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Trois règlements exemplaires arrachés de haute lutte

On le sait, malgré l’inflation qui fait mal, la conjoncture des derniers mois a été plutôt favorable aux travailleuses et aux travailleurs. Les statistiques démontrent d’ailleurs que globalement les salariés arrivent à peu près à maintenir leur pouvoir d’achat (les salaires ont augmenté de 7 % en 2022 face à une inflation de 6,7 %). Il n’en demeure pas moins que, pour faire des gains, la mobilisation demeure essentielle. Retour sur trois grèves qui ont permis d’arracher des règlements exemplaires dans la région. Transport en commun :

Lévis arrive en ville

Les membres du Syndicat des chauffeurs d’autobus de la RiveSud (CSN) ont préparé leur bataille de longue date. Il faut dire que la dernière négociation, qui s’était plus ou moins soldée par un statu quo, leur était restée au travers de la gorge. Les enjeux étaient clairs et largement partagés : freiner la sous-traitance et la précarité.

Parce qu’il faut bien le dire, Lévis est un cancre en matière de transport en commun. La municipalité est bonne dernière parmi les grandes villes en matière de financement de sa société de transport. À titre de comparaison, même si elle n’a que quatre fois moins d’habitants que Québec, Lévis investit 10x moins en transport en commun que sa voisine de la Rive-Nord. Pire, la STLévis est l’une des dernières grandes sociétés de transport à donner des lignes de bus en sous-traitance au privé et à avoir des chauffeurs précaires, à temps partiel et sur appel.

Le syndicat était bien conscient que s’il voulait changer la donne et améliorer significativement les conditions de travail de ses membres, il ne pourrait faire l’économie de l’exercice de son droit de grève. Et cette fois, il avait un atout de taille dans sa manche : le Tribunal administratif du travail a statué qu’il n’y avait pas de services essentiels à maintenir en cas de grève. C’est-à-dire que le service de bus est tellement mauvais à Lévis que le tribunal a jugé que les retirer ne causerait pas de bouchons si importants que ça nuirait à la circulation des véhicules d’urgence (c’est la raison pour laquelle il y a des services essentiels en cas de grève dans des villes comme Québec ou Montréal).

Le syndicat a bien tenté de négocier, mais sans résultat. Une première journée de grève, le 14 novembre, puis une semaine, du 23 au 28 janvier, n’ont pas donné de résultat. Même une médiation de deuxième niveau au ministère du Travail n’a pas donné de résultats probants. Le 13 février, après 13 mois de négociations infructueuses, la grève générale illimitée était déclenchée.

La lutte à la STLévis a été très médiatisée et ponctuée de plusieurs actions, dont des visites au conseil municipal. Elle fut également témoin d’un élan de solidarité rare des autres syndicats (et notamment de ceux du chantier Davie qui ont été très présents en appui). La pression était très forte sur un groupe qui n’avait jamais fait la grève en quarante ans de vie syndicale… et pourtant ils ont tenu la minute de plus.

Une entente de principe est finalement intervenue après près de deux semaines de grève générale. S’il ne s’agit pas d’une victoire totale et écrasante (elles le sont rarement), les syndiqués font des gains significatifs et concrets sur leurs deux priorités. La nouvelle convention collective inclut des modalités encadrant la fin de la soustraitance sur le territoire ainsi qu’une augmentation du nombre de postes permanents (+15). Au chapitre salarial, on constate un rattrapage la première année, suivi de hausses qui offrent une protection contre l’inflation.

En prenant leur courage à deux mains et en se tenant debout pour leurs convictions, les chauffeurs d’autobus de la RiveSud montrent l’exemple. Et, ce faisant, ils ont forcé Lévis à (enfin) arriver en ville.

Transport scolaire : maintenant ou jamais

Partout au Québec, les chauffeurs d’autobus scolaires affiliés à la CSN sont sur le pied de guerre. Et pour cause, après des décennies à endurer de bas salaires et de mauvaises conditions de travail, une fenêtre s’est enfin ouverte pour améliorer sensiblement leur sort. Deux syndicats de Québec ont ouvert le bal et arraché des gains historiques… non sans avoir dû faire la grève pendant près de cinq semaines.

Avant même de commencer à négocier, les travailleuses et les travailleurs d’Autobus B.R. et de Tremblay et Paradis se doutaient bien que la grève serait un passage obligé malgré une conjoncture extrêmement favorable. Qu’on en juge, pour pallier à la pénurie de main-d’oeuvre et atténuer les bris de service, le gouvernement a récemment bonifié de 15 % à 30 % les enveloppes dédiées au transport scolaire, ce qui aurait dû se traduire par une bonification des salaires. C’était sans compter sur la cupidité de certains propriétaires d’entreprise.

Toujours est-il que les syndicats de B.R. et Tremblay et Paradis, deux entreprises partageant le même établissement et les mêmes propriétaires, ont décidé d’innover et de se doter d’un protocole de solidarité de négociation et de collaborer étroitement pour améliorer les conditions de travail de leurs membres. C’est lors de la même assemblée, début novembre, que les syndiqués ont adopté leur cahier de négociation ainsi qu’une banque de 14 journées de grève.

La négociation n’avançant pas, les syndiqués ont décidé de déclencher une première semaine de grève du 30 janvier au 3 février. C’est le 3 février, lors de leur dernière journée de grève, que les syndiqués ont adopté le premier mandat de grève générale illimitée de leur histoire. Retour à la table de négociation, toujours pas d’avancées. La grève générale illimitée est lancée le 16 février.

Plus de 6000 écoliers de la région se trouvent ainsi privés de transport scolaire. Les grévistes multiplient les actions. La pression est à son comble. Pourtant, les semaines passent…

Et pendant ce temps, les règlements, avec ou sans grève, commencent à tomber ailleurs dans la province. Et ils sont très bons, ce qui renforce la détermination des grévistes de Québec.

C’est finalement le 10 mars que les syndicats et la partie patronale en arrivent à une entente de principe qui sera adoptée deux jours plus tard en assemblée générale. Les gains sont impressionnants : 45 % d’augmentation en moyenne et une augmentation du nombre d’heures garanties. Le moins que l’on puisse dire c’est que la lutte a payé. Il faut d’ailleurs saluer la détermination et le courage des syndiqués de B.R. et Tremblay et Paradis qui ont montré l’exemple et ouvert la voie pour les autres syndicats du transport scolaire de la région.

Mais la lutte n’est pas terminée ! La CSN représente un peu plus de 3000 chauffeurs d’autobus scolaires dans 63 syndicats aux quatre coins de la province. Environ le quart d’entre eux négociaient cette année. Plusieurs syndicats sont encore en grève ou s’apprêtent à le faire d’ici la fin de l’année scolaire (c’est le cas du Syndicat du transport scolaire de Lotbinière dans notre région). Une deuxième vague est à prévoir à la rentrée. L’objectif est simple : établir un modèle que pourront suivre les autres syndicats du secteur au fur et à mesure du renouvellement des conventions collectives.

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