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LA FORCE DE LA TENDRESSE

GENEVIÈVE BOUCHARD gbouchard@lesoleil.com

Avec deux longs métrages, Lukas Dhont a laissé sa marque dans les festivals internationaux. Le récent

Close vaut aussi au cinéaste belge une première nomination aux Oscars. Cette oeuvre touchante sur l’adolescence, le deuil et la masculinité nous arrive dans ce qu’on pourrait décrire comme une ode à la tendresse.

Ce sentiment est précieux pour le jeune trentenaire. C’est d’ailleurs à lui qu’il a dédié le Grand prix du dernier Festival de Cannes reçu en mai.

«Quand j’étais un jeune garçon, j’ai longtemps pensé que ma fragilité était ma faiblesse. Je suis dans un moment de ma vie où de plus en plus, je vois que cette fragilité ou cette tendresse, c’est ma force», nous a confié Lukas Dhont en visioconférence, lors de son passage au festival Cinémania, en novembre. «Nous sommes nombreux à penser que la douceur est une faiblesse, ajoute-t-il. Nous vivons dans une société où nous sommes confrontés très jeunes à la brutalité. Où tout ce qui est dur ou compétitif est placé plus haut que tout ce qui est doux ou tendre. Il n’y a pas toujours de l’espace pour la tendresse dans cette société.»

Dans son premier long métrage, Girl (2018), également récompensé à Cannes, Lukas Dhont a exploré le thème de la transidentité. Avec Close, la question de la masculinité s’est imposée dans une histoire d’amitié et de deuil entre deux garçons de 13 ans.

Ceux-ci se nomment Léo et Rémi (Eden Dambrine et Gustav De Waele). Ils sont amis depuis toujours, ils se considèrent comme des frères. Très proches, ils partagent tout, se touchent beaucoup et dorment souvent ensemble.

Leur arrivée à l’école secondaire va provoquer une tension dans leur complicité. Soudain, le regard des autres se fait sentir. Le poids du conformisme aussi. Sont-ils gais? Forment-ils un couple?

Des insinuations qui vont déranger Léo au point où il va prendre ses distances. Quelque chose de plus grand viendra toutefois séparer les amis.

«C’est un film qui parle de ce moment charnière entre l’enfance et l’adolescence, indique Lukas Dhont. C’est vrai que c’est un âge où, quand tu arrives dans la cour de récré, tu es confronté peut-être pour la première fois à un microcosme de la société qui est divisé en groupes qui ont chacun leurs attentes, leurs normes. Tu dois être en relation avec tout ça.»

Le cinéaste évoque un état d’esprit propre à l’enfance où tout semble possible, où les frontières sont toujours invisibles.

«Où l’amour est encore l’amour au sens large du mot, précise-t-il. Et tout d’un coup, tu dois être en relation avec des codes qui sont construits dans cette société pour nous tous.»

«Je pense qu’on vit dans une société qui est très verticale, reprend Lukas Dhont. Il y a des gens qui sont plus populaires que les autres, qui reçoivent plus de pouvoir, qui sont plus entendus.

La force du groupe peut être tellement grande à cet âge-là.»

Si forte qu’elle peut même nous faire trahir une partie de nousmêmes pour ne pas se retrouver à part, met en exergue le réalisateur belge dans Close.

«Après, l’adolescence, c’est aussi la beauté du mouvement, nuancet-il. C’est un moment dans la vie où il y a tellement de nouvelles expériences. C’est la naissance du désir… Il y a tant de choses qui bougent! C’est une beauté que j’avais envie de montrer et d’explorer.»

NOUVEAUX VENUS

Lukas Dhont révèle deux nouveaux visages dans ce film bouleversant : Eden Dambrine et Gustav De Waele, qui campent respectivement les jeunes ados Léo et Rémi.

Le cinéaste relate avoir découvert le premier dans un train.

«J’étais là en train d’écouter de la musique. À côté de moi, il y avait ce garçon qui discutait avec ses copines. J’ai trouvé qu’il y avait vraiment quelque chose qui se passait sur ce visage. Je me suis dit que j’allais le regretter si je n’allais pas lui parler», se souvient-il.

Lukas Dhont a repéré l’interprète du plus tourmenté Rémi dans une classe de théâtre à Bruxelles.

«Il y avait chez lui un côté de mystère que j’ai vu immédiatement, décrit-il. Quelque chose de très beau, mais en même temps, je ne pouvais pas en dire beaucoup sur sa personnalité. Avec Eden, j’avais déjà plus l’impression de savoir qui il était. Avec Gustav, pas du tout.»

Le réalisateur a multiplié les rencontres informelles avec ses interprètes en amont du tournage. Les actrices appelées à jouer leur mère, Émilie Dequenne et Léa Drucker, ont également été très présentes.

Un processus visant à développer une chimie palpable à l’écran, mais aussi à inviter les jeunes à mettre les textes à leur main : «Moi, je ne parle plus comme un garçon de 13 ans!» lance Lukas Dhont, qui souhaitait aussi prendre leur pouls sur les enjeux du scénario.

«On a parlé d’amitié, parce que c’est au centre de leur vie. Ils ont déjà eu le coeur brisé en lien avec l’amitié», indique Lukas Dhont, ajoutant que le sujet de la masculinité avait aussi été au coeur des discussions.

«Ce sont deux garçons qui grandissent dans ce monde. Ils comprennent très bien la pression d’être homme. Ils vivent à une époque où plusieurs exemples liés à la masculinité sont des exemples de guerre ou d’abus de pouvoir. Des exemples très négatifs, quoi», croit Lukas Dhont.

«Être jeune homme à ce moment dans le monde, c’est intense, ajoute-t-il. Il y a un beau mouvement féministe qui est tellement nécessaire. Mon espoir est que les jeunes garçons qui grandissent maintenant soient inclus.»

«Nous vivons dans une société où nous sommes confrontés très jeunes à la brutalité. Où tout ce qui est dur ou compétitif est placé plus haut que tout ce qui est doux ou tendre. Il n’y a pas toujours de l’espace pour la tendresse dans cette société» — Lukas Dhont

Close sera présenté au cinéma dès le 10 février.

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2023-02-04T08:00:00.0000000Z

2023-02-04T08:00:00.0000000Z

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