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PETITS POISSONS, GROS IRRITANT

Des pêcheurs réclament des contraintes à l’importation de maquereau américain au Canada

GILLES GAGNÉ Collaboration spéciale

SAINT-GODEFROI — Le pêcheur gaspésien Jeffrey Vautier demande au gouvernement fédéral d’imposer des contraintes à l’importation de maquereau pêché aux États-Unis et vendu au Canada, parce que ce poisson ne respecte pas les normes de taille minimale en vigueur ici.

Actif dans la capture de plusieurs espèces, dont le homard, le hareng, le flétan et le maquereau, M. Vautier trouve inconcevable que du maquereau américain de petite taille soit importé au Canada, alors que cette pêche est sous moratoire depuis un an dans l’est du pays en raison de l’état inquiétant de la biomasse.

Il fait notamment valoir qu’il était impossible pour des pêcheurs du Québec ou des provinces atlantiques de débarquer et de vendre du maquereau de petite taille avant mars 2022, ce qu’il considère une bonne chose. Quelques autres points accrochent, dit-il.

«Le maquereau pêché aux ÉtatsUnis fait partie du même stock que le nôtre, mais il n’y a pas de moratoire là-bas. Aux États-Unis, il n’y a pas de taille minimale. Ici, c’est 268 millimètres [26,8 centimètres]. Les Américains gardent tout ce qu’ils pêchent, sans considération pour la taille. Il serait normal de leur imposer une taille minimale respectant notre taille légale. Quand on vend notre poisson aux États-Unis, il faut respecter leurs normes», affirme Jeffrey Vautier.

Au début d’avril, il enverra, avec des collègues des quatre provinces atlantiques, un document formel demandant au gouvernement fédéral d’imposer des contraintes aux importations de maquereau américain.

Bien qu’elles rapportent traditionnellement de modestes montants aux pêcheurs — 3,1 millions $ en 2021 et 1,84 million $ en 2022 — , la capture du maquereau et celle du hareng sont considérées comme cruciales dans l’industrie parce que ces espèces constituent les principaux appâts utilisés pour les pêches lucratives comme celles du homard et du crabe des neiges. Ces deux crustacés ont généré des revenus de 406 millions $ au Québec en 2022, avant leur transformation.

Le moratoire de 2022 sur le maquereau est étendu à 2023. Le ministère fédéral des Pêches et des Océans n’a pas déterminé sa durée, mais il pourrait bien s’agir de quelques années.

«On essaie de rebâtir notre stock de maquereau. On aimerait bien que les Américains baissent leur quota ou qu’ils arrêtent de pêcher comme nous, mais on ne peut pas leur dire quoi faire», précise M. Vautier.

Le stock de hareng montre aussi des signes de faiblesse, la pêche au printemps 2022 ayant aussi été suspendue et le quota de capture pour août et septembre ayant été limité à un seuil très bas.

L’INDÉPENDANCE IMPORTE AUSSI

Le maquereau et le hareng sont aussi consommés par la population, mais ce débouché a perdu de l’importance depuis quelques années en raison de la rareté d’appâts pour le crabe et le homard.

Jeffrey Vautier s’inquiète aussi d’une perte éventuelle d’indépendance des pêcheurs et des usines.

«Nous devons garder notre autonomie vis-à-vis notre approvisionnement en appâts parce que nos autres pêches en dépendent. L’an passé, pour la première fois dans l’histoire canadienne, tout le maquereau est venu de pays étrangers. Presque tout le hareng capturé a servi aux appâts, dans une proportion d’au moins 80 %. Ça veut aussi dire que de très petites quantités ont servi à la consommation humaine. Si le gouvernement canadien est sérieux à propos de la protection des stocks de maquereau et des pêcheurs, il bannira les importations américaines sous la taille légale en vigueur ici», explique-t-il.

M. Vautier milite aussi depuis plusieurs années pour un meilleur contrôle de la population de phoques dans l’est du Canada. Une étude publiée en 2021 indique, dans le cas du hareng, que les phoques mangent une douzaine de fois plus de ces poissons que les pêcheurs en capturent.

«Je ne connais pas les pourcentages pour le maquereau, mais quand on le pêchait, on voyait des phoques au milieu des poissons», dit-il.

STOCK 10 FOIS TROP FAIBLE

La biologiste Élizabeth Van Bereven, de Pêches et Océans Canada, a livré le 20 février aux gestionnaires de ce ministère son rapport sur l’état des stocks réalisé à partir des relevés en mer effectué lors de l’été 2022. Si elle est discrète pour le moment à propos du tonnage du stock de maquereau présent dans le golfe du Saint-Laurent, elle fournit une proportion qui témoigne de la précarité de la biomasse.

«Quand elle était en bonne santé, la biomasse était 10 fois plus grande […] Ça fait depuis 2011 que le stock est sous le seuil critique», dit-elle, spécifiant que le seuil critique détermine le point en bas duquel le stock n’est pas en bonne santé.

Elle évalue qu’il faudra de «huit à neuf ans» pour rebâtir le stock, une période au cours de laquelle la pêche commerciale et pour appâts devrait idéalement être fermée. Les pêches récréatives et autochtones sont toujours permises.

«C’est ce qu’on estime, mais c’est très incertain parce que ça ne veut pas dire que la gestion laissera la pêche fermée aussi longtemps», ajoute-t-elle, en faisant référence à la division de Pêches et Océans Canada prenant les décisions quant aux quotas. L’équipe scientifique ne fournit que des avis.

Élizabeth Van Bereven confirme que les deux stocks de maquereau de l’est du Canada fréquentent les côtes est américaines. «Le contingent nord se reproduit au Canada. Le contingent sud vient au Canada, mais il se reproduit aux États-Unis. Les ÉtatsUnis pêchent dans le mélange des deux stocks», précise-t-elle.

La division de gestion de Pêches et Océans Canada à Ottawa n’était pas en mesure, mercredi et jeudi, d’expliquer pourquoi il a fallu des années avant de décréter l’arrêt de la pêche au maquereau, en dépit d’un stock sous le seuil critique depuis 2011.

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2023-03-25T07:00:00.0000000Z

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