LeSoleilSurMonOrdi.ca

À VÉLO SUR LES ÎLES D’ARAN

JONATHAN CUSTEAU CHRONIQUE jonathan.custeau@latribune.qc.ca

Pleuvra? Pleuvra pas? La question s’impose presque chaque matin, en Irlande, au moment de planifier la journée. Les menaces du ciel gris sont tellement courantes qu’on accepte d’emblée qu’on finira probablement trempé un de ces quatre. Mais pour certaines expéditions, où les abris couverts ne sont pas légion, mieux vaut espérer une journée lumineuse. Comme pour aller aux îles d’Aran, dans l’ouest du pays, au large de Galway, pour voir entre autres de vieilles forteresses de pierre.

Pour les voyageurs en solo comme moi qui parcourent l’Irlande en bus ou en train, l’envie est forte de jumeler un tour guidé des falaises de Moher avec une courte excursion sur l’une des trois îles, généralement la plus petite, Inisheer. Tout le transport est alors pris en charge. En été, quand les précipitations promettent de se tenir loin, ce tour affiche toutefois complet rapidement. Une bénédiction, m’assure la réceptionniste de mon auberge : les îles méritent au moins une journée à elles seules. Et elle a bien raison.

Une navette coûtant une quarantaine d’euros lie Galway au petit port de Rossaveal, 38 kilomètres plus loin. Le prix inclut également le traversier, qui met à son tour quarante minutes pour rallier la plus grande des îles, et aussi la plus visitée : Inishmore. Les excursionnistes descendent alors dans le petit village de Kilronan, où se trouvent une épicerie, quelques boutiques de souvenirs, une poignée d’hôtels et un bureau de location de vélos.

Pour le confort, certains optent pour la navette motorisée ou la calèche. Mais l’autonomie sur deux roues, pour 20 euros, me paraissait beaucoup plus satisfaisante. En allongeant quelques euros supplémentaires, on peut offrir un répit à nos mollets avec une bécane électrique.

Après avoir récupéré à la seule épicerie le nécessaire pour un futur pique-nique, je me suis élancé vers l’ouest sur la route étroite traversant l’île en son centre. Inishmore mesure environ 14 km de longueur contre 4 km de largeur. Évidemment, la dénivellation est moins importante sur le sentier côtier. Il est recommandé pour les novices, les familles et les groupes. Mais les coups de pédale supplémentaires pour grimper le milieu de l’île valent bien les points de vue en contrebas et les aperçus de la vie isolée des insulaires.

Il suffit d’une dizaine de minutes pour avoir envie de s’arrêter devant les ruines d’une première église et de s’approcher des deux seules pierres tombales dressées sur le même terrain.

Les arbres ne sont pas légion sur Inishmore, où des murets de pierre divisent tout le paysage de steppes. Ainsi, la tour jouxtant le fort Dun Eochla, qu’on croit construit à l’époque médiévale, n’a nulle part où se camoufler. On la voit de loin et on l’atteint en grimpant encore un peu plus haut, la bicyclette à nos côtés. Le pavé, qui laisse place à la rocaille, présente une pente beaucoup trop escarpée qu’on ne voudra pas redescendre sur le vélo non plus. Mes freins n’ont pas particulièrement apprécié l’épreuve, qui s’est heureusement conclue sans la moindre goutte de sang. Marcher jusqu’à la forteresse elle-même peut présenter un défi en raison de l’herbe longue et du sol inégal.

La randonnée s’est poursuivie, ponctuée d’un dialogue avec des ânes curieux, jusqu’à une petite plage étonnamment achalandée malgré le temps loin d’être caniculaire.

De là, les hautes falaises où est construit le plus vieux fort de pierres d’Europe, Dun Aonghosa, ne sont plus bien loin. Idem pour les ruines de Na Seacht dTeampaill, les sept églises. On y trouve deux bâtiments datant des 8e et 13e siècles, de même que des pierres tombales portant des inscriptions des 8e et 9e siècles.

TROP COURT

Les forts sont nombreux sur l’île, mais aussi tout au long de la côte ouest de l’Irlande, entre Donegal et Kerry. On ignore encore l’usage exact de ces constructions, mais on présume qu’elles ont servi à la fois d’habitations et de lieux de rituels.

Mine de rien, en tenant compte du transit depuis et vers Galway, la journée passe à une vitesse folle, il est rapidement temps de rentrer au village de Kilronan si on veut éviter de rater le traversier du retour. D’un coup, les cinq ou six heures sur l’île paraissent beaucoup trop courtes. Dire que je caressais l’idée d’une plus brève escale encore.

Si c’était à refaire, je planifierais probablement une nuit sur l’île, où le calme inonde le village une fois les excursionnistes d’un jour partis. On peut sans doute goûter ainsi l’isolement qu’ont vécu ses habitants jusqu’au 20e siècle, quand le développement des transports leur a permis de rallier le continent beaucoup plus facilement. Outre le tourisme, c’est la pêche qui constitue encore la principale source de revenus des insulaires.

Avant de partir, si le temps, et surtout le budget, le permet, le visiteur peut se procurer un tricot traditionnel des îles d’Aran, unique pour ses motifs de mailles texturées qui ont parfois une signification religieuse. Ces chandails étaient autrefois faits de laine qu’on ne lavait pas, pour qu’elle garde les huiles naturelles du mouton et qu’elle conserve ainsi certaines propriétés imperméables.

Visiter une des îles d’Aran constitue ainsi un excellent prétexte pour flâner, pour se plonger dans une atmosphère un tantinet mystique, aussi, et pour se sentir loin des foules animant les charmantes villes irlandaises. Inishmore est assurément mon principal coup de coeur dans toute l’Irlande.

LE MAG

fr-ca

2022-10-01T07:00:00.0000000Z

2022-10-01T07:00:00.0000000Z

https://lesoleil.pressreader.com/article/283867282114200

Groupe Capitales Media