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UNE FLAMME TOUJOURS INTENSE

NORMAND PROVENCHER nprovencher@lesoleil.com

Les ti-culs d’hier, qui avaient 16 ans en 76 comme dans la chanson de Beau Dommage, ces ti-culs d’hier devenus baby-boomers ont vu leur jeunesse se dérouler sur le répertoire de Paul Piché. Quarante-six ans se sont écoulés depuis la sortie de l’album À qui appartient l’beau temps.«Tempus fugit»

dirait le poète latin…

«Les cégeps, ç’a été mon premier public. C’est toujours là que ça se passait. Du Paul Piché, c’était quasiment un cours obligatoire. Il fallait que tu passes ton Paul Piché...» raconte en rigolant le chanteur, attablé pour son déjeuner dans un restaurant de la rue Saint-Paul.

Mais en ce petit matin, c’est d’un autre album, tout aussi marquant, que le chanteur est venu entretenir le journaliste du Soleil, ce ti-cul d’hier devenu baby-boomer. Sur le chemin des incendies, paru en 1988, fête cette année son 35e anniversaire, prétexte pour son créateur à prendre la route pour faire un voyage dans le passé avec ses fans.

L’album renferme son lot de pépites qui ont traversé le temps. Car je t’aime, J’appelle, Le temps d’aimer et Sur ma peau, autant de chansons, aussi inoubliables que touchantes, qui abordaient «des thèmes assez costauds», souligne son auteur, mais qui, contre toute attente, ont résulté en quelque chose de «lumineux».

Cet album, Paul Piché l’avait voulu le plus près possible de la perfection. Aussi, à l’époque, était-il allé jusqu’à hypothéquer sa maison afin d’éponger la perte financière découlant de la décision de faire l’impasse sur l’enregistrement initial qui n’était pas à son goût.

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«Cet album a été très difficile à faire», confie-t-il, entre deux bouchées. C’est la première fois que j’en réalisais un. On cherchait une liberté de création en essayant de bien nommer musicalement les choses. On a essayé des affaires, mais ç’a été un échec. Après être allés en studio, on a tout scrappé et recommencé. On savait juste qu’il fallait aller au bout de ça.»

Une décision qui aurait pu avoir de lourdes conséquences financières pour lui. «Si l’album ne marchait pas, je me plantais et pas rien qu’un petit peu.» Sauf que le pire n’est jamais survenu, à son grand soulagement. Sur le chemin des incendies est devenu album culte et a été vendu à quelque 200 000 exemplaires.

L’exploit est d’autant plus remarquable que le disque avait été lancé à une époque plutôt morose au plan politique. La défense du français ne figurait pas non plus à l’agenda collectif. En chanteur engagé qu’il a toujours été, Paul Piché persistait à creuser le sillon de la souveraineté et à chanter dans la langue de Vigneault. À l’époque, alors que s’amorçaient les discussions constitutionnelles dites du lac Meech — qui devaient mener à un échec pour le Québec en 1990 — la flamme souverainiste ne brillait plus tellement chez ses concitoyens. «J’étais à contre-courant avec cet album-là, à cause des thèmes et de la musique», confie-t-il.

À l’époque, chanter en français était un acte politique en soi. Ceux qui déplorent que la jeune génération d’auteurs-compositeursinterprètes ouvre trop grands les bras à la langue de Taylor Swift, à ceux-là, Paul Piché demande de jeter un coup d’oeil dans le rétroviseur. «Dans les années 80, c’était bien pire. La musique était juste en anglais. Chanter en français, c’était gênant.»

DÉFENDRE LA CULTURE QUÉBÉCOISE

Il existe plusieurs façons de faire de la politique. Paul Piché a choisi de le faire avec sa guitare, ses mots et sa musique. Il est monté sur les scènes de tous les grands shows de la Saint-Jean, résolu à se faire le porte-voix de l’émancipation nationale. Mais jamais, même dans les moments les plus sombres alors que l’appui à la cause indépendantiste n’était plus dans l’air du temps, dans la foulée des deux défaites

référendaires, il n’a baissé les bras. Et ce n’est pas aujourd’hui que ça risque d’arriver.

«J’y crois vraiment, même si je n’ai aucune certitude. Ça se peut que ça n’arrive jamais et qu’on se fasse assimiler tranquillement. Ça pourrait être long et souffrant», avoue-til, craintif de voir le Québec devenir la «Louisiane du Nord».

Le chanteur croit profondément à la cause qu’il défend, dans un pays dont «la structure a été pensée pour régler le problème français». Or, la culture québécoise, unique, se doit d’être défendue, avance-t-il. «La richesse de la diversité, j’y crois. Mais pour défendre cette diversité, le devoir de chacun est de défendre notre différence. Que le français existe en Amérique du Nord, c’est un cadeau. Le Québec doit exister sur la scène internationale, là où se prennent les décisions.»

La tournée de Paul Piché s’arrêtera dans les prochains mois à Trois-Rivières (9 février), Gatineau (20 avril), Québec (12 mai) et Sherbrooke (24 mai).

«La richesse de la diversité, j’y crois. Mais pour défendre cette diversité, le devoir de chacun est de défendre notre différence. Que le français existe en Amérique du Nord, c’est un cadeau. Le Québec doit exister sur la scène internationale, là où se prennent les décisions»

— Paul Piché

ARTS

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2023-02-04T08:00:00.0000000Z

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