QUE SE PASSE-T-IL AVEC DUBUC MOTORS?

On entend très peu parler de Dubuc Motors qui, il y a quelques années, voulait se positionner comme l’un des premiers constructeurs automobiles québécois. Que s’est-il passé depuis 2018?

AU VOLANT

Et pourquoi 2018? C’est l’année à laquelle tout semblait bien aller pour la firme cofondée par Mario Dubuc et Mike Kakogiannakis. En avril 2018, il était question d’ouvrir une usine de production de plus de 100 000 pieds carrés dans le parc industriel de Saint-Augustin-deDesmaures, près de Québec.

Six mois plus tard, l’entreprise signait une entente à long terme avec la firme américaine d’investissement, de valeurs mobilières et de gestion de patrimoine Maxim Group LLC. Cette entente devait faire passer Dubuc Motors à un niveau supérieur.

L’été précédent, l’entreprise avait annoncé un partenariat avec Xnergy Financial LLC pour une prévente de 3 millions d’actions à 2 $US chacune. Avant cela, la firme avait tenté de vendre des actions par l’entremise d’une plateforme de sociofinancement, StartEngine. Elle avait réussi à obtenir 7 millions $US auprès de plus de 750 investisseurs.

En 2019, le constructeur souhaitait fabriquer 250 véhicules sur lesquels 25 personnes auraient été mises à contribution. On parlait même d’un chiffre allant jusqu’à 100 travailleurs.

LE TOMAHAWK

Avant de l’oublier, Dubuc Motors ambitionnait d’offrir un véhicule sport tout électrique du style 2 + 2 pouvant même accueillir des gars aussi plantés que des joueurs de football. Ce véhicule s’appelait Tomahawk.

Ce bolide se trouvait dans un marché de niche, celui «des athlètes et des grands gaillards de six pieds cinq pouces et de 285 livres», disait alors M. Dubuc. «Allez voir dans YouTube des vidéos de grands gars qui veulent entrer dans des voitures exotiques. Vous allez rire!» ajoutait-il.

Les données techniques coupaient le souffle. La puissance était estimée à 596 kilowatts (800 chevaux) et le couple, à 1356 newtons mètres (1000 livres-pieds). On prévoyait une autonomie de 595 km (370 milles) avec une batterie lithium-ion de 100 kilowatts-heures.

Le véhicule devait se vendre à partir de 125 000 $US (168 000 $), pour atteindre jusqu’à plus de 250 000 $US (336 000 $), selon les options commandées. Dubuc visait alors le Consumer Electronic Show (CES) de 2020 à Las Vegas pour dévoiler la version définitive du Tomahawk.

SOUS LA LOUPE DE L’AMF

Depuis 2020, il ne se passe plus grand-chose avec Dubuc Motors, car l’Autorité des marchés financiers (AMF) s’est questionnée sur les méthodes de financement préconisées par la firme. À un point tel que celle-ci et ses fondateurs s’exposent à amendes totalisant près de 300 000 $.

L’AMF reprochait entre autres à Dubuc et ses cofondateurs et à l’entreprise de ne «jamais avoir déposé de prospectus auprès de l’Autorité [...] ni avoir été inscrite à quelque titre que ce soit auprès de l’Autorité», selon un document public. Elle reprochait aussi le dépôt de documents incomplets et l’exécution d’activités non conformes à la Loi sur les valeurs mobilières.

D’après les deux cofondateurs, l’AMF s’est acharnée dans ce dossier. Entre temps, Mario Dubuc a quitté l’entreprise. Il a déclaré faillite en décembre 2019.

Le dernier développement dans le dossier s’est déroulé jeudi, alors que MM. Kakogiannakis et Dubuc ont participé à une audience de l’AMF pour faire une demande Rowbotham. Cette dernière permettrait à la firme de se faire représenter par un avocat rémunéré par l’État.

Les deux cofondateurs ne peuvent pas se représenter euxmêmes devant le Tribunal administratif des autorités financières qui oblige les personnes morales à engager un avocat pour leur défense. En temps normal, l’aide juridique ne peut pas être accordée à une personne morale.

«Cette réparation est nécessaire considérant, dans un premier temps, la complexité de la matière en question et en second lieu l’indigence de la compagnie», a écrit M. Kakogiannakis dans un courriel. Si Dubuc Motors obtient cette demande, il s’agirait d’une première.