PASSER DU RIRE AUX LARMES

L’histoire en elle-même semble peu réjouissante. Un homme se sachant atteint d’Alzheimer décide de faire amende honorable face à sa conjointe de longue date et de l’affranchir de son contrôle pendant qu’il est encore temps.

Le loup pourtant n’est pas qu’une pièce sombre; elle porte aussi sa part d’humour et de lumière, indique Luc Senay, qui y donne vie aux côtés de la comédienne Maude Guérin.

«Donald, mon personnage, est au début de la maladie et avant de ne plus reconnaître sa femme Solange, il décide de la libérer du joug sous lequel il l’a tenue durant 30 ans. Elle s’est écrasée devant lui toute sa vie», explique Senay.

Frappé par un éclair de lucidité, le sexagénaire balance à sa femme de 12 ans sa cadette tous les nondits et les mensonges qui ont grugé leur couple, dans l’intention, dit-il, de lui rendre sa vie.

«Ce n’est pas une pièce légère, mais les gens rient tellement Donald est narcissique. Mais il n’est pas antipathique pour autant. Il est enjoué. Disons que j’ai travaillé et que je travaille encore chaque soir pour être le plus près possible de sa sensibilité.»

Son personnage a mûri au fil des représentations, son rendu s’est amélioré. «J’ai plus de liens sensibles avec sa personnalité. Même s’il est un peu détestable, je l’adore.»

VERSION BONIFIÉE

Si la version originale durait une heure, celle-ci compte désormais 15 minutes de plus, sans entracte. «L’auteure Nathalie Doummar a décidé de bonifier la pièce en offrant un monologue à Solange à la fin, ce qui crée un revirement. Et c’est un estie de beau monologue. C’est libérateur de l’entendre.»

Grâce au talent de cette jeune dramaturge montante, le public passe d’ailleurs du rire aux larmes «à l’intérieur d’une même réplique». Et ce n’est pas qu’une question de génération, se réjouitil, en rappelant que ce genre de relation touche des gens de tous les âges.

Le prénom du personnage masculin n’est d’ailleurs pas fortuit. Dans le programme de la pièce, Nathalie Doummar y confie que «Le loup est né du fantasme de voir Donald Trump vivre une illumination. De le voir reconnaître tous ses travers devant la planète entière pour ensuite consacrer le restant de ses jours à réparer chacune de ses fautes. À une échelle infiniment plus petite, c’est ce que j’ai tenté de raconter».

LA PATIENCE RÉCOMPENSÉE

Le loup a d’abord vu le jour chez Duceppe en 2020, où le duo l’a présentée à quelques reprises dans les coulisses du théâtre. La pandémie est venue mettre au frein à la production, qui aurait pu être diffusée sur le Web, néanmoins, si les deux acteurs y avaient consenti. Or, ni l’un ni l’autre n’en avaient envie. «On voulait aller à la rencontre du public. On ne savait pas ce qui allait arriver, mais on a choisi d’attendre. C’était important pour nous deux.»

Le temps et la patience ont fini par jouer en leur faveur. Non seulement la pièce a pu être présentée sur la grande scène du théâtre montréalais l’automne dernier, mais elle est également en tournée depuis ce temps. Et les critiques sont généreuses.

«Je suis gâté de jouer ça. C’est parmi mes belles rencontres d’acteur avec Nathalie, la metteure en scène Chloé Robichaud et Maude.»

Au sujet de sa partenaire de jeu, Luc Senay n’a que de bons mots. Les deux acteurs se connaissaient bien sûr de par leur participation à la télésérie 5e rang, mais ils n’avaient partagé que très peu de scènes avant que Le loup se pointe dans leur carrière. «Je peux te dire que ça a cliqué en tabarouette entre nous», confie Luc Senay.

«Maude, c’est une bête de scène. Le théâtre est son territoire, sa vie. Elle a tout joué. En étant avec les meilleurs, on devient meilleur, alors égoïstement, je suis chanceux. J’ai une responsabilité d’être au présent chaque soir avec elle.»