LeSoleilSurMonOrdi.ca

AIDE SOUS HAUTE TENSION

Inflation, baisse des dons, hausse des familles dans le besoin : à l’aube de Noël, les banques alimentaires n’ont pas le coeur à la fête.

JUSTIN ESCALIER jescalier@lesoleil.com

À quelques semaines des Fêtes, les temps sont durs pour les banques alimentaires de la région. L’inflation, la baisse des dons et la hausse du nombre de familles dans le besoin viennent compliquer les choses.

«On est passé de 35 000 demandes quotidiennes avant la pandémie à 68 000», a confié au Soleil la présidente de Moisson Québec Élaine Côté, pour illustrer la situation.

Même constat du côté de l’organisme La Bouchée Généreuse. Les demandes sont passées de 450 à 650 paniers par jour ces derniers mois.

Plus que jamais, les banques alimentaires et les organismes de bienfaisance de la région de Québec se trouvent sollicités, alors que l’inflation frappe durement le portefeuille des Québécois. Les protéines, fruits et légumes coûtent plus cher et même la laitue a atteint des prix exceptionnels.

C’est aussi le cas du côté des vêtements, notamment pour les enfants.

Cette situation se reflète directement sur les dons, confirment différentes organisations. Le début du mois de décembre marque généralement le départ de la récolte des denrées chez les organismes d’aide alimentaire.

Selon des données de l’Institut national de la santé publique, un adulte sur quatre vit dans un ménage en situation d’insécurité alimentaire, et la proportion de personnes vivant dans un ménage en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave est passée de 5 % en 2019 à 13 % en 2022.

APPROVISIONNEMENT DIFFICILE

En plus de jongler avec l’augmentation du nombre de familles ou d’individus dans le besoin, les banques alimentaires ont aussi de plus en plus de difficultés à s’approvisionner à moindre coup. La facture est aujourd’hui beaucoup plus salée.

Par ailleurs, les grandes chaînes de supermarchés, qui avaient tendance à fournir aux organismes la plupart de leurs aliments invendus, ont réduit leurs dons.

«Les épiceries gèrent mieux leur stock, elles ont moins d’invendus», note Élaine Côté, présidente de Moisson Québec.

Un constat que partage le président de la Société Saint-Vincent-de-Paul Jean-Luc Lavoie, qui lie cette baisse des dons d’invendus aux programmes antigaspillage mis en place par les distributeurs depuis quelques années.

Les dons de nourriture offerts par des particuliers suivent eux aussi une pente descendante, et «même si les gens répondent aux campagnes de dons, ils n’ont peutêtre plus les moyens de donner», estime Élaine Côté.

Pour compenser, les organismes se voient obligés d’acheter de la nourriture à leurs frais. Moisson Québec a par exemple déboursé près 1,3 million $ en 2022 pour subvenir à la demande, une augmentation de près de 650 % qui rend la stratégie «valable à court terme seulement», prévient la présidente.

PLUS D’AIDE

Pour pouvoir tenir le rythme de ces dépenses particulièrement élevées, les organismes de bienfaisance ont besoin de financement. Outre les collectes de fonds traditionnelles, elles se tournent désormais vers le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) pour obtenir des subventions. Le ministère a déjà octroyé une première enveloppe de 3 millions $ en décembre 2021 à l’organisme Les Banques alimentaires du Québec, complétée par un deuxième versement de 3 millions $ pendant l’été 2022.

Mais ces subventions gouvernementales ne suffiront pas à inverser la hausse de fréquentation des banques alimentaires, croit Anne Gravel, directrice adjointe de La Bouchée Généreuse.

«On voudrait que les prix des denrées alimentaires soient gelés dans les prochains mois pour lutter contre l’inflation. Car les 600 $ promis par le gouvernement permettront au ménage de souffler un peu, mais ce sera très court», selon elle.

Anne Gravel propose aussi de valoriser les programmes de crédit d’impôt dont peuvent bénéficier les agriculteurs qui décident de faire don d’une partie de leur production à des organismes de charité. «Ce n’est pas toujours connu comme démarche, mais c’est facile à faire», indique la directrice adjointe de La Bouchée Généreuse.

Le crédit d’impôt correspond à la valeur marchande de la marchandise donnée.

PÉNURIE DE BÉNÉVOLES

Certaines banques alimentaires ou organismes de bienfaisance parmi les plus importantes de la région doivent aussi affronter une véritable pénurie de bénévoles. C’est le cas par exemple de la Société Saint-Vincent-de-Paul, qui vit de plein fouet le vieillissement de la population et peine à recruter de nouveaux bras.

«La moyenne d’âge est de 70 ans», déplore Jean-Luc Lavoie, qui ne peut que constater les difficultés de recrutement et de formation de la relève.

Cette baisse du nombre de services entraîne de fait une baisse du nombre de points de service. Dans le cas de la Société Saint-Vincentde-Paul, plus d’une dizaine de points de services ont mis la clé sous la porte ces dernières années, alors que les demandes d’aide alimentaire n’ont fait que croître en parallèle.

LA UNE

fr-ca

2022-12-03T08:00:00.0000000Z

2022-12-03T08:00:00.0000000Z

https://lesoleil.pressreader.com/article/281547999917621

Groupe Capitales Media