PRENDRE LE TEMPS POUR RIMBAUD

Les poèmes de Rimbaud, magnifiés par la musique de Laurent Guardo et la voix de Daniel Lavoie.

C’est ce que propose le nouvel album La rivière de cassis, qui est, en quelque sorte, la suite de l’album La licorne captive, première collaboration entre le compositeur et le chanteur, intronisé, samedi dernier, au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens.

«C’est probablement en réalisant La licorne captive, sorti en 2014, que le projet Rimbaud est né. On avait fait deux chansons sur les textes de Rimbaud et on trouvait que, non seulement ça sonnait bien, mais ça ouvrait des portes vers un monde vraiment extraordinaire», raconte au bout du fil Daniel Lavoie.

Comme plusieurs jeunes de sa génération, il s’est initié au célèbre poète du XIXe siècle alors qu’il faisait son cours classique.

«Je l’ai découvert sur le banc d’école à 17 ans. Je ne peux pas dire que je connaissais ses poèmes par coeur avant de plonger

dans ce projet, mais chaque fois que je le lisais, j’étais heureux», raconte-t-il.

La sélection des poèmes de Rimbaud, écrits au début des années 1870, a été faite par Laurent Guardo. «Rimbaud a écrit ces poèmes alors qu’il avait 19 ans. Il était d’une lucidité fulgurante pour son âge. Il avait compris des choses que beaucoup de monde ne comprenne pas après 60 ans.

«Et en même temps, il avait toute la fraîcheur de la jeunesse. Ses poèmes ne sont pas trop pensés ni réfléchis, ce sont de gros coups de lumière. Le mélange d’énergie brute et de génie le rend pertinent encore 150 ans plus tard», souligne le chanteur de 73 ans, qui souligne qu’il a un penchant pour le poème Le dormeur du val.

«Ce texte rejoint en quelque sorte ma chanson Ils s’aiment puisqu’ils traitent tous les deux de l’absurdité de la guerre. Rimbaud le prend d’un autre angle et cet angle est extrêmement touchant et bouleversant.

«Le texte nous induit en erreur pour ensuite nous en envoyer plein la gueule. C’est très bien fait», explique Daniel Lavoie.

HUIT ANS POUR FAIRE UN DISQUE

L’album La rivière de cassis a été enregistré sur huit ans, entre 2014 et 2022. «Ce n’est pas que Laurent travaille lentement : c’est qu’il est extrêmement méticuleux et exigeant envers lui. Et il fait tout lui-même. Il compose, enregistre, mixe et joue la plupart des instruments qui sont sur ce disque.

«Et comme ce n’est pas un projet commercial, notre intention n’étant pas de faire un disque pop, nous avons pris le temps de faire quelque chose de beau et poétique qui soit digne des mots de Rimbaud», explique le Franco-Manitobain.

Pour Laurent Guardo, compositeur, arrangeur et multi-instrumentiste de toutes les chansons proposées sur cet album, l’ensemble du projet prend la forme d’un hommage à la voix de Daniel Lavoie.

«Laurent en dit toujours beaucoup sur moi, répond le chanteur en riant. Je pense qu’il aime beaucoup ma façon de chanter. Je ne peux que le prendre comme un grand compliment, parce que Laurent est un grand musicien avec une excellente oreille.»

Les 13 chansons de l’album sont interprétées par Daniel Lavoie, sauf la pièce-titre, qui est chantée par Bruno Pelletier. Ce dernier est aussi sur la chanson L’éternité, avec Daniel Lavoie, tandis que Nanette Workman peut être entendue sur Aube.

INTRONISATION AU PANTHÉON

Aucun spectacle n’est prévu pour le moment pour La rivière de cassis. Par contre, l’auteur-compositeur-interprète qui cumule 50 ans de carrière et environ 24 albums (il ne les compte plus) à son actif entamera une tournée en solo au Québec en avril 2023, notamment pour les 40 ans de l’album Tension attention.

«Ce sera un spectacle de best of», précise-t-il.

Vivant désormais en Italie, Daniel Lavoie était de passage cette semaine au Canada pour faire la promotion de La rivière de cassis, mais aussi pour participer à la cérémonie, à Toronto, qui officialisait son intronisation au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens.

«C’est très flatteur d’être aux côtés de David Foster, Bryan Adams, Alanis Morissette. J’étais fier et content pour tous ceux qui ont travaillé avec moi au fil des ans, parce qu’on ne fait pas une carrière tout seul, mais avec beaucoup de monde qui croit beaucoup en nous et nous consacre beaucoup de temps.

«J’accepte cette reconnaissance autant pour eux que pour moi», note-t-il humblement.

Son plan pour les prochains mois : faire de la cuisine, écrire des chansons, se reposer et profiter de la vie. En Italie.

Sa réaction à la récente victoire de Giorgia Meloni aux élections dans son pays d’accueil?

«C’est certain que je n’ai jamais été de droite et je ne suis pas particulièrement enchanté qu’elle soit élue, mais Berlusconi, qui était aussi de l’extrême droite, n’a pas réussi à faire grand dommage. Je sens qu’elle ne réussira pas non plus.

«Les Italiens restent des Italiens et il y a une histoire de balancier. Peut-être qu’elle va nous surprendre et qu’elle a dit des choses qu’elle n’a pas l’intention de faire pour se faire élire. On verra.»