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LES PEE-WEE UKRAINIENS ACCUEILLIS À BRAS OUVERTS

MIKAËL LALANCETTE mlalancette@lesoleil.com

Les trois semaines que durera le Tournoi international de hockey peewee de Québec ne mettront pas fin à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais les neuf familles d’accueil de la capitale qui hébergeront les joueurs de l’équipe ukrainienne feront tout de même leur part. Elles vont «redonner au suivant» en les dorlotant et en leur changeant les idées. Même si l’aventure sportive et sociale du club européen au Québec est excitante et exaltante, rien ne pourra leur faire oublier les histoires d’horreur qui ont lieu en territoire ukrainien, avertit l’entraîneur Yevgeny Pysarenko, qui voit tout de même dans ce voyage une inspirante démonstration d’espoir et de résilience.

«Ils vont peut-être l’oublier pendant quelques instants, mais ils vont toujours l’avoir en tête, dit-il. Ils vont continuer de parler à leurs familles. Les pères de certains d’entre eux sont au front, c’est la guerre en ce moment et les jeunes le savent. Ils ne pourront pas l’oublier, même s’ils vont parfois sourire.»

Le tour de force réalisé dans les derniers jours, c’est une «mission impossible» qui s’est transformée en «miracle sur glace», poursuit Pysarenko, sourire en coin. «On est prêt pour beaucoup d’émotions», ajoute le pilote en parlant du premier match de sa jeune formation contre les petits Bruins de Boston, le 11 février, à 11h45.

DE LARGES SOURIRES

Fatigués, les traits tirés, les jeunes joueurs ukrainiens, en exil dans plusieurs pays de l’Europe, ont franchi les portes du Centre Vidéotron un peu avant 20h, mercredi. Jumelés en paire dans neuf familles de la région, les jeunes de 11 et 12 ans ont rencontré les médias locaux, visité les lieux et quitté vers leurs maisons respectives après leur arrivée.

L’air assoupi, ils ont retrouvé le sourire lorsque les organisateurs du tournoi pee-wee, Patrick Dom en tête, les ont amenés à la hauteur des coursives du plus gros amphithéâtre de Québec. «C’est vraiment bien d’arriver enfin dans cette ville et ce pays, a réagi Maksim Kuharenko, encerclé de membres des médias. C’est une chance pour nous de vivre ça. Beaucoup de monde va venir nous voir, c’est vraiment cool.»

SHANNON OUVRE SON COEUR

Parmi leurs hôtes québécois, deux familles de Shannon, les Lamontagne et les Tessier. Complices, ces deux clans ont été remués par ce qu’ils ont vu à la télé et dans les médias depuis un an. S’ils ont décidé de faire leur part, c’est par pur altruisme.

Chez les Lamontagne, on promettait de prendre bien soin de Maksym Kuharenko et Ivan Bilozerov lors des trois prochaines semaines. Dès que l’équipe de hockey d’Alexis, du St. Patrick’s High School chez les M18 en D3, a lancé un appel à tous pour trouver des familles d’accueil, Diane Toy, son mari et ses enfants ont tendu la main aux Ukrainiens.

Il s’agira d’une première pour eux dans le cadre du tournoi pee-wee de Québec.

«Il n’y a personne qui est insensible à cette cause-là. On veut rendre ces enfants-là heureux pendant le temps qu’ils vont être ici. Juste de lire le courriel pour la demande de familles d’accueil, j’avais les larmes aux yeux, le coeur m’a craqué et j’ai voulu m’impliquer. C’est un bel événement qu’on va avoir dans notre coeur pour longtemps», mentionne Diane Toy.

FAIRE UNE DIFFÉRENCE

Leur fils Alexis, qui a participé au célèbre tournoi il y a trois ans, sans y connaître beaucoup de succès, aura la chance de revivre son rêve à travers ses deux visiteurs, qui peaufineront leur préparation avec son équipe dans les prochains jours.

«De pouvoir faire une différence dans leur vie et de les aider, alors qu’ils vivent quelque chose de très difficile, ça va être un sentiment incroyable, explique-t-il. Ça va être une expérience inoubliable pour eux, mais pour moi et pour ma famille aussi.»

Mme Toy, qui a étudié le russe à l’université, prévoyait «nourrir en masse» ses invités. «On va les sortir, leur faire faire des activés, juste être présent, les entourer, leur donner de l’amour. C’est la base», disait-elle, sous le regard approbateur de sa fille Mia, dont la première idée est de les initier au Tim Hortons!

DE L’AMOUR EN MASSE

Volontaires, les Tessier en seront à une deuxième expérience de famille d’accueil dans le tournoi, même si la présente s’annonce spéciale en raison du climat politique et social difficile qui règne dans le pays d’origine des joueurs qu’ils hébergeront. Peu importe, Martin Tessier, Annie Hamel et leur fille Alexandra se sont dit qu’ils ne «pouvaient pas passer à côté de ça».

«On peut envoyer de l’argent, mais ce n’est pas si concret, détaille Annie. De me dire : “Hé, je peux faire une différence dans la vie de ces jeunes-là”, c’est venu me chercher. On veut leur faire vivre de l’amour, de la joie et du hockey en masse, faire une différence au quotidien.»

Même s’ils ne savaient à peu près rien de leurs deux visiteurs, ils ne craignaient pas les risques d’une communication difficile ou de devoir surmonter une barrière culturelle quelconque. «Quand ils vont arriver chez nous, on va leur montrer le frigo, la salle de bain, leurs chambres. On va leur faire comprendre qu’ils sont chez eux et le reste, ça n’a pas d’importance», ajoute Mme Hamel.

Leur ville de Shannon participera à l’élan de générosité en levant la tarification de ses heures de glace aux joueurs ukrainiens, ces derniers étant invités à aller patiner gratuitement durant toute la durée de leur séjour.

UNE MISSION À LA MAISON

Non loin d’eux, François Rodrigue, sa conjointe France Laliberté et leur fils Félix attendaient à bras ouverts leurs deux jeunes Ukrainiens, Yehor Shraier et le gardien Heorhii Tretiak, du même nom que la célèbre légende des buts.

Le geste que M. Rodrigue a décidé de poser en ouvrant les portes de son domicile est en droite ligne avec sa carrière de 35 ans passée dans les Forces armées canadiennes, sur laquelle il s’apprête à tirer un trait définitif dans deux semaines. Déployé en Bosnie, en 1992 et 2001, et à Chypre, sa dernière mission aura en quelque sorte lieu chez lui, dans le confort de son foyer.

«Quand on parle du char d’assaut Leopard 2 [envoyé récemment par le Canada en Ukraine], j’ai été commandant de ce type de véhicule là, explique l’homme. Ça m’a touché directement. J’ai vu des jeunes en Bosnie qui étaient vraiment dans la misère, durant la guerre, et je me suis dit : “Si ça peut leur mettre un baume, pendant deux ou trois semaines, pour les Ukrainiens [je dois le faire]. C’est aussi une leçon de vie pour mes enfants.»

Éducatrice, sa femme France est habituée «de prendre soin des autres». Rien n’a été laissé au hasard par le couple RodrigueLaliberté, dont des provisions de produits de l’érable, gracieuseté de l’érablière familiale située à Saint-François-de-la-Rivièredu-Sud.

Le couple a aussi prévu initier leurs deux jeunes joueurs au plat national des Québécois constitué de frites, de sauce et de fromage, dont ils ne prononceront pas le nom, par respect, dans les prochaines semaines.

DU JAMAIS VU

Patrick Dom a vu neiger, mais en trois décennies d’implication dans le tournoi, le directeur général du tournoi n’a jamais senti autant d’engouement pour son événement. «Ça fait 32 ans, mais je pense que celui-là va être le top de tout ce que j’aurai vécu. De remplir le Centre Vidéotron pour des pee-wee qui arrivent de l’Ukraine, ça reste que c’est magique.»

Depuis qu’il a pu confirmer la présence des petits Ukrainiens, Dom a été submergé d’offres de toutes sortes. «Je pense que j’aurais eu 42 équipes ukrainiennes, j’aurais pu les loger les 42! s’étonne-t-il. Ça fera partie de mon livre, quand j’en écrirai un, les demandes que j’ai eues par rapport aux Ukrainiens. Ç’a toujours été fait de bon coeur, mais il faut contrôler. Je n’aurais jamais pensé qu’il y aurait un engouement comme ça.»

Des victuailles aux vêtements en passant par l’équipement sportif, tout lui a été proposé. Une autre preuve que «Québec est vraiment spéciale», ajoute Patrick Dom, qui invite les gens intéressés à faire des dons à la page GoFundMe ou au site de la Croix-Rouge.

Du reste, il attend impatiemment le premier match des Ukrainiens, le 11 février. Dom s’attend à faire salle comble et à devoir fermer le Centre Vidéotron en avant-midi.

«Je ne pense pas qu’ils savent ce qui les attend, poursuit-il. Je pense qu’ils vont pogner un méchant deux minutes. Il y a des petits genoux qui vont shaker quand ils vont embarquer sur la patinoire pour quelques présences.»

De bien belles nouvelles après les dernières éditions marquées par la pandémie.

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