LeSoleilSurMonOrdi.ca

PAPILLON FRÔLE LA MORT ET LE PASTEUR PREND SON ENVOL

VALÉRIE MARCOUX vmarcoux@lesoleil.com

Après avoir incarné la grande faucheuse dans sa websérie Épitaphe, Stéphane Papillon l’a maintenant frôlée. «Somme toute, ce n’est pas une mauvaise affaire ce qui s’est passé : il y a deux ans, je serais ici et je sentirais la boisson», mentionne le miraculé qui renaît sous le nom de Pasteur Papillon.

À pareille date l’an dernier, Stéphane Papillon était encore en convalescence à l’hôpital. Le rockeur originaire de Cap-Santé a été victime d’une rupture d’anévrisme qui a provoqué une hémorragie interne dans sa boite crânienne.

«Arrêt cardiaque, quatre jours de coma... c’était une câlisse de ride», reconnait l’auteur-compositeurinterprète qui s’est réveillé avec le côté gauche du visage et du corps paralysé.

Avant de commencer un traitement de réadaptation physique, le musicien était terrorisé à l’idée de ne plus pouvoir faire ce qui le rend le plus heureux au monde : chanter et jouer de la guitare.

Éventuellement, il a eu la permission d’apporter son instrument à l’hôpital pour l’inclure dans ses exercices de réadaptation. Puis, le miraculé est retourné chez lui.

En fait, il a carrément quitté la métropole pour revenir s’installer sur la rue de son enfance, entre le pénitencier de Donnacona et le fleuve Saint-Laurent.

«C’est une belle place pour guérir. En campagne, les démons ne sont pas autour», affirme le musicien dont le mode de vie a drastiquement changé depuis cet incident.

Pasteur Papillon ne prend pas à la légère les avertissements du neurochirurgien : «Si tu retombes sur la scrap — surtout avec la scrap qu’il y a dans les rues en ce moment —, ça va se répéter et on ne te sauvera pas deux fois», lui a-ton dit.

Durant le court instant où son coeur a cessé de battre, le musicien n’a pas vu sa vie défiler devant ses yeux ni de lumière au bout d’un tunnel. L’expérience ne l’a pas rendu croyant malgré le nom d’artiste qu’il a adopté par la suite. Il a surtout été inspiré par Reverend Horton Heat, un groupe américain mené par Jim Heath.

FINI LES EXCÈS

«J’ai un train de vie qui a beaucoup changé : je me couche tôt, je fais attention. Si je suis fatigué, ma main gauche part», mentionne Pasteur Papillon.

Ce rockeur aux mille et une vies n’est pas le seul à avoir tiré un trait sur ses mauvaises habitudes.

De retour à la maison, le Québécois a appris que Tommy Stinson (The Replacements, Guns N’Roses) sortait lui-même de réadaptation, ou plutôt de détox.

Les deux musiciens avaient déjà partagé une «méga brosse de trois jours» qui avait créé un lien durable entre eux. Papillon n’a eu qu’un appel à faire pour que son ancien camarade embarque dans son nouveau projet d’album country-rock.

«On a des histoires un peu similaires au niveau de la consommation, des relations toxiques, des mariages défaits et des enfants disparus», affirme-t-il.

«Lui autant que moi, on est rendu dans la grosse douceur maintenant», ajoute l’artiste.

Ensemble, les deux bonshommes ont produit leur premier album sobre : On va sauver ce qui reste.

«Avant, c’était très rough : on gueulait et on se tirait partout. Là, c’est très acoustique avec du piano. Il y a deux ou trois petites honky-tonk plus délinquantes, mais il y a quand même beaucoup de douceur. C’est physiquement moins challengeant», explique le baryton qui a décidé de ne plus crier dans son micro.

Le chanteur préfère se faire conteur que de tenter de pousser la grosse note.

Stinson a collaboré à la composition en plus de jouer de la basse, de la guitare et de signer la réalisation du disque.

Encouragé par son complice, Pasteur Papillon a fait appel à des instruments auxquels il n’aurait pas pensé par lui-même, comme l’accordéon et l’égoïne.

Il en résulte une musique country-rock «plus Neuville que Nashville», se plaît à dire le Québécois.

UNE TOURNÉE SOUS LE SIGNE DE LA SOBRIÉTÉ

Durant cette période, Stinson a aussi produit son propre album qui doit sortir ce printemps. L’Américain a offert à son complice de partir en tournée avec lui et de présenter ses nouvelles chansons en première partie de ses concerts.

Cette tournée qui se déroulera sous le signe de la sobriété s’annonce très différente de ce qu’ils ont connu par le passé.

Toutes les personnes qui les accompagnent ont été prévenues : «C’est sobre all the way ou tu embarques pas dans l’bus», insiste le musicien.

Même s’ils visiteront essentiellement des villes anglophones, Stinson n’a pas hésité à inviter le rockeur francophone. Tout le monde s’entendait sur le fait que la langue dans laquelle un chanteur s’exprime est moins importante que la «vibe» de sa musique.

«C’est une belle place pour guérir. En campagne, les démons ne sont pas autour»

— Stéphane Papillon, en parlant de Cap-Santé

EXPIER POUR RECOMMENCER À NEUF

Le séjour qu’il a passé à l’hôpital gelé sur la morphine à écouter

du Steve Earle aura été le dernier trip de Papillon.

Le musicien avoue qu’il n’aurait peut-être jamais changé son mode de vie s’il n’avait pas frôlé la mort.

«Je pense que ça serait peutêtre venu à bout de moi», admet le quinquagénaire qui exorcise ses démons dans ses nouvelles chansons.

Afin de commencer sa vie de Pasteur du bon pied, Papillon avait besoin de passer à la confesse. Ses textes, dans lesquels rôde constamment la grande faucheuse, sont empreints d’une honnêteté touchante. L’artiste y aborde des sujets sensibles et personnels tout en conservant un petit humour sombre.

«Je l’appelle mon album en noir et blanc», mentionne le musicien au sujet du disque paru le 24 mars.

Dans deux chansons, l’artiste évoque ses enfants avec qui les rapports sont difficiles et plutôt froids. Sa relation avec la mère de ses filles s’est terminée abruptement par la faute de ses excès, admet-il.

«C’est très dur pour moi de rétablir un lien sain avec mes filles. C’est le grand échec de ma vie ou le seul qui me trouble toujours. C’est une peine qui ne passe pas», confie le rockeur qui exorcise pour la première fois cette tristesse dans ses textes.

Cet exercice lui permet d’envisager une suite plus colorée.

«Le prochain album s’appelle Car il faut bien que le soleil se lève, c’est un album tout en couleurs», annonce Pasteur Papillon.

«Honnêtement, au fin fond de moi, je ne suis pas une personne dark. Je me réveille de bonne humeur, je flatte un chat et c’est le bonheur», dévoile le musicien qui peut encore se défouler dans son groupe DROGUE. D’ailleurs, la formation sera de passage au Festival d’été de Québec le 10 juillet.

Malgré le nom de la formation, ses complices le soutiennent dans sa nouvelle modération. Papillon s’autorise encore un verre de vin au souper de temps en temps, mais les excès sont bel et bien du passé.

Gérant d’artistes et collaborateur prisé, Stéphane Papillon compte maintenant se concentrer sur ses projets de Pasteur et de DROGUE tout en continuant à diriger sa série Épitaphe dans l’ombre.

Il a décidé de passer la faux à Béatrice Dalle pour la deuxième saison de la version française de la série. Aux États-Unis, ce sera au tour de Tommy Stinson de revêtir la robe noire.

Je t’aime chérie, la dernière chanson de son album On va sauver ce qui reste, est d’ailleurs le prochain thème musical d’Épitaphe.

Dès juillet 2022, le nouvel album de Matt Holubowski, celui-là même qui vient de paraître vendredi, était pratiquement terminé. Telle une véritable gestation, l’auteur-compositeur-interprète l’a laissé dormir environ neuf mois, tenant bien en laisse l’envie de faire des retouches. C’est donc l’esprit totalement libre qu’il a pu consacrer son automne et son hiver à… l’écriture d’autres chansons.

«Auparavant, je me serais abstenu, par crainte qu’au moment de la sortie du disque, je trouve meilleures mes plus récentes compositions. Mais j’étais vraiment sur un élan créatif très productif. J’ai aussi poursuivi mon apprentissage de l’aspect technique du métier [amorcé notamment pour meubler la pandémie, si bien qu’il cosigne la réalisation de sa neuve galette]. J’ai loué un chalet où j’ai déménagé mon studio presque au complet, pendant un peu moins de deux mois, pour écrire et composer. Aujourd’hui, j’ai plusieurs nouvelles chansons, des débuts de chansons, des expérimentations instrumentales, des essais et erreurs…»

«Mais là, je suis vraiment très, très, très prêt pour la scène», se dépêche d’ajouter l’ancien finaliste de La voix (cuvée 2015), qui commence sa tournée de concerts dès la semaine prochaine.

«Ça fait longtemps que j’attends», dit-il à propos de Like Flowers on a Molten Lawn, son quatrième opus, qui l’emmène sur des sentiers sonores différents, notamment celui de la musique électronique, mais également (et un peu paradoxalement) vers la crème de l’acoustique, soit l’intervention d’un orchestre symphonique, plus quelques cuivres.

«Ça ressemble beaucoup plus au genre de musique que j’écoute depuis toujours. Mes influences pour cet album viennent surtout de l’instrumental. Mon bassiste Marc-André Landry, qui est une véritable encyclopédie musicale, m’envoie beaucoup de musique électronique expérimentale japonaise. J’ai aussi fait jouer en boucle le dernier Pharoah Sanders, et tous les Flore laurentienne de ce monde.»

LAISSER LE TEMPS AU PRINTEMPS

Matt Holubowski a construit l’univers de son nouvel album à partir du poème Spring is like a perhaps hand de l’auteur américain Edward Estlin Cummings.

«C’est un texte qui illustre le printemps de très belle manière. Comme si on le regardait par la fenêtre, en train de s’installer très tranquillement, de la même façon qu’un peintre réalise un tableau, une touche de couleur à la fois, avec, entre chacune, beaucoup de temps d’observation et de recul.»

Une image que Matt a trouvée très apaisante. «Quand tu es dans le chaos de la musique, tout bouge très vite. Les échéanciers de production d’un album peuvent engendrer une pression qui va à l’encontre de la création. J’ai pris conscience que je rêvais d’avoir un moment pour créer comme celui qu’évoque ce poème. On était en 2016. C’est seulement en 2021 que j’ai revisité cette idée. Ce texte m’accompagne donc depuis des années, sans que j’aie accès à un tel moment… Jusqu’à ce que tout arrête en 2020», résume-t-il.

Cette constatation lui a inspiré la chanson Flirt with Boredom, qui a connu au moins cinq versions en sept ans avant de finalement trouver sa place sur Like

Flowers on a Molten Lawn. On pourrait d’ailleurs croire que les nouvelles chansons de Matt Holubowski, lesquelles abordent des thèmes comme la fragilité de la vie et la nécessité de laisser le temps au temps, tirent leur source des deux années où la planète s’est retrouvée figée, même si ce genre de lucidités peut survenir dans de multiples autres circonstances.

«Ce n’est pas un album pandémique, mais j’ai eu mes prises de conscience comme tout le monde. La lenteur et l’incertitude ont d’abord été vécues d’une façon anxiogène par beaucoup de gens, mais la plupart ont été capables de dépasser ça, de réaliser que c’était comme ça qu’on vivait autrefois, et qu’il y a une valeur intrinsèque dans la lenteur et dans le fait de ne pas avoir toutes les réponses. L’insouciance de l’ignorance n’est pas forcément une mauvaise chose», résume Matt Holubowski.

FLEURS SUR LA LAVE

Aucun doute en visionnant le clip d’End Scene : c’est carrément de la mort dont Matt nous parle dans les six minutes et demie de la pièce d’ouverture.

«En fait, surtout de cette vérité que le travail de toute une vie peut s’éteindre à tout moment. C’est un peu nihiliste comme idée, mais la beauté, c’est de simplement faire ce travail. Comme on l’entend souvent, le chemin est plus important que la destination.»

C’est d’ailleurs dans cette chanson que se trouve le vers-titre de l’album, une image de fleur sur la lave, vue en rêve et exprimant la fragilité et la détermination des êtres humains.

L’artiste explore aussi les cycles de fin et de recommencement (grands ou petits), les saisons, les idées, les époques, la vie, l’amour. En fait, on peut avoir l’impression que l’opus part dans plusieurs directions. Matt Holubowski est le premier à reconnaître cette grande liberté qu’il s’est laissée dans l’écriture, liberté qui est peut-être, justement, la véritable colonne du disque, celle de se mettre le moins de barrières possible.

«Dans la chanson Sandy Cove, par exemple, il y a au moins quatre sujets différents», dit-il, précisant que le principal serait probablement celui de la radicalisation des opinions chez bon nombre de personnes, à cause des algorithmes des réseaux sociaux, ce qui a conduit à briser des familles et des amitiés.

«C’est probablement mon texte le plus décousu, mais il est aussi représentatif de ma façon d’écrire : plein de petites idées un peu reliées, mais où certains couplets ont été écrits sans trop tenir compte de ce que dit celui d’avant, pourvu que la rythmique soit bonne.»

Matt Holubowski sera en concert le 26 mai à la salle Edwin-Bélanger de Montmagny, le 27 mai à l’auditorium Massey-Vanier de Cowansville, le 9 juin au Théâtre Banque-Nationale de Chicoutimi et le 10 juin au Théâtre Granada de Sherbrooke. Des dates seront bientôt annoncées pour Waterloo, Gatineau et Québec.

ARTS

fr-ca

2023-03-25T07:00:00.0000000Z

2023-03-25T07:00:00.0000000Z

https://lesoleil.pressreader.com/article/282604562097145

Groupe Capitales Media