandémie, notre plan stratégique était d’ouvrir des Cochon Dingue dans la région de Montréal. La pandémie a mis un frein à ça. Mais là, avec Grandio, ça me permet de récupérer mes deux-trois années perdues. Ils sont déjà implantés partout au Québec, donc ils ont des contacts avec tous les promoteurs immobiliers. Je regarde déjà trois ou quatre sites sur la Rive-Sud de Montréal pour le premier Cochon Dingue, qu’on espère ouvrir en 2023, nonobstant tous les enjeux de main-d’oeuvre et de délais de construction.

Q

Vous parlez d’un Cochon Dingue… Est-ce que l’objectif est toujours d’en avoir plusieurs dans la région de Montréal?

R

J’en ai cinq dans la région de Québec, alors je peux en avoir 10 dans la région de Montréal très rapidement. Ce sera juste de trouver les bons sites et d’être capable de trouver suffisamment d’employés. L’idée, c’est d’en ouvrir un par année pour les cinq prochaines années, ça, c’est le minimum.

Ce seront tous des Cochon Dingue. C’est la marque qui a le plus de potentiel, elle existe depuis 40 ans. C’est fascinant, l’été surtout, d’entendre les gens de Montréal qui viennent chez nous et nous demandent : «Quand allez-vous ouvrir un Cochon dingue à Montréal?» On se fait demander ça depuis 25 ans.

Q Samedi, au Centre de plein air de Lévis, vous serez président d’honneur de Grimpons pour l’eSPoir, une activité qui soutient la lutte à la sclérose en plaques, cause que vous appuyez depuis plusieurs années. Pourquoi vous tientelle à coeur?

R

Parce que j’ai eu une conjointe pendant 27 ans qui est touchée par cette maladie depuis qu’on est dans la trentaine. On commençait à penser à fonder une famille et cette maladie-là est arrivée. Ça a chamboulé notre vie.

Son médecin lui avait dit qu’à 45 ans elle marcherait avec une canne, qu’à 55 ans elle serait en chaise roulante… Elle a maintenant 60 ans, et elle marche toujours sur ses deux pattes, grâce à des médicaments qui ont été découverts au cours des dernières années et qui améliorent la qualité de vie. On s’est toujours dit que ce serait l’fun si, de notre vivant, on trouvait la cause de cette maladie insidieuse.

[Samedi], je ne serai pas dans le volet compétitif, mais dans le volet participatif. Mais je vais quand même m’assurer que je monte la montagne autant, sinon plus de fois, que tous les membres de mon équipe, même les plus jeunes (rires)!

J’ai deux causes qui me tiennent à coeur : celle de la sclérose en plaques, mais aussi celle du Pignon bleu. Quand tu penses que des enfants vont à l’école sans avoir assez mangé... C’est difficile de réussir dans la vie et de bien étudier si tu ne peux pas manger à ta faim. Je suis sur le conseil d’administration depuis deux ans, c’est une cause qu’on supporte depuis des années en vendant des petits Pots plaisirs dont tous les profits sont remis au Pignon bleu.

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2022-10-01T07:00:00.0000000Z

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