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Pendant ce temps, à Hérouxville... Collaboration spéciale

YVON LAPRADE CHRONIQUE

Coup de fil au maire d’Hérouxville, Bernard Thompson. «Comment ça se passe avec vos immigrants?» Sa réponse ne se fait pas attendre : «Ceux qui viennent vivre chez nous sont courtois, polis, ils veulent s’intégrer, ils sont disposés à apprendre le français. Ils veulent travailler. On n’en a pas de problème avec eux!»

Tout juste auparavant, François Legault venait d’envoyer un uppercut en plein visage à son ministre de l’Immigration et député de Trois-Rivières, Jean Boulet, pour les propos erronés qu’il a tenus sur la présence — ou la non-présence — des immigrants en région.

Comme s’il avait voulu s’assurer que le coup avait bien porté, le chef caquiste — qui veut plafonner le nombre d’immigrants à 50 000 par année — a pris la peine de préciser que son fidèle scout s’était «disqualifié» comme ministre de l’Immigration.

Réaction du maire d’Hérouxville : «Je suis très surpris, je la trouve très étrange, la déclaration de Jean Boulet.» À vrai dire, il n’a pas véritablement compris pourquoi le ministre régional, avec qui il entretenait de très bonnes relations sur les dossiers d’immigration, est venu dire que «80 % des immigrants s’en vont à Montréal, ne travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise».

Ce n’est pas la réalité qu’il perçoit dans son coin de pays.

«Nous autres, on continue d’en accueillir, des immigrants qui sont prêts à vivre chez nous et à travailler, insiste-t-il. Nous avons ouvert nos portes à des Tunisiens, à des Italiens.»

Il ajoute : «Ils nous été référés par les Services d’accueil aux nouveaux arrivants [SANA]. On a toujours été en lien avec le ministre Jean Boulet, bien évidemment, puisque [c’était] le ministre régional.»

LE FAMEUX CODE DE VIE

Pour ceux qui l’auraient oublié, Hérouxville a défrayé les manchettes, en 2007, après que le conseiller André Drouin eut rédigé un «code de vie» à l’intention des nouveaux arrivants. Ce «code» interdisait, entre autres, le port du kirpan à l’école. Il était également question de lapidation des femmes, d’excision...

«Ah mon Dieu! Je peux vous assurer que ça fait longtemps qu’on a mis ça derrière nous, tient à rappeler le maire. Bien des choses ont changé depuis 15 ans. La population a changé.»

Il concède que cette histoire, très médiatisée, avait fait «très mal» aux résidants d’Hérouxville, qui n’y étaient pour rien. Il admet aussi que le conseiller Drouin, son voisin d’en face, aujourd’hui décédé, était allé beaucoup trop loin.

«Le but recherché, ce n’était pas de prendre position contre les immigrants, bien au contraire. On voulait plutôt envoyer un avertissement. On voulait dire par là : faites attention, méfiez-vous! Il y a de l’intolérance dans le monde. Il y a des gens mal intentionnés, qu’on pense aux djihadistes», assure Bernard Thompson.

En dépit des efforts déployés pour attirer — et retenir — les immigrants, le maire d’Hérouxville déplore la lenteur administrative, les trop longs délais, pour accélérer les procédures.

«On dit au gouvernement : faites donc des tris plus rapides dans vos papiers pour permettre aux nouveaux arrivants de venir s’installer chez nous le plus vite possible. Nous avons sur notre territoire — il parle au nom des dix municipalités de la MRC — des employeurs qui ont des besoins urgents de main-d’oeuvre. Mais ce n’est pas toujours évident.»

Depuis deux ans, il signale qu’une cinquantaine d’immigrants sont débarqués dans la région. Ils n’ont pas fait que passer, ils se sont faits des amis, ils se sont gagné la confiance de leurs employeurs.

Bernard Thompson aime rappeler qu’il a grandi à Trois-Rivières et qu’il a fait carrière à Montréal pendant trente ans au sein d’une grande entreprise avant de revenir au bercail, dans sa campagne mauricienne.

«Je suis très à l’aise avec la question de l’immigration, pointe-t-il. En ville, j’ai évolué dans un environnement multiethnique. J’ai voyagé à l’étranger. J’ai appris à mieux connaître les besoins, et les attentes, de ces hommes et de ces femmes.» Un exemple concret?

«Des Tunisiens qui sont arrivés ici au cours de la dernière année ont été accompagnés dès le premier jour par nos bénévoles, répond-il. Ces gens-là ont des coutumes nettement différentes des nôtres, il faut leur laisser le temps de s’intégrer. Ça signifie qu’il faut être à l’écoute. On est allé faire l’épicerie avec eux, on leur a appris à se débrouiller, à s’organiser.»

Le maire prend une pause avant de me parler de cette famille venue d’Italie qui ne parlait pas un mot de français à son arrivée au Québec à l’automne 2021.

«On les a tout de suite rassurés, dit-il. On les a accueillis. Et ça s’est très bien passé.»

Il est allé à leur rencontre — le couple a trois enfants âgés de 5 , 7 et 9 ans. Il a «sorti son italien» pour leur dire deux ou trois phrases, en guise de mot de bienvenue. «Ils sont heureux. On leur a trouvé du travail. Ils avaient perdu leur emploi durant la pandémie.»

Et ils communiquent avec leurs voisins dans la langue du pays...

DES EMPLOIS ET DU MONDE

Le maire d’Hérouxville est intarissable sur la question touchant l’emploi et l’immigration. Comme la majorité des maires au Québec, il demeure convaincu que les immigrants sont la clé si on veut régler, du moins en partie, les problèmes chroniques liés à la pénurie de main-d’oeuvre.

Mais des problèmes subsistent. L’offre de logements demeure nettement insuffisante. Il faudrait construire des maisons unifamiliales, des édifices à logements, trouver un toit à ces nouveaux arrivants. Il faudrait aussi trouver des places en garderie.

«J’ai offert au gouvernement de transformer le centre des loisirs pour en faire un service de garde, le temps de construire un centre de la petite enfance. On est rendus là.»

Il se passe des choses intéressantes dans la MRC de Mékinac, dont fait partie la ville de Saint-Tite. Pas pour rien qu’elle ait remporté le prix Ulrick-Chérubin, en mai dernier, pour ses efforts en matière d’accueil des personnes immigrantes.

La Fédération québécoise des municipalités a voulu souligner l’initiative de la MRC, qui a été la première au Québec à nommer une personne ressource pour favoriser l’intégration des nouveaux arrivants.

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2022-10-01T07:00:00.0000000Z

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