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10 % DE COVID LONGUE?

JEAN-FRANÇOIS CLICHE jfcliche@lesoleil.com

L’AFFIRMATION

«Selon plusieurs études, autour de 10 %, voire 20 % de ceux qui ont attrapé la COVID feraient la forme longue de la maladie. La durée peut varier de 6 mois à 2 ans ou plus et les gens atteints de COVID longue sont souvent incapables de fonctionner normalement. Si ce 10 % est réel, ça va empirer la présente pénurie de main-d’oeuvre. Alors quelle est la validité de ce chiffre?» demande Philippe Hurez, de Lévis.

LES FAITS

L’idée qu’un virus puisse causer des symptômes qui s’étirent dans le temps, jusqu’à plusieurs mois après l’infection, n’est pas particulièrement étonnante. On connaît d’autres microbes qui en sont capables, que ce soit parce qu’ils persistent dans l’organisme ou à cause des dommages ou dérèglements qu’ils provoquent.

Tout indique, cependant, que les séquelles à long terme sont plus fréquentes avec la COVID qu’après d’autres maladies infectieuses. Une étude allemande parue cet automne dans la revue médicale BMJ Open [http://bitly.ws/

xkXP] a trouvé que, par exemple, 9,9 % des gens qui avaient eu la COVID avaient encore le souffle court au moins 12 semaines après leur infection, contre 5,1 % pour les patients qui avaient attrapé un autre virus respiratoire, et 3,2 % dans un «groupe contrôle» qui n’avait pas été malade. Et c’est pareil pour bien d’autres symptômes.

Maintenant, pour répondre à la question de M. Hurez, il y a deux choses à regarder. Le chiffre de 10 % lui-même, d’abord. Et ce qu’il comprend, ensuite.

Il est difficile de statuer sur la fréquence exacte de la COVID longue parce qu’il y a beaucoup d’études à son sujet qui arrivent à des résultats pas mal différents. Certaines indiquent que 40 % [http://bitly.ws/xkZD], voire plus de 50 % [http://bitly.ws/xm2Q] des gens infectés par le SRAS-CoV-2 font une forme persistante de la maladie, alors que d’autres suggèrent que ce ne serait que quelques pourcents.

Ces écarts s’expliquent par le fait qu’il n’existe pas, présentement, de définition bien établie de la COVID longue. Dans certains travaux, les symptômes qui persistent plus de 3, 4 semaines sont comptés comme de la «COVID longue», alors que d’autres placent la barre à 12 semaines. La liste des symptômes considérés varie aussi beaucoup d’une étude à l’autre, allant d’une poignée à plus de 200 dans certains cas [http://bitly.ws/xm3Y]. Sans compter le fait que ce ne sont pas toutes les études qui ont des «groupes contrôles» qui permettent la comparaison entre les gens qui ont eu la COVID et ceux qui ne l’ont pas contractée. Il est bien évident que quand on mesure des symptômes relativement fréquents (fatigue, maux de tête, etc.), cela peut faire une grosse différence.

Cela dit, cependant, on peut quand même dire ceci au sujet du chiffre de 10 % : il semble assez plausible. Une des études les plus solides [http://bitly.ws/xmu5] qui ait été publiée à ce propos jusqu’à maintenant — présentée comme telle par la Société américaine des maladies infectieuses [https://bit. ly/3OV2DB7] et dans un commentaire de la revue médicale The Lancet [http://bitly.ws/xmtS]— est arrivée cet été à la conclusion que 12,7 % des gens atteints de la COVID traînaient encore un ou des symptômes de 3 à 5 mois après leur infection. Notons que cet article avait, entre autres forces, l’avantage d’avoir un groupe contrôle et d’avoir tenu compte du fait que, chez une partie des patients, certains symptômes étaient déjà présents «avant» d’attraper le SRAS-CoV-2.

Peut-être que, quand on aura une définition plus claire de la COVID longue, de futures données invalideront ce 10-12 % et arriveront à des taux plus faibles, ou plus élevés, que cela. On verra. Mais compte tenu de ce qu’on sait à l’heure actuelle, cela semble être une approximation raisonnable.

Maintenant, il faut aussi savoir que ce pourcentage inclut. Il y a là-dedans, bien sûr, des gens qui demeurent très handicapés à long terme — toujours très fatigués, par exemple. Ce sont les cas «classiques» de COVID longue, dont on parle souvent dans les médias, qui ont beaucoup de mal à fonctionner comme ils le faisaient avant d’attraper le coronavirus et qu’on ne sait malheureusement pas trop comment aider.

Cependant, les pourcentages que l’on voit dans toutes ces études incluent beaucoup d’autres choses que cela. Souvent, juste le fait de garder un seul symptôme suffit. Si bien que quand on dit qu’une étude a trouvé 10 ou 20 % de «longue COVID», cela ne signifie pas que tous ces gens sont lourdement affectés.

Pour une bonne partie d’entre eux, c’est moins dramatique que cela — même si on s’entend que de traîner une toux, un mal de tête ou d’autre chose du genre pendant des semaines, voire des mois, peut finir par être pas mal plus qu’un «petit désagrément».

Ainsi, une revue de 10 cohortes anglaises parue l’été dernier dans Nature Communications [http://bitly.ws/xmvg] a trouvé un ou des symptômes persistants (12 semaines et plus) chez entre 7,8 et 17 % des gens infectés. Du nombre, seulement 1,2 à 4,8 % rapportaient des symptômes «incapacitants» — mais compte tenu du grand nombre de personnes qui ont attrapé la maladie, cela fait quand même beaucoup de monde…

VERDICT

Possible. On ne peut pas encore le dire avec certitude parce que la science n’a pas encore accouché d’une définition claire de ce qu’est, au juste, la «COVID longue», mais les résultats décrits comme parmi les plus solides suggèrent que, oui, cela pourrait survenir à environ 10 % des gens infectés. Il faut toutefois garder en tête que cette proportion n’inclut pas que des cas lourds.

LA UNE

fr-ca

2022-12-03T08:00:00.0000000Z

2022-12-03T08:00:00.0000000Z

https://lesoleil.pressreader.com/article/281578064688693

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