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METTRE PLUS D’INSECTES DANS NOTRE ASSIETTE

ANNIE LAFRANCE

Ce n’est pas d’hier qu’Anita Légaré s’intéresse à l’entophagie. Avant même de lancer son entreprise Nutrivore, basée à Québec, elle avait débuté l’élevage de larves dans son sous-sol.

Aujourd’hui, Nutrivore a délaissé l’élevage pour se concentrer sur la commercialisation de ses produits. Elle a récemment reçu un appui financier de la Ville de Québec, par l’entremise du programme Défi-Québec, pour commercialiser une nouvelle gamme de produits protéinés pour les athlètes.

Parce que, des insectes, c’est rempli de protéines! «Ce sont des sources élevées de fer, de protéines et d’acides animés», dit-elle. Selon les espèces, leur corps est constitué de 50 % à 75 % de protéines.

Sa clientèle est diversifiée. La farine d’insectes, plus faible en gras que celle de blé, est prisée par les personnes qui souhaitent manger moins gras. Certaines espèces peuvent aussi constituer une solution pour les gens souffrant d’anémie légère. «Les insectes ont des teneurs plus élevées en fer que le boeuf et les autres viandes rouges. J’ai plusieurs personnes âgées qui viennent à la boutique s’en procurer», ajoute-t-elle.

BON AU GOÛT

N’empêche, au-delà des valeurs nutritionnelles, c’est le goût qui influence le choix du consommateur. À la base, un insecte déshydraté a un goût fade. C’est pourquoi, avec son associée Cynthia Faucher, Anita Légaré le rehausse en ajoutant des épices et des saveurs connues, dont l’érable, la Sriracha et la fraise.

Derrière son comptoir, Nutrivore vend différents aliments et produits transformés comme des biscuits, de la farine, des réglisses, et même des suçons pour les enfants. Parmi ses nouveautés, elle propose des mélanges à biscuits et à muffins, qui se retrouvent également sur les tablettes des épiceries indépendantes et zéro déchet de la région.

«Il faut continuer de faire découvrir nos produits aux consommateurs. Quand les gens y goûtent et comprennent la démarche, ils deviennent des clients», dit Anita Légaré, qui passera encore l’été à sillonner les foires alimentaires et kiosques pour aller à la rencontre des clients.

PRODUIRE PLUS

L’exemple de Nutrivore illustre bien les enjeux de cette industrie émergente, estime Marie-Hélène Deschamps, professeure adjointe à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval.

«On a fait de grands pas en peu de temps. Mais il reste encore des obstacles, dont celui d’augmenter nos volumes de production si on veut fournir le marché de l’alimentation humaine.»

Actuellement, quelques produits sont offerts en épicerie, sous la marque Le Choix du Président. Ceux-ci ont été fabriqués à partir d’insectes élevés en Ontario.

Le Québec va bientôt emboîter le pas, assure Mme Deschamps. «Il ne manque pas grand-chose pour qu’on puisse se lancer à grande échelle.»

Selon elle, le Québec pourrait même devenir un leader en Amérique du Nord. L’industrie est florissante et elle s’est rapidement structurée. «Notre cadre réglementaire est plus simple qu’en Europe. On a aussi l’expertise», renchérit-elle.

FORMER

LES AGRONOMES

L’expertise vient notamment de l’Université Laval, qui a lancé l’an dernier la première chaire d’enseignement au pays. Un premier cours sera offert au premier cycle à l’hiver 2024.

Mme Deschamps souhaite former des agronomes qui pourront travailler dans l’industrie des insectes comestibles, mais aussi mieux renseigner ceux gravitant dans les instances gouvernementales pour qu’ils soutiennent le développement des différentes entreprises.

Un volet recherche et développement vise également à optimiser les techniques de production. L’Université Laval possède aussi une colonie expérimentale de mouches soldats noires au pavillon Charles-Eugène-Marchand.

LE QUÉBEC INNOVE

Selon la professeure, le Québec peut rapidement devenir un leader dans la recherche et l’innovation de cette industrie florissante, et ce, même s’il traîne de la patte en termes de production.

«Notre secteur d’activité est aujourd’hui reconnu et nous avons tous les éléments pour réussir. Je crois que, bientôt, des entreprises québécoises perceront le marché de l’alimentation à grande échelle. Ça s’en vient!»

De son côté, Anita Légaré continue de gagner des clients, un à un, en se démarquant avec ses produits aux saveurs variées. «On sent l’intérêt. Le futur, c’est maintenant», répète-t-elle comme slogan.

AFFAIRES

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2023-05-27T07:00:00.0000000Z

2023-05-27T07:00:00.0000000Z

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