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DE JONQUIÈRE JUSQU’À ALEGRIA

DANIEL CÔTÉ dcote@lequotidien.com

Francesca Gagnon est la voix d’Alegria, la chanson emblématique du Cirque du Soleil. Elle l’a interprétée aux États-Unis, au Canada et en Australie, dans la foulée d’un séjour fructueux dans les cabarets parisiens. Un fabuleux parcours qui a débuté modestement à Jonquière, où cette artiste est née à la fin des années 1950.

Son premier contact avec la musique est venu de ses parents. Ils en écoutaient beaucoup et pas juste en anglais ou en français. «Il y avait beaucoup de musique latine qui jouait chez nous parce que les deux faisaient de la danse sociale. C’est pour ça que j’aime chanter en espagnol», a raconté Francesca Gagnon à l’occasion d’une entrevue téléphonique accordée au Progrès.

Elle parle de cette époque à la manière d’un paradis perdu, puisqu’un divorce a suivi. Il fallait quitter un homme désormais sous l’emprise d’une dépendance, mais le prix a été lourd. Déménagements à Port-Alfred et Bagotville, puis à Alma, dans des appartements qui suintaient la misère. «Au moins, ça m’a préparée à la vie de tournée avec le Cirque du Soleil», lance-t-elle avec un brin d’ironie.

Initiée au piano dès l’âge de 10 ans, c’est en accompagnant sa soeur Joyce que Francesca Gagnon a effectué ses premiers pas sur une scène. «Elle faisait des chansons populaires dans les concours et gagnait tout le temps», décrit sa partenaire. Timide, ça l’arrangeait de rester dans l’ombre. Tout laissait croire que tel serait son destin, jusqu’à sa visite chez un ami musicien.

«Comme il possédait un micro, j’ai chanté avec et ç’a cliqué, tellement que j’ai commencé à donner des spectacles dans les salles de danse, les fins de semaine. Je faisais du Brel, du Piaf. Mon coeur battait à 100 milles à l’heure parce qu’à travers ça, je passais les émotions que je ressentais. Arrivée après une enfance difficile, la chanson a été ma bouée de sauvetage», reconnaît volontiers l’interprète.

Le travail ne manquait pas, tant sur la Côte-Nord qu’au SaguenayLac-Saint-Jean. Trois ou quatre soirs par semaine, jusqu’à l’âge de 18 ans, l’adolescente a évolué au sein de trois groupes qui faisaient le circuit des bars à une époque où la cigarette était reine. «Ces expériences m’ont formée, tandis que la fumée a donné sa couleur à ma voix», souligne-t-elle.

L’APPEL DU CIRQUE

Ensuite, il y a eu Québec, son premier tremplin, puis l’arrivée à Montréal à l’âge de 21 ans. C’est dans cette ville que Francesca Gagnon est devenue une artiste professionnelle. Parmi ses engagements, elle mentionne celui qui la liait à l’orchestre de Georges Fiori, père de Serge. Il était spécialisé dans la musique de ballroom.

Toujours dans la métropole, deux albums ont été enregistrés et c’est grâce à la chanson Nuits magiques avec toi que Paris lui a tendu les bras en 1989. «J’ai tellement aimé cette ville où j’ai chanté dans plusieurs cabarets, dont la Villa d’Este, le dernier où Brel s’est produit. Je ne suis revenue qu’en 1993 parce que mon père venait de décéder. Je me suis aussi occupée de ma mère», souligne-t-elle.

Épuisée à la suite de ce séjour au Saguenay, Francesca Gagnon n’en menait pas large quand un ami lui a appris que le Cirque du Soleil tenait des auditions afin de trouver une chanteuse. Ce qu’elle ignorait, c’est que le compositeur René Dupéré, qui venait de créer la musique du spectacle Alegria, avait vu défiler plein d’interprètes qui, de son point de vue, ne correspondaient pas au profil recherché.

«Celles que le Cirque m’envoyait ne faisaient pas mon affaire, mais dès que j’ai entendu Francesca, j’ai su que ce serait elle en raison de la qualité de sa voix et de l’émotion qu’elle savait exprimer», met-il en relief. «Moi, je suis tombée en amour avec la musique de René, complète son amie. Je faisais des paroles inventées sur ses mélodies et quand l’album est né, j’ai tenu à ce qu’on ajoute de vrais textes.»

L’oeuvre en question, Alegria, fut un spectacle, en même temps qu’un enregistrement qui a séjourné pendant 56 semaines au palmarès du magazine Billboard. Quant à la chanson du même nom, elle est devenue emblématique du Cirque du Soleil, en plus d’être associée à d’innombrables mariages et funérailles, un signe qui ne ment pas.

«Son succès tient à la conjonction d’une voix, du texte et de la musique», résume René Dupéré, 29 ans après l’arrivée de cette pièce dans l’espace public.

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