UNE ÉTERNELLE RECONNAISSANCE

Étienne Lamy n’a subi aucune blessure dans un accident de la route impliquant son tracteur de ferme et une moto. Il a été beaucoup plus chanceux que l’autre conducteur pour qui l’impact a été mortel. Dans les faits par contre, l’agriculteur de 28 ans ne s’en est pas sorti totalement indemne. Peu de temps après ce tragique événement, il a voulu s’enlever la vie.

Étienne est producteur laitier et de grandes cultures. Il a grandi et vit toujours sur la ferme Jérémic, propriété de son père Yves. Le jeune homme et son frère Jérémie forment la relève. Nous sommes à Yamachiche, sur la route 153 qui est également connue sous le nom du boulevard Duchesne.

Durant la belle saison, c’est agréable d’y rouler en moto ou à vélo. La route traverse une campagne vallonnée où on ne s’étonne pas de croiser des véhicules agricoles. Ils font partie du paysage rural, surtout lorsque c’est le temps des récoltes comme c’était le cas en ce vendredi 9 septembre 2022.

L’accident est survenu en fin d’après-midi. Étienne était sur le chemin du retour, à bord de son tracteur et en direction de chez lui. Avant de tourner à gauche pour emprunter le chemin menant à la ferme, il a porté son attention sur une voiture qui le suivait, prête à le dépasser à la première occasion.

Durant ce très court laps de temps qui se compte en secondes, Étienne n’a jamais vu le motocycliste arrivant en sens inverse et à sa hauteur.

L’agriculteur l’a aperçu au moment d’amorcer le virage, mais il était déjà trop tard pour braquer le volant et revenir sur sa voie. La voiture derrière lui avait profité du fait qu’il s’apprêtait à tourner à gauche pour le dépasser par la droite.

«Je me suis collé sur le bord de la route pour laisser la moto passer entre nous deux, mais le gars a pris panique et s’est pitché par terre...»

Étienne a vu l’engin sur deux roues frapper l’automobile avant de ricocher sur le motocycliste qui a été projeté sous le tracteur...

Le pauvre homme est décédé sous les yeux du jeune agriculteur qui a subi un énorme stress, à plus forte raison que l’enquêteur dépêché sur les lieux de l’accident a insinué qu’une accusation pour conduite dangereuse causant la mort allait vraisemblablement être portée contre lui.

«Je ne sais pas sur quoi il s’est basé. Je n’ai rien su. Il ne m’a rien dit ni montré...»

Le policier est reparti en laissant Étienne à lui-même, avec ses questions, ses doutes et ses inquiétudes que le jeune homme a eu le réflexe d’enfouir en lui pour mieux fuir dans le travail.

C’était la grosse période des récoltes. Parti du matin au soir dans les champs, le producteur évitait de réfléchir au drame dont il avait été aux tristes premières loges.

Puis le gel et novembre sont arrivés. La montée d’adrénaline provoquée par la rude besogne est retombée. «J’avais juste ça à penser...»

À l’accident et aux conséquences.

IDÉES NOIRES

Les semaines s’écoulaient et personne ne le tenait au courant de l’enquête, ce qui a eu pour effet de faire grimper son anxiété.

«Je n’étais plus capable de dormir. Je stressais trop.»

Étienne a commencé à jongler avec des idées noires, angoissé à l’idée d’être déclaré criminellement responsable de l’accident même si dans son for intérieur, il était persuadé de n’avoir rien à se reprocher.

Refermé sur lui-même, incapable de faire taire les pensées négatives qui l’envahissaient, il s’est mis à croire que tout cela était de sa faute.

«À partir de là, je me disais que je n’avais plus vraiment de raison de vivre et que ma seule porte de sortie était le suicide. C’était l’option où je réglais tous mes problèmes...»