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DES BALEINES, DES NARCOS, DU RACKET ET DES CADAVRES DANS LA LAGUNE...

BUENAVENTURA — Buenaventura, c’est le grand port du Pacifique colombien, la porte vers l’Amérique du Nord et l’Asie, d’où sortent 40 % des exportations colombiennes. «C’est aussi le premier point de sortie de la cocaïne produite dans le pays», explique à l’AFP l’évêque de la ville.

«Bandits et criminels voient dans la position stratégique de Buenaventura une opportunité pour tous leurs trafics. Beaucoup d’argent circule ici, vers Cali [la capitale régionale à trois heures de route], Medellín et Bogota. Zone de passage, la ville ne produit rien ou presque. Tout vient de l’extérieur», décrypte Mgr Ruben Dario Jaramillo.

Buenaventura l’afro-colombienne — à 90 % noire — est tristement réputée pour sa pauvreté (80 % dont 43,5 % d’indigents, un taux de chômage de 29 %) et ses services publics défaillants.

Au fond d’une vaste baie et au coeur de la mangrove, Buenaventura, c’est d’abord une île historique qui concentre le port, les administrations et une poignée d’hôtels à deux pas du quai où les touristes ne font que passer pour aller voir les baleines au large.

Quelques bars, des restaurants de fruits de mer, et un parc en bord de mer où les habitants aiment à venir déambuler dans la tiédeur du soir donnent à la cité portuaire une apparence de normalité.

La ville s’étire en fait autour d’une avenue surchargée, traversant sur une douzaine de kilomètres et autant de «communes» populaires, des entrepôts crasseux à barbelés où s’empilent les conteneurs, le tout cerné de plusieurs ports nichés dans les estuaires.

De jour, s’éloigner de la grande avenue centrale, c’est se mettre en danger, s’entend-on prévenir. La nuit, il n’y a pas âme qui vive dans les quartiers.

FILS DE LA LOCAL ET LA EMPRESA

«Shottas» et «Spartanos» sont nés fin 2020 d’une scission au sein d’un même cartel criminel alors hégémonique, «La Local», elle-même héritière de «La Empresa» (ou l’Entreprise), et structurée autour notamment d’anciens narcos, de retour en Colombie après avoir été extradés et emprisonnés aux États-Unis.

Ces groupes ont succédé aux paramilitaires et aux guérilleros, qui se finançaient déjà par le trafic de drogue et terrorisaient à coup de massacres et d’attentats la population locale jusque dans les années 2000.

Ils diffèrent des guérillas et autres narcos (ELN guévariste, dissidents des FARC et Clan del Golfo) opérant dans cette région inextricable de jungles et de rivières utilisées comme voies de sortie — il n’y a quasiment pas de route dans la région — pour la cocaïne produite en quantité industrielle plus en altitude sur les contreforts de la Cordillère.

Dans Buenaventura même, «Shottas» et «Spartanos» agissent un peu comme des prestataires des services pour ces groupes armés de la périphérie, les premiers en lien avec une dissidence locale des FARC au sud-est, les seconds avec le redoutable Clan del Golfo au nord-ouest. Ceci alors que l’ELN a cédé du terrain dans toute la région ces derniers mois.

Ce sont les deux gangs qui sévissent dans les macabres maisons «abattoirs» où les kidnappés finissent torturés et démembrés pour être jetés dans la lagune.

Capturé en 2019, le chef des «Shottas», Diego Optra, continuait de gérer le business depuis sa cellule. Il a été libéré mi-septembre par un juge. Le patron des «Spartanos», alias «Mapaya», se cacherait dans la jungle près de Buenaventura.

Les «Spartanos» contrôlent les communes 1 à 6; la commune 7 est une zone de dispute; au-delà jusqu’à la commune 12 c’est le territoire des «Shottas», peut-on résumer, avec un rapport de force 60/40 en faveur des «Spartanos».

«Chaque groupe a développé une espèce d’identité culturelle, avec sa martyrologie, ses chansons, ses codes... Ils se croient dans un film», explique un activiste local, les Shottas sur le mode jamaïcain notamment, alors qu’«il suffit d’une arme et d’un téléphone pour enrôler un gamin».

Peu ou pas de graffitis sont néanmoins visibles sur les murs. On pénètre sans s’en rendre compte sur le territoire de l’un ou de l’autre, le danger en est d’autant plus grand. AFP

LE MONDE

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2022-10-01T07:00:00.0000000Z

2022-10-01T07:00:00.0000000Z

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