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LE ROAD TRIP DE LA DERNIÈRE CHANCE

Rodéo est présenté au cinéma. GENEVIÈVE BOUCHARD gbouchard@lesoleil.com

Il y a quelque chose d’à la fois rude et majestueux dans Rodéo, premier long métrage de Joëlle Desjardins Paquette. Au son de la musique métal et dans le bruit des moteurs, la cinéaste nous plonge dans la relation fusionnelle, mais de plus en plus fragile, entre un père camionneur et sa fille de neuf ans, dans un contexte d’enlèvement parental.

Rodéo s’ouvre dans un gros nuage de boucane noire, sous les envolées d’un annonceur enthousiaste. Deux poids lourds s’élancent sur la piste devant une foule familiale, joyeuse, qui savoure la course sous les vrombissements des camions.

Au volant de l’un d’eux se trouve Serge (Maxime Le Flaguais), sa fille Lily (Lilou Roy-Lanouette) à ses côtés. «On va vous torcher!» hurle la petite à ses rivaux.

On voit vite qu’elle est plus du genre à taper sur une batterie invisible, des jerky de viande en guise de baguettes, qu’à s’imaginer princesse.

Encore enfant, mais déjà presque ado, Lily garde le contact avec son ami imaginaire, un sensei qui la rassure bien au-delà de ses leçons d’arts martiaux. Mais elle n’est pas dupe et elle observe son monde avec une grande lucidité.

Entre ses parents séparés, c’est le conflit constant. Sa mère ne fait pas confiance à son père et celuici ne fait rien pour arranger les choses. Si bien que la garde partagée se complique…

Lily sera contente de voir débarquer son papa à son cours de karaté. Mais elle se méfiera un peu quand il lui proposera de prendre la route et d’enfin réaliser leur rêve d’assister au Rodéo des Badlands, en Alberta. Estce que maman a vraiment dit oui?

À bord d’un camion vert ne passant pas inaperçu, ils entreprendront ainsi une sorte de road trip de la dernière chance.

L’image vaut pour les kilomètres à parcourir par milliers dans une quête qui peut s’arrêter à tout instant s’ils sont repérés.

Elle cadre aussi bien à ce moment d’intimité partagé par un père et sa fille dont le lien si fort s’étiole un peu à chaque doute, à chaque regard lourd de questions.

Maxime Le Flaguais et Lilou Roy-Lanouette incarnent avec une immense justesse ce duo à la fois brut et beau.

Lui dans un dévouement rempli de maladresses et de décisions au mieux discutables. Elle dans des manières frondeuses cachant mal sa vulnérabilité. Et ses yeux qui parlent si fort même quand elle ne souffle pas un mot...

En tout juste une heure vingt, Joëlle Desjardins Paquette offre sans jugements un condensé d’émotions. Celles-ci sont nourries de contrastes trouvant écho dans la facture visuelle du film.

Entre l’habitacle plutôt crade d’un camion et la splendeur des paysages qui défilent à travers ses fenêtres, la cinéaste conjugue avec beaucoup de doigté la dureté et la poésie. Elle scrute le concret d’un quotidien qui n’est pas rose sous une loupe magnifiant ce qu’il y reste de magie.

ARTS

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2023-02-04T08:00:00.0000000Z

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