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Loreena McKennitt ACCORDER MUSIQUE ET AFFAIRES

GENEVIÈVE BOUCHARD gbouchard@lesoleil.com

Depuis le début de sa carrière, la Canadienne Loreena McKennitt a mené sa barque sur deux tableaux. L’autrice-compositrice-interprète a d’une part poussé, à force de recherches, les limites de la musique celtique traditionnelle. Elle a du même coup peaufiné ses qualités d’entrepreneure en restant toujours farouchement en contrôle de ses affaires.

Après une pause imposée par la pandémie — mais qui était déjà dans ses plans — la rousse musicienne reprend la route pour célébrer le 30e anniversaire de son album The Visit, qui a marqué un tournant important dans son parcours et qui a fait connaître sa voix aérienne sur la scène internationale.

«C’était très excitant, mais c’était aussi un peu énervant. J’ai compris que je passerais d’une existence à plutôt petite échelle à quelque chose de beaucoup plus grand. Je suis assez timide et introvertie. J’ai réalisé qu’avec ce succès, je serais davantage dans le regard du public», se souvient la chanteuse et multi-instrumentiste à propos de cet album, sur lequel on peut notamment entendre les pièces All Souls Night ou Tango To Evora.

Quand The Visit est arrivé chez les disquaires, en 1991, Loreena McKennitt, native du Manitoba résidant en Ontario, avait fait ses classes.

Passionnée de musique celtique, elle avait appris à manier la harpe et développé son premier public en jouant dans les rues avant de fonder en 1985 sa propre étiquette, Quinland Road, sous laquelle tous ses albums ont été lancés.

Des disques, elle en avait trois à son nom au début des années 90. La demande était là, le public répondait présent… Et des décisions s’imposaient pour celle qui a alors signé un contrat de distribution, mais de distribution seulement, avec la compagnie Warner.

«Je crois, et c’est quelque chose que j’ai appris très tôt, que ma carrière n’aurait pas grandi comme elle l’a fait si j’avais laissé mes affaires dans les mains d’un autre gérant. Je pense que les gens, incluant les compagnies de disques, ne comprenaient pas ce que cette musique était», observe Loreena McKennitt, qui finançait déjà elle-même ses projets et qui a vendu au fil des ans quelque 14 millions d’albums à travers le monde.

«J’avais besoin de partir des racines, de jouer dans la rue, d’organiser mes propres tournées de 1985 à 1991 pour leur montrer qu’un autre modèle d’affaires qui pouvait fonctionner. Pour prouver qu’on n’avait pas besoin d’écrire des hits pour avoir une carrière en santé», ajoute la musicienne, citant le sourire dans la voix sa chevelure rousse, sa détermination et une «ferme diplomatie» comme atouts de négociation.

«Bien sûr, les circonstances sont différentes à notre époque numérique, nuance-t-elle toutefois. Cette trajectoire ne serait sans doute plus possible pour quelqu’un comme moi.»

REVISITER THE VISIT

Loreena McKennitt a profité de la pandémie pour rentrer dans ses terres, une pause qu’elle se promettait déjà. En 2019, elle avait fait part de son désir de se retirer pour un moment de la scène afin de se recentrer sur sa vie personnelle et sur des causes caritatives qui lui sont chères.

«Je n’étais pas prête à dire que c’était la fin. Mais depuis quelques années, je remarquais que le monde était en train de changer, de devenir un endroit plus inquiétant. On songe à la crise climatique ou à la situation politique qu’on a observée chez nos voisins du Sud, puis dans notre pays et ailleurs», explique telle.

«D’un point de vue externe, je commençais à me sentir un peu inconfortable, reprend la musicienne. Je me demandais quelle était ma responsabilité dans tout ça et si le fait de me produire devant public ne servait que ma propre carrière, ma gratification personnelle.»

L’appel de la musique s’est de nouveau fait entendre, même s’il fallait patienter, COVID oblige, pour renouer avec le public.

En attendant, Loreena McKennitt a plongé dans ses souvenirs pour faire paraître l’automne dernier le coffret The Visit : The Definitive Edition, annonciateur d’une tournée qui s’arrêtera notamment à Québec, à Ottawa et à Sherbrooke.

Un spectacle du temps des Fêtes a également été gravé sur l’album Under a Winter’s Moon, alliant musique et narrations, attendu le 18 novembre.

La musicienne garde un souvenir attendri l’époque The Visit où, à la mi-trentaine, ses recherches la menaient de voyages en trouvailles.

«Ç’a été mon tremplin créatif, tranche-t-elle. J’ai toujours avancé avec une sorte d’impatience pour voir jusqu’où je pourrais aller et de quelles manières je pouvais m’éloigner de la manière traditionnelle de jouer de la musique celtique.»

Loreena McKennitt reconnaît que son chapeau d’administratrice l’empêche de consacrer autant de temps qu’elle le voudrait à la musique et à la création. Elle évoque notamment le coronavirus qui continue de lui donner du fil à retordre, alors qu’elle vient de repousser de nouveau un passage en Europe prévu cet hiver.

«Dans les arts de la scène, aucune compagnie d’assurance ne va couvrir les annulations en cas de COVID, explique-t-elle. Pour une tournée comme ça, la location de camions, d’autobus et d’équipements représente environ 500 000 $, avant qu’on ait mis un pied sur scène. C’est un grand risque si je devais tomber malade.»

N’empêche… Loreena McKennitt, appuyée d’une petite, mais précieuse équipe, ne regrette pas d’avoir gardé depuis près de 40 ans les commandes bien en main.

«Dans tous les choix qui nous sont offerts quand on avance dans un parcours, ce sont parfois les choses qu’on choisit de ne pas faire qui deviennent les plus importantes, croit-elle. En ce qui me concerne, je pense que ça s’est passé quand je n’ai pas renoncé à gérer ma carrière moi-même.»

Loreena McKennitt se produira au Grand Théâtre de Québec les 5 et 6 octobre, au Centre national des arts d’Ottawa le 7 octobre et à la salle Maurice-O’Bready de Sherbrooke le 11 octobre.

LE MAG

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2022-10-01T07:00:00.0000000Z

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