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LES QUÉBÉCOIS ET L’ARGENT : UN DERNIER RELENT CATHO

DANIEL GERMAIN CHRONIQUE dgermain@cn2i.ca

Je réfute cette idée qu’au Québec, on serait moins bons qu’ailleurs avec l’argent à cause de notre historique religieux. Vous savez, ces racines «judéochrétiennes» qu’on évoque chaque fois qu’on tente d’interpréter un malaise financier ou une occasion d’affaires manquée.

Sur le plan entrepreneurial, on n’a plus de complexes à avoir. Quant à nos connaissances en littératie financière et à nos compétences en investissement, on a encore des croûtes à manger, mais pas plus que les voisins, alors cessons d’en imputer la faute aux curés.

Où voulais-je en venir déjà? Ah oui!

J’ai récemment fait référence à la série Avant le crash, de Radio-Canada. Richard Therrien peut dormir tranquille, je ne convoite pas sa job, mais je me permets cette critique : c’était bien bon, j’ai dévoré. L’oeuvre témoigne du progrès indéniable qu’on a réalisé dans nos rapports avec le secteur financier. Nous autres, Québécois, on peut se montrer aussi fourbes qu’un courtier new-yorkais quand il y a de l’argent et notre ego sur la table. Et on ne se gêne pas pour le porter à l’écran.

Sauf un bout, je dirais. On y trouve une intrigue qui dégage encore un petit relent de soutane : cet émoi et tout le débat moral autour de la police d’assurance vie d’un cancéreux joué par Marc Messier. (Attention, divulgâcheur! Pour vous dire comment j’adore Marc Messier, j’aurais préféré que son personnage survive à celui de Karine Vanasse).

De quoi est-il question? Un ancien bonze de la finance (Marc Messier) est atteint d’un cancer qui augure mal. À court d’argent, il risque de rater le paiement de primes sur une grosse police d’assurance vie, un contrat assorti d’un capital-décès de deux millions de dollars, si je me souviens bien.

Vous savez ce qui se passe quand on manque des échéances? La police tombe en déchéance, et une bonne partie de l’argent déboursé au fil des ans est perdue. C’est fâcheux, surtout si près de la mort.

Le malade demande à son fils (Benoît Drouin-Germain), le bénéficiaire, de prendre le relais dans le versement des primes. Ce dernier refuse sous prétexte que ça équivaudrait à parier sur le décès de son bien-aimé paternel, alors que son voeu le plus cher est que le cancéreux triomphe de son affection. (Amen!)

L’assuré convainc l’ami du fils (Éric Bruneau), dans les problèmes financiers jusqu’aux oreilles, de prendre sur lui une partie des paiements. En contrepartie, ce dernier apparaîtra au contrat comme cobénéficiaire de l’assurance vie. C’est une belle occasion de se refaire, mais le pari est périlleux, car les primes sont chères. Si le personnage de Marc Messier tarde à mourir, celui d’Éric Bruneau s’enfoncera davantage dans la dèche. Sans trop aller dans les détails, d’autres personnages se greffent à ce filon marqué par la cupidité et les remords.

Il y a dans cette intrigue un dilemme moral (celui du fils) qui n’a pas lieu d’être, mais sans ce conflit intérieur, j’avoue que l’histoire serait moins intéressante et que la production aurait été contrainte de couper un épisode ou deux.

Ce qu’il faut souligner, c’est que le personnage de Marc Messier reste lucide malgré un pronostic défavorable, les traitements et la fatigue. Il voit clair. Il dira en substance à ceux qu’il tente d’impliquer dans son affaire : «Tu ne pourras pas faire de meilleurs placements!»

Il a raison : reprendre une vieille assurance vie peut s’avérer un sacré bon investissement.

Une telle histoire n’est pas le pur fruit de l’imagination des scénaristes Kim Lizotte et Éric Bruneau. La réalité offre plein d’exemples, souvent avec des assurances moins importantes. Comment ça se passe? Quelqu’un se laisse convaincre par un vendeur de souscrire une assurance vie entière (à ne pas confondre avec une police temporaire), sous prétexte que ça fera un bel héritage aux enfants ou que ça aidera à couvrir les impôts de sa succession. L’assuré débourse des primes durant des années, aussi longtemps qu’il a les moyens, pendant sa vie active. Puis un moment donné, il prend sa retraite, son budget est un plus juste, et les coûts de sa police lui apparaissent de plus en plus lourds. Il lâche.

Tout son argent versé en primes au cours des années, à tout le moins une bonne partie, sera perdu. Le bénéficiaire, c’est-à-dire celui à qui est destiné le capitaldécès, aurait souvent intérêt à prendre le relais. Les primes qu’il déboursera sont susceptibles de lui rapporter un rendement des plus intéressants, quoiqu’il le connaîtra seulement le jour du décès de l’assuré, quand il encaissera ce capital prévu au contrat, libre d’impôt.

Ça ne vaut pas toujours la peine, et pour le savoir, les services d’un actuaire peuvent être utiles. Si le contrat est trop récent, si les primes augmentent chaque année (non nivelées), si l’assuré a devant lui une longue espérance de vie, abandonner la police pourrait s’avérer le choix le plus raisonnable.

Si la question se pose chez vous, laissez de côté les émotions. Demandez-vous : à ce stade-ci, serait-ce rentable de maintenir l’assurance. Ça ne doit pas être perçu comme un pari sur la mort, mais comme une décision financière. Un investissement.

Je vous parlais de dons de charité, l’autre jour. Si personne ne peut reprendre le paiement des primes, sachez que ça pourrait intéresser une fondation. Elle procédera à une analyse actuarielle, et si c’est avantageux pour elle, elle poursuivra les versements jusqu’à ce que le donateur s’éteigne, en échange du capital-décès.

L’assuré aura droit à un crédit d’impôt basé sur la valeur marchande du contrat.

C’est mieux que d’abandonner le fric à l’assureur, non?

AFFAIRES

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2022-12-03T08:00:00.0000000Z

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