SOUPE & CIE : L’AUTOMNE À LA CUILLÈRE

C’est la saison des soupes, et j’en suis ravie! Pour accueillir l’automne dans les règles de l’art, je suis allée plonger ma cuillère dans les bols de Soupe & Cie, qui renaissait récemment de ses cendres.

Ce n’est pas une figure de style : le resto de la 3e Avenue, à Limoilou, a été victime d’un incendie en octobre 2020. Il n’a pas rouvert durant la pandémie, et ce n’est qu’en août dernier qu’il a accueilli de nouveau ses fidèles clients.

Ceux-ci sont nombreux et enthousiastes en ce mardi soir frisquet qui ne demande qu’à être réchauffé par un bouillon odorant. Mon amie Karine et moi avons presque de la misère à nous entendre dans la salle animée de vives discussions, dont la déco n’a pas changé après les travaux : mur de briques, longue banquette surchargée de coussins multicolores, grosses bûches vernies en guise de sièges, louchesportemanteaux… En cuisine, les copropriétaires Natacha Thériault et François Bouchard (qui se qualifient de «monteurs de soupes» et non de chefs) s’activent au-dessus des chaudrons fumants.

Karine consulte la carte des vins, courte mais de qualité : ce n’est pas un mardi qui arrêtera son envie de mousseux. Elle commande un Tète Nat’ 2021, et lorsqu’elle reçoit son verre, elle s’enthousiasme devant les bulles fines de ce pétillant naturel de la Loire. Moi, je m’en tiens à l’eau, l’esprit encore embrouillé par le décalage horaire — je reviens de vacances.

Durant toute la journée précédant ce souper, je me suis juré que j’allais prendre autre chose que la soupe indienne, mon coup de coeur qui me réjouit chaque fois avec son enivrant mélange d’épices, ses morceaux de fromage halloumi, ses noix de cajou et ses pois verts. Alors que je parcours le menu, qui offre toujours un beau tour du monde en bols, ma favorite me fait les yeux doux, mais je résiste et commande une soupe libanaise, que je n’ai jamais goûtée. Karine aurait voulu une ramen, mais il n’y en a plus; elle se rabat sur la suisse, un tout autre genre, beaucoup plus riche.

TOUJOURS DU CROQUANT

Avant le liquide, nous commençons avec un brin de solide, soit deux tartares servis dans de petits cornets de papier, l’un au boeuf et l’autre aux deux saumons. Les coupes sont belles, mais il manque de liant à mon goût. Nous notons aussi de légers déséquilibres : trop de menthe dans le premier, ce qui nous empêche de goûter le fenouil et le citron (originaux dans un tartare de boeuf), et trop de wontons frits et d’huile de sésame dans le second. Quand même, nous les mangeons jusqu’au dernier morceau.

La serveuse — d’une extrême gentillesse tout au long du repas, il faut le souligner — nous apporte rapidement nos soupes-repas. La mienne combine riz, tranches de citron, morceaux de poulet ainsi que des pignons de pin rôtis qui apportent du croquant et un agréable goût de grillé. Son bouillon à la cannelle et à la muscade manque un peu de pep, cependant. Je le sale allègrement et l’arrose de gouttes de sriracha, et voilà qu’il se réveille, les nuances de ses saveurs fleurissant soudain sur ma langue.

Servie dans une casserole en métal, la soupe suisse a des airs de soupe à l’oignon avec sa couche de fromage gratiné. Mais une fois qu’on explore dessous, on découvre plutôt un bouillon de jambon où domine — un peu trop — le romarin, enrichi d’orge perlé, de morceaux de jambon braisé et de croûtons grillés. Comme les pignons de pin dans ma soupe, ceux-ci ajoutent de la

texture à ce plat bourratif, que Karine finira le lendemain sous forme de lunch réconfort.

Malgré nos estomacs plus que remplis, nous partageons une soupe-dessert au caramel, à la vanille et à la fleur de sel. Pas trop sucrée, à base de lait et servie température pièce, elle offre elle aussi des surprises à se mettre sous la dent : tapioca géant, amandes hachées, petits fruits.

Alors que nous sortons dans le froid revigorant de septembre, j’observe de l’extérieur ce cocon chaleureux et coloré, et je souris en songeant que le feu n’aura pas éteint son âme, toujours intacte.