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2000 KM PLUS TARD… UN CUL-DE-SAC

HUGO MEUNIER Urbania

Plus de 2000 kilomètres parcourus, neuf régions visitées, des dizaines de circonscriptions traversées, une vidange, trois pleins (environ 1000 $), quatre campings, une brosse (bon OK, deux), quatre auto-stoppeuses embarquées (plus un chef péquiste), six mouches trimballées comme passagères illégales et un nombre incalculable d’arrêts dans des services au volant plus tard, notre tournée électorale en VR a pris fin à quelques jours du scrutin.

Grâce à ce pouls substantiel, nous pouvons désormais affirmer hors de tout doute — et vous l’aurez appris ici — que si la tendance se maintient, le prochain gouvernement sera… CONSERVATEUR MAJORITAIRE!

J’exagère un peu (beaucoup), mais disons que parmi les dizaines de personnes croisées sur notre route, plusieurs n’ont pas caché leur sympathie envers le parti d’Éric Duhaime, ou du moins leur mécontentement envers le gouvernement sortant de François Legault.

Évidemment, ce coup de sonde n’a rien de scientifique et ne devrait pas remplacer à court ou moyen terme la boussole électorale.

Et à moins d’un revirement du type «Franky se fait prendre dans un scandale sexuel impliquant des mineurs dans un spa», la CAQ devrait reprendre le pouvoir pour quatre ans avec des résultats dignes de la Corée du Nord, et ce, même si les péquistes de Paul St-Pierre Plamondon semblent revenir de l’arrière comme Rocky Balboa contre Ivan Drago.

Mais bon, l’occasion était belle de prendre le large et d’aller à la rencontre des électeurs et électrices lambda d’un peu partout, hors des sentiers battus. Que ce soit au Festival western de Saint-Tite, à une soirée de débats avec des conservateurs et des solidaires, à un gala de lutte de Chicoutimi, dans un couvent de Rimouski ou sur une ferme de Chaudière-Appalaches, on a voulu tendre l’oreille au proverbial «monde ordinaire» sur des enjeux qui le touchent concrètement.

Un constat s’impose : les préoccupations de la population sont à des années-lumière des histoires de subtilisation de dépliants électoraux et de hausse de vitesse en ski-doo qui font les manchettes dernièrement.

Les gens interrogés sur notre route s’inquiètent plutôt d’inflation, d’environnement, de manque de médecins de famille, de pénurie de main-d’oeuvre, sans oublier la crise du logement.

D’ailleurs, lors de notre passage à Rimouski, marqué par le deuxième taux d’inoccupation le plus bas à l’échelle provinciale (après Granby), le maire Guy Caron a dénoncé le silence radio entourant l’enjeu de l’heure. «Ç’a été une grosse déception de ne pas avoir entendu parler de pénurie de logements durant le premier débat des chefs», a-t-il admis lors d’un point de presse organisé la semaine dernière pour exhorter les candidates et candidats locaux en lice aux présentes élections à prendre des engagements fermes pour mettre en chantier du logement social dans sa ville. «On a entendu parler de 2 1⁄2 annoncés à 1100 $ par mois», citait en exemple le maire Caron.

Mentionnons à cette rencontre la présence de la candidate solidaire Carol-Ann Kack qui, en plus de proposer des solutions pour dénouer la crise du logement, peut aussi se targuer d’avoir le meilleur slogan de campagne de tous les temps : «Ma Kack est meilleure que la tienne.»

PROMOUVOIR LE MILIEU AGRICOLE

Notre VR a aussi fait un arrêt au village de Saint-Magloire, dans la région de Chaudière-Appalaches, pour discuter d’enjeux agricoles en compagnie de Samuel Larochelle, ex-candidat de la téléréalité L’amour est dans le pré (et premier issu de la diversité sexuelle), dont la famille possède quelque 20 000 poulets et une cinquantaine de vaches.

Le sympathique jeune homme nous a raconté son retour à la terre

vécu durant la pandémie, mais surtout la réalité des agriculteurs et agricultrices qui s’échinent dans l’ombre pour nourrir le Québec.

«L’agriculture et l’agroalimentaire sont souvent tenus pour acquis, mais on devrait au contraire en faire la promotion. Ça devrait d’ailleurs faire partie des programmes de tous les partis et ça devrait être valorisé plus que ça», a indiqué Samuel, pointant aussi du doigt le problème de relève agricole.

Pour le pallier, le recours à une main-d’oeuvre étrangère est carrément devenu une question de survie. «Auparavant, c’était rare que les producteurs laitiers avaient besoin de travailleurs étrangers, mais là, ce n’est plus seulement les productions maraîchères qui ont besoin de travailleurs étrangers. Ici, par exemple, ça fait longtemps que ces derniers viennent chercher nos poulets», a-t-il souligné, devant un décor de vaches en train de ruminer (entre autres choses) à l’étable.

LA BOMBE À RETARDEMENT

Ce que je vais retenir de cette tournée électorale, outre le fait que partager un lit double avec mon collègue Jean-Pierre ne constitue pas le summum du confort, c’est à quel point la pénurie de maind’oeuvre est généralisée.

Cette impression qu’après deux ans de pandémie, cette autre crise majeure nous attend dans le détour, comme une bombe à retardement.

Partout durant notre périple, nous l’avons observée de l’intérieur, sous la forme de commerces, restaurants et autres établissements opérant avec des horaires réduits, faute de personnel. Une situation qui donnait parfois l’impression de traverser des villages fantômes en soirée, nous forçant à plusieurs reprises à souper au dépanneur (miam, une trilogie de sandwichs emballés avec un side de salade au macaroni!).

«Ma fille de 14 ans vient d’être embauchée au McDo tellement les besoins sont là», m’avait raconté Linda, croisée dans la file d’attente avant un gala de lutte organisé à Chicoutimi, un incontournable du coin (et moment fort de cette tournée).

Parlant de McDo, la situation est tellement critique qu’une des succursales visitées (je ne me rappelle plus laquelle) avait sorti sa belle nappe des grandes occasions aux couleurs du géant américain pour tenir des «mercredis d’embauche».

Même la salle à manger du rare motel qu’on s’est offert était fermée un samedi matin, privant la clientèle du déjeuner inclus. «J’espère que la situation est temporaire», avait laissé tomber l’employé au lobby, sans trop y croire.

Ne reste qu’à vous souhaiter une bonne fin de campagne.

Il est d’ailleurs bien temps qu’elle finisse, celle-là, à l’heure où des projets de murs à la frontière et autres inepties sur l’immigration génèrent de gros maux de tête.

Et comme la réélection de la CAQ semble aussi prévisible qu’une avalanche de photos de sorties aux pommes sur Facebook en septembre, aussi bien en finir au plus vite, comme un plaster qu’on arrache d’un coup sec.

À l’heure d’écrire ces lignes, je suis de retour chez moi, dans mon confort bourgeois. Il y a une demiheure, deux bénévoles de Québec solidaire ont cogné à la porte pour voir si on ferait confiance au député sortant Vincent Marissal. Ma blonde — indécrottable gauchiste — a répondu spontanément «oui» presque en hurlant, proposant même ses services pour aller voler des dépliants de partis adverses dans le voisinage.

Quant à moi, j’avoue honnêtement me gratter la tête pour la première fois depuis belle lurette.

Un dilemme vécu par plusieurs. Parce que même si la CAQ peut dormir tranquille les deux mains sur le volant, peu d’électeurs et électrices peuvent prévoir l’issue du scrutin pour les autres formations, toutes au coude-à-coude.

Mais peu importe qui prendra le pouvoir, le véritable défi sera d’essayer de faire fonctionner une province au ralenti, encore amochée par une pandémie, une inflation monstre, un ouragan et une pénurie de main-d’oeuvre.

Au moins, je peux dormir dans mon lit — sans JP — en rêvant naïvement que tous les partis délaissent la partisanerie afin de travailler main dans la main pour faire face à de tels défis.

LE POINT

fr-ca

2022-10-01T07:00:00.0000000Z

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