LeSoleilSurMonOrdi.ca

Vivre sur du temps emprunté

Nicole Moreau Québec

Comme la plupart des gens qui ont dû affronter le cancer et la chimiothérapie, j’ai dû me réinventer. Ma vision du monde a profondément changé.

Pendant ces trois ans et quelques mois, ma vie a été suspendue dans les semaines précédant les tests visant à mesurer l’évolution éventuelle du cancer qui pourrait m’affecter. Il s’avérait impossible d’oublier que les résultats de ces tests sont susceptibles d’indiquer une récidive du cancer. Il en résultait un très grand stress pour moi. Il était impossible d’oublier que, comme les médecins le disaient, vous avez eu un gros cancer.

On m’avait annoncé au début d’une chimiothérapie en 2020 que, considérant la gravité du cancer qui m’avait affectée, il y avait 65 % de probabilités de développer un autre cancer d’ici une période de cinq ans, un cancer qui serait incurable celui-là. Cette étape de cinq ans ressemble beaucoup à du temps emprunté. D’autant plus que le diagnostic était clair, le cancer qui m’affectait alors était sévère.

Après plus de trois ans de cette vie ponctuée par bien des tests et, à la suite d’un test, une récidive développée très rapidement en moins de six mois a été diagnostiquée.

UNE BELLE VIE

Comme je suis maintenant septuagénaire, que j’ai atteint mes principaux objectifs de vie, avoir des amies et amis, malgré la timidité maladive de ma jeunesse, avoir aimé passionnément un homme, avoir eu une carrière professionnelle avec certains dossiers très innovateurs et avoir accompli, d’une certaine façon, un rêve de jeunesse, soit faire une forme de journalisme — j’ai écrit de très nombreux textes publiés dans les médias de ma région —, je peux me dire que j’ai eu une belle vie. Comme un ami qui a beaucoup compté pour moi, parti trop tôt à 52 ans en 2009, je peux dire la même chose que lui : je me suis battue pour mes valeurs et je suis fière de ça.

Le cancer a marqué pour moi une rupture dans ma vie : il y a la vie avant le cancer et la vie avec le cancer. Je suis porteuse des mêmes valeurs, mais mes possibilités de les exprimer sont radicalement différentes.

Les limitations fonctionnelles découlant de la chimiothérapie de 2020 m’ont beaucoup impactée et m’ont amenée à comprendre que je vivais sur du temps emprunté. Cette sensation (ou cette émotion) peut aider à accepter l’inévitable, à être plus sereine — même si le défi qui m’attend est loin d’être facile. Je ne connais toutefois personne qui a eu une vie facile, on a tous nos problèmes, des catastrophes peuvent nous affecter telles que des deuils, des maladies, des accidents sérieux, etc.

Je reste persuadée de ne pas être la seule à avoir eu ce sentiment de vivre sur du temps emprunté. J’ai le sentiment que beaucoup de gens affectés par de graves maladies, comme le cancer, peuvent éprouver cela. Toutes les étapes associées au processus de traitement peuvent amener vers une dose plus élevée d’acceptation de l’inévitable.

Ça ne rend pas la chose plus facile cependant, l’instinct de survie étant quelque chose de fondamental pour chacun de nous.

C’est ici que se pose la dernière question et, à mes yeux, la plus importante : celle de la qualité de vie. Il apparaît légitime de vouloir privilégier la qualité de vie, surtout quand, comme moi, on a un âge certain.

PLACE PUBLIQUE

fr-ca

2023-05-27T07:00:00.0000000Z

2023-05-27T07:00:00.0000000Z

https://lesoleil.pressreader.com/article/281788518435159

Groupe Capitales Media